Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 4, part. 3, Cok-Com.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Lasalle. — Moi ! je n’en lis jamais, lui répondit-il ; toutes les pièces qui m’arrivent, je les mets dans un sac, je remue, je tire, et le premier manuscrit qui me tombe sous la main est le bon ; j’ai toujours réussi. » Quant au comité de la rue de Richelieu, il fut composé de comédiens et de littérateurs. Ces derniers étaient en majorité, et tous membres de l’Académie française. Ce fut, s’il faut en croire l’auteur des Souvenirs dramatiques, une époque désastreuse pour la Comédie, qui vit ses cartons surchargés d’une avalanche de piéces prétendues littéraires, dont la plupart n’ont pas même pu soutenir la représentation. Les académiciens n’avaient rien à refuser à leurs confrères. Sous Louis-Philippe, l’ancien comité fut rétabli tel qu’il est encore aujourd’hui. À tout prendre, ce mode de comité de lecture est peut-être préférable à tous les autres, non pas au point de vue des progrès de l’art et des tentatives nouvelles, mais au point de vue plus étroit de la prospérité de l’entreprise à laquelle se rattachent la fortune et la réputation des comédiens. Ces derniers, dans leurs jugements plus ou moins passionnés, poursuivent tous un même intérêt, celui de la caisse sociale, et voilà pourquoi, avant toute chose, ils considèrent si l’ouvrage soumis à leurs suffrages doit faire de l’argent.

Le comité de lecture du Théâtre-Français, présidé par le commissaire du gouvernement, se réunit une fois par semaine. La majorité fait loi. La lecture terminée, l’auteur se retire, et le comité va aux votes, sans discussion, sans observation : chacun des membres dépose dans une urne l’une des trois boules qu’il a devant lui, blanche, rouge ou noire, qui indiquent les réceptions définitives, les réceptions à correction (manière polie de recevoir un auteur sans être tenu de jouer sa pièce) et les refus. Ce mode de voter avec des boules fut adopté à la suite d’une aventure qui courut les petits journaux en son temps. C’était sous la Restauration : chaque membre du comité émettait alors son opinion sur l’ouvrage lu, par des bulletins écrits que l’on dépouillait ensuite devant l’auteur. Un jour, Henri de Latouche lit un acte en vers, Un tour de faveur ; la lecture achevée, le commissaire du roi dépouille à haute voix les bulletins et arrive à celui-ci, qui portait la signature d’une des grandes dames de la Comédie-Française : « Cette petite acte ma paru charmante, mais invraisemblable, je la refuse. » Latouche donna le bulletin au Corsaire ; le malin journal en plaisanta, et la Comédie remplaça prudemment les bulletins écrits par des boules qui peuvent se passer d’orthographe. On ne saurait rien imaginer de plus froid, de plus glacial que ces assemblées d’acteurs habitués à tous les genres d’émotion de théâtre. Pas un geste, pas un mot, pas un regard ne vient encourager l’auteur. Rarement une pièce, quelque amusante qu’elle soit, a le privilège de dérider ces messieurs et ces dames. Lorsqu’une pièce est reçue, deux manuscrits sont envoyés à la censure, et un troisième reste au théâtre pour le souffleur. La pièce arrive à son tour de représentation, si elle n’obtient un tour de faveur.

— Administr. marit. Comité consultatif des colonies. Ce conseil est de création récente ; il date du 3 mai 1854, et a été institué en vertu du sénatus-consulte qui règle la constitution des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Organisé par un décret daté du 26 juillet 1854, il siège au ministère de la marine. Ce comité donne son avis sur les projets de sénatus-consulte, les projets de loi et les projets de décrets relatifs aux matières coloniales qui sont renvoyés à son examen par le ministre. Il n’a point d’initiative. Quatre membres, nommés par l’empereur, exercent gratuitement leurs fonctions ; trois autres membres, délégués par les colonies, reçoivent une indemnité de 12,000 fr. par an.

Comité consultatif de l’artillerie de marine. Le ministère du marquis de Chasseloup-Laubat s’est particulièrement fait remarquer par un grand nombre de mesures d’une haute importance, et qui ont puissamment contribué à faire entrer la marine française dans la voie de progrès où nous la trouvons aujourd’hui. Le comité de l’artillerie de marine, est l’une de ces créations dont l’à-propos ne saurait être contesté, au moment où une lutte si intéressante s’est engagée entre la plaque et le boulet. Ce comité, institué en 1864, a pour mission l’examen des questions relatives au service de l’artillerie, ainsi que des inventions et découvertes pouvant intéresser ce service. Il se compose d’un général de division de l’artillerie de la marine et des colonies, d’un contre-amiral, d’un général de brigade d’artillerie de marine, d’un capitaine de vaisseau, d’un colonel d’artillerie de marine et d’un colonel de l’artillerie de terre. Cette création a déjà donné d’importants résultats.

— Administr. milit. Comité du génie et des fortifications. Ce comité, composé de lieutenants généraux du génie, auxquels le ministre peut adjoindre des maréchaux de camp, est appelé à donner son avis sur des matières spéciales définies par l’ordonnance du 27 août 1830.

— Administr. des monnaies. Comité des graveurs. Institué par la Commission des monnaies, par arrêté du ministre des finances du 24 mai 1832, ce comité est composé de cinq membres nommés par le ministre des finances, sur une liste de douze candidats qui lui est présentée par le président de la Commission ces monnaies et médailles. Cette liste est formée par les graveurs en médailles convoqués à cet effet par le président de la Commission. Ne peuvent être portés sur la liste que les membres de l’Institut appartenant à l’Académie des beaux-arts, les sculpteurs ou graveurs en médailles qui auront fait un modèle, exécuté une médaille ou dont les ouvrages ont figuré aux expositions publiques des beaux-arts. Les graveurs ayant pris part aux concours pour la gravure de coins monétaires font de droit partie de ceux qui sont désignés pour la formation de la liste des candidats. C’est au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des voix des membres présents, que ces candidats sont nommés et portés sur la liste, dans l’ordre des suffrages obtenus. Ce comité est renouvelé tous les deux ans ; les membres qui en ont fait partie peuvent être réélus. En cas de vacance par décès ou démission dans l’intervalle des deux années, le ministre choisit le remplaçant parmi les candidats déjà désignés et qui n’avaient pas fait partie du comité. Il doit toujours y avoir en exercice deux membres de l’Institut, l’un peintre, l’autre sculpteur, et trois graveurs en médailles.

Le comité des graveurs se réunit à la Monnaie de Paris, sur la convocation du président de la Commission des monnaies ; il est chargé de donner son avis sur les travaux que nécessite l’état des coins de la collection provenant de l’ancienne Monnaie des médailles, collection très-riche et extrêmement précieuse, qui s’est augmentée d’ouvrages remarquables, commandés aux meilleurs artistes par l’État, les administrations publiques et la Commission des monnaies elle-même. Il est aussi appelé à donner son avis : 1° sur les prix à allouer pour les travaux dont il aura reconnu la nécessité ; 2° sur le choix des artistes auxquels ils devront être confiés ; 3° sur la réception des travaux commandés ; 4° sur les perfectionnements qui pourront être apportés dans la fabrication, tant des médailles que des espèces monétaires. Dans ce dernier cas seulement, le graveur général et l’ingénieur mécanicien attaché à la Monnaie de Paris peuvent être appelés à faire partie du comité, avec voix délibérative.

Le comité des graveurs s’assemble sous la présidence du président de la Commission des monnaies ou de l’un des commissaires généraux désigné par lui. Les délibérations sur les objets qui lui sont soumis par le président sont consignés, à chaque séance, sur un registre tenu par le conservateur du musée monétaire de la Monnaie de Paris, qui remplit près du comité les fonctions de secrétaire. Chaque membre de ce comité, à l’exception du président et du secrétaire, reçoit un jeton de présence en argent de la valeur de 5 à 6 fr.


Comité autrichien. On appela ainsi, à l’époque de la Révolution, la faction ultraréactionnaire qui entourait la reine, désignée elle-même par l’épithète d’Autrichienne, que d’ailleurs les coteries de palais lui avaient donnée longtemps avant 1789. (V., dans ce Dictionnaire, Autrichienne [l’]' et Marie-Antoinette). L’existence du comité autrichien fut dénoncée par Carra, dans ses Annales patriotiques, au commencement de mai 1792. Depuis longtemps, d’ailleurs, on regardait avec raison les Tuileries comme le centre d’un complot tramé contre la France et la Révolution, de concert avec l’étranger. Néanmoins, la dénonciation publique de Carra fit grand bruit ; la cour affecta une vive indignation, et, comme Carra avait déclaré tenir ses renseignements de Merlin, Basire et Chabot, membres de l’Assemblée législative, le juge de paix de la section des Tuileries, Étienne de La Rivière, poussé par le parti de la cour, eut l’audace de faire arrêter les députés. L’Assemblée indignée lança un décret d’accusation contre La Rivière, et, le 23 mai, Gensonné et Brissot firent monter de la presse à la tribune nationale les accusations contre le comité autrichien, en basant leur réquisitoire sur des documents tirés des archives du comité diplomatique.

Il est certain que ce fameux comité, dont quelques historiens ont voulu faire une chose légendaire, n’était pas une pure fiction. L’Autriche était bien positivement l’espoir et l’appui de la faction absolutiste qui dirigeait la reine. Le comte Mercy d’Argenteau, d’abord ambassadeur d’Autriche en France, puis lieutenant de son souverain en Belgique, était le chef et l’inspirateur de cette coterie antinationale. Il dirigeait entièrement Marie-Antoinette, corrigeait, de son aveu, les lettres politiques qu’elle adressait à l’empereur son frère, et les fermait de sa main ; car cet agent d’un gouvernement étranger, qui même ne représentait plus son prince en France, mais en Belgique, était dépositaire du cachet de la reine de France, comme nous le voyons dans les correspondances publiées par M. Feuillet de Conches. Les autres membres les plus connus du parti autrichien étaient les ministres Bertrand de Molleville et Montmorin, Breteuil, La Mark, sujet de l’Autriche, l’entremetteur des relations de Mirabeau avec la cour, l’abbé Vermond, précepteur de la reine (qui émigra, il est vrai, en 1791), Malouet, Mallet du Pan, agent secret de Louis XVI en Autriche et en Prusse, etc. Outre les articles indiqués ci-dessus, voyez encore Louis XVI.


Comité de surveillance de la Commune, dont le nom se rattache aux massacres de septembre. Il avait été formé le 2 septembre au matin, et composé des administrateurs de police Duplain, Panis, Sergent et Jourdeuil, autorisés par le conseil de la commune à s’adjoindre plusieurs membres, et qui choisirent Lenfant, Cally, Leclerc, Duffort, Marat et Desforgues. Ce sont ces dix personnages sur lesquels l’histoire fait retomber en partie la responsabilité des massacres des prisons dans ces funestes journées. Cette opinion est certainement trop absolue. Ce qui est certain, c’est qu’ils ne firent rien pour les empêcher, et que plusieurs d’entre eux étaient favorables à ces odieuses exécutions. Le 3 septembre au soir, le comité de surveillance expédia dans les provinces une circulaire demeurée fameuse, et qui était l’apologie officielle des massacres, avec invitation à les imiter. Cette pièce était signée des noms de tous les membres du comité, moins Leclerc. Mais plus tard plusieurs, notamment Desforgues, protestèrent contre l’apposition de leur nom, et affirmèrent n’avoir point signé. On n’a d’ailleurs jamais retrouvé l’original de la circulaire, et, comme l’impression avait été faite sur les presses de Marat, quelques historiens ont supposé que c’est lui qui avait apposé d’office les noms de ses collègues. Pour éviter de tomber dans les redites, nous renvoyons le lecteur à l’article Septembre (Massacres de). Nous examinerons là quelle fut réellement la part du comité dans cet épisode tragique de notre histoire révolutionnaire.


Comité de Salut public. L’Assemblée législative avait institué, après le 10 août, un comité de défense générale, qui fut continué sous la Convention avec une partie des mêmes membres, et reconstitué au commencement de janvier 1793. Ce comité était fort nombreux ; en outre, tous les représentants avaient entrée aux séances, qui se tenaient le soir, à l’hôtel d’Elbeuf, sur la place du Carrousel ; c’était une sorte de succursale de l’Assemblée ; les ministres y venaient exposer leurs projets, et le temps se consumait en débats souvent stériles ; de plus, des affaires qui eussent exigé le secret, des projets de défense ou d’attaque, livrés ainsi aux polémiques retentissantes, étaient ébruités avant l’exécution.

Les périls croissants de la République firent bientôt sentir le besoin de concentrer l’action du pouvoir. Le 26 mars 1793, sur la proposition de Quinette, appuyée par Isnard, création d’un comité de défense et de salut public, composé de vingt-cinq membres. Isnard, Vergniaud, Gensonné, Pétion y siégeaient côte à côte avec Robespierre, Danton, Camille Desmoulins. Ce comité, formé d’éléments hétérogènes, troublé par les dissensions habituelles entre girondins et montagnards, n’eut d’ailleurs qu’une durée de dix jours et peu d’importance politique, et même les historiens ne le distinguent pas du comité de défense générale.

Enfin, à la nouvelle de la trahison de Dumouriez, proposition de Barère, et rapport d’Isnard le 6 avril pour la formation d’un nouveau comité de Salut public, composé de neuf membres, tous conventionnels. Cette fois, tous les girondins furent exclus. L’Assemblée nomma Barère, Delmas, Bréard, Cambon, Jean Debry, Danton, Guyton-Morveau, Treilhard, Lacroix. Jean Debry, n’ayant pas accepté, fut remplacé par Robert Lindet, désigné d’abord comme l’un des suppléants.

Aux termes de son institution, le comité devait être renommé de mois en mois ; il était chargé simplement de surveiller et d’accélérer l’action du conseil exécutif (le ministère), mais autorisé à suspendre les arrêts qui lui paraîtraient contraires à l’intérêt public et à prendre, dans les circonstances urgentes, les mesures de défense générale extérieure et intérieure. Il était tenu, d’ailleurs, de rendre compte de ses actes à la Convention.

Comme on le voit, les pouvoirs du comité n’étaient, dans l’origine, ni très-étendus ni parfaitement définis. La force des choses ne tarda pas à lui donner toute l’autorité exécutive ; il réduisit promptement les ministres au rôle de simples commis, pour les supprimer ensuite tout à fait.

Plusieurs de ses membres, effrayés par l’énormité de la tâche et par les revers militaires de cette époque, donnèrent leur démission. Enfin, après plusieurs modifications partielles, un remaniement intégral eut lieu le 10 juillet. Barère et Lindet furent seuls conservés. Les nouveaux membres élus furent les suivants : Jean-Bon Saint-André, Hérault de Séchelles, Prieur (de la. Marne), Gasp’arin, Thuriot, Saint-Just, Couthon. À la fin du même mois, Robespierre fut élu en remplacement de Gasparin, démissionnaire pour cause de santé. Enfin Thuriot donna également sa démission ; Hérault tomba avec le parti Danton, et, d’un autre côté, Prieur (de la Côte-d’Or), Carnot (14 août), Billaud-Varennes et Collot d’Herbois (6 septembre) entrèrent au comité, qui compta définitivement douze membres. La Convention pouvait remplacer trois d’entre eux chaque mois ; mais, avec un sentiment profond des circonstances, elle ne voulut point entamer l’unité gouvernementale tant que durèrent les périls de la patrie, et, par des élections renouvelées chaque mois, elle maintint les mêmes citoyens au pouvoir pendant une année.

C’est ce gouvernement, dont les actes seront à jamais mémorables, auquel on donna et qui a conservé dans l’histoire le nom de Grand comité. Ses membres convinrent d’abord de délibérer en commun ; mais l’énorme affluence des affaires (de 400 à 500 par jour) démontra bientôt que ce plan était irréalisable, au moins pour les infinis détails des services. Chacun eut donc ses attributions distinctes, une sorte de ministère, avec une autorité presque illimitée ; mais les deux tiers des signatures étaient nécessaires pour la validité des actes. Ces contre-seings n’étaient souvent, il faut le dire, qu’une simple formalité, par suite de l’immensité du travail dont chacun était accablé ; il arrivait même que, des membres étant en mission ou malades, il n’était pas possible de réunir la majorité voulue. Dans ce cas, et quand il s’agissait d’une pièce qui ne souffrait pas d’ajournement, on inscrivait d’office quelques signatures sur l’expédition. Il est inutile de signaler les vices d’une telle organisation, qui imposait à tout le comité la solidarité des actes de chaque service particulier ; mais une situation sans exemple, des circonstances impérieuses, n’avaient pas permis de concilier autrement la responsabilité collective et la division du travail. Il y eut de graves abus, on ne saurait le nier, et, pour ne citer qu’un exemple, Carnot eut plus tard à se défendre de sa signature apposée sur certaines pièces qu’il n’avait même pas lues ; mais l’expédition d’une masse aussi considérable d’affaires créait des impossibilités physiques qu’il fallait cependant surmonter. La rapidité d’expédition, on ne doit pas l’oublier, était alors une des conditions suprêmes du salut public.

Le travail avait été réparti entre ces formidables travailleurs, suivant les aptitudes et les précédents de chacun : Billaud-Varennes et Collot d’Herbois étaient chargés de la correspondance journalière avec les autorités civiles et des instructions destinées aux représentants en mission ; Saint-Just avait le domaine de la législation constitutionnelle ; Robespierre s’occupa d’abord de l’instruction publique, puis des exposés de principes et de la direction de l’esprit public. Plus tard, les trois amis, Robespierre, Saint-Just et Couthon, formèrent un bureau de haute police révolutionnaire qui donna lieu à des conflits d’attributions avec le comité de Sûreté générale ; Jean-Bon Saint-André, ancien marin, fut chargé de l’administration navale et des missions dans les ports et sur les flottes ; Carnot eut le personnel et le mouvement des armées, les plans de campagne, etc. ; Prieur (de la Côte-d’Or), les armes, les munitions, les hôpitaux, les expéditions aux municipalités, aux armées, aux représentants en mission ; Robert Lindet et Prieur (de la Marne), les subsistances, l’habillement, les transports, les approvisionnements généraux ; Barère, les affaires étrangères, les secours publics, les monuments, les théâtres, etc. ; il était en outre le rapporteur habituel du comité auprès de la Convention, fonction qu’il remplissait avec une rare facilité.

Plusieurs membres étaient presque constamment en mission, et le comité actif, à Paris, ne se composa presque toujours que de neuf membres : ce ne fut donc jamais, ni de nombre ni de fait, un décemvirat, bien qu’il ait reçu et qu’il ait conservé ce nom.

La division du travail avait formé dans son sein trois groupes qu’on désignait communément par des noms significatifs, en raison de leurs fonctions et de leurs tendances : Barère, Collot et Billaud étaient les gens révolutionnaires ; Carnot, Prieur et Lindet, les travailleurs ; Robespierre, Saint-Just et Couthon, les gens de la haute main. Ces derniers étaient aussi désignés collectivement sous le nom de triumvirat, en raison de leur intimité et des idées de domination qui leur étaient attribuées.

Les pouvoirs exercés par le comité, ainsi que nous l’avons indiqué, s’accrurent successivement, surtout à partir de l’établissement du gouvernement révolutionnaire (octobre) et de la suppression des ministres, remplacés par douze commissions administratives, placées sous sa direction. Il exerça dès lors une véritable dictature, sous la haute surveillance de la Convention et du peuple. Les périls publics justifiaient suffisamment cette concentration de pouvoir, la création de cette forte machine gouvernementale, et les citoyens que la confiance nationale avait placés à ce poste de combat, et qui étaient investis d’une telle autorité, n’avaient d’ailleurs que les soucis, les fatigues et les dangers du pouvoir, sans rien de ce qui en fait le prix pour les âmes vulgaires, aucun de ces privilèges qui flattent l’orgueil et l’ambition. Leur traitement était à peine suffisant pour la vie privée ; aucun luxe ne les environnait ; ils ne commandaient point les armées en personne ; ils n’étaient entourés d’aucun appareil ; ils n’avaient aucune gestion pécuniaire ; leurs travaux étaient collectifs, et nul d’entre eux ne faisait œuvre distincte et personnelle. Simples citoyens, ils rentreront demain dans la foule ; leur tête répond de leurs actes, et, quand ils sortiront du pouvoir, aucune récompense matérielle ne soldera leur dévouement à la patrie.

Ils dirigeaient les finances, mais seulement à titre d’administration générale, ayant toujours repoussé toute espèce de maniement de fonds. Danton, qui regardait l’argent comme un moyen de gouvernement, avait plusieurs fois proposé qu’on mît des fonds à la disposition du comité (dont lui-même ne faisait plus