tines d’Hérodote, da Thucydide, de la Géographie de Strabon, etc.
CONRAD D’HOCHSTEDT, prélat turbulent, archevêque de Cologne, mort en 1261. Il fut
presque continuellement en guerre contre ses
voisins et contre ses propres sujets. Excité
par le pape Innocent IV, il entra sur les terres
de l’empire, mais fut vaincu et fait prisonnier. Après
la déposition de l’empereur Frédéric II, il concourut successivement à l’élection de trois compétiteurs de ce prince. Une révolte ayant éclaté contre lui à Cologne, occasionnée par l’altération des monnaies, il essaya d’incendier la ville. Ce prélat était néanmoins un homme lettré, protecteur des sciences et des arts.
CONRAD DE LICHTENAU, chroniqueur allemand,
mort en 1240. Il fut abbé du monastère
d’Ursperg, de l’ordre des Prémontrés. On
lui attribue la célèbre Chronique d’Ursperg,
qui contient des choses remarquables sur l’histoire
d’Allemagne, et principalement sur la
lutte qui existait alors entre les papes et les
empereurs. Elle a été imprimée pour la première
fois par Conrad Peutinger, à Augsbourg
(1515).
CONRAD DE MARBOURG, moine allemand, confesseur du landgrave Louis de Thuringe et de sa femme Élisabeth, qui s’acquit une si grande réputation de sainteté. Il se signala par le féroce emportement de son zèle contre les hérétiques de cette contrée, et périt assassiné
dans une embuscade, en 1233.
CONRAD DE WURTZBOURG, minnesinger ou troubabour allemand, mort à Fribourg en
Brisgau en 1287, fut un des poëtes les plus
féconds de cette époque. Ses poésies charment
par la fraîcheur d’imagination dont elles
sont empreintes, en même temps que par la
naïveté.des expressions. Ses œuvres les plus
remarquables sont:la Guerre de Troie, poème
épique dont une partie a paru dans la Collection de poésies teutoniques, par Müller; des
satires, des fables, etc. On lui attribue aussi
le poëme des Niebelungen.
Conrad Wallenrod, poëme polonais, par Adam Mickiewicz. Cet admirable et célèbre
poëme, publié d’abord à Saint-Pétersbourg,
fut imprimé à Paris en 1830, et presque aussitôt
traduit en français par MM. Miakouski et
Fulgence, Conrad Wallenrod joint à la nouveauté
du langage celle de la forme : les explications,
les expositions, les transitions sont
évitées. Point de mythologie chrétienne ou
païenne : la poésie ressort des hommes et des
lieux mêmes. Les sensations d’amour ou de terreur
que donne la nature conservent leur vague
empreinte ; le poète, qui parle la langue du
peupie, laisse aux champs, aux lacs, aux bois,
leur langage sublime : il ne les pétrifie pas en
dieux et en déesses. Le poëme est précédé d’un
exposé rapide de la courte et brillante existence
des Lithuaniens, Opprimée par l’ordre
teutonique, fléau des nations païennes sur les
frontières desquelles il était allé se placer, la
Lithuanie trouva un jour de désespoir et de
force : les chevaliers teutons ployèrent devant
elle, et elle s’anéantit en les écrasant.
L’ordre chrétien périt, comme elle, au moment
de sa plus grande puissance. Le grand maître
Conrad Wallenrod, fameux cependant par sa
valeur et son énergie, semble avoir préparé
la perte de l’ordre dont il était le chef, et
Mickiewicz explique les étonnantes contradictions
que les chroniqueurs remarquent dans
la vie et dans le caractère de ce chevalier,
en en faisant un Lithuanien, qui cache sous le
manteau et la croix sa haine pour les Teutons
et son désir de venger sa patrie. Le
poëme est plus attrayant que l’histoire ; nous
allons essayer de donner une idée de sa marche
un peu vague, mais rapide et poétique.
Avec la vivacité des chants populaires, Mickiewicz
se transporte sans explication à Marienbourg,
siège de l’ordre teutonique, où se
poursuivent les travaux relatifs à l’élection
du grand maître. Après l’hymne au Saint-Esprit
et les prières dans le chœur, les chevaliers
sortent pour chercher la fraîcheur du
soir : « C’était par une nuit silencieuse, une
nuit de mai ; d’incertaines lueurs blanchissaient
l’horizon ; la lune avait parcouru les
champs de saphir, et, tantôt noyant son chatoyant
éclat dans une nuée obscure, tantôt
s’assoupissant au bord d’un nuage argenté,
elle abaissait sa tête pensive. L’archikontur,
venant de se consulter avec Halban et les anciens
dans la solitude, sur les bords tranquilles
du lac, passe au coin de la tour de l’Angle,
et s’arrête : « une voix s’élève, c’est celle de
la solitaire, » d’une femme pieuse inconnue ;
il y a dix ans qu’elle obtint des prélats cet
asile. « À peine en avait-elle passé le seuil
sacré, qu’on y entassa des briques et des
pierres ; elle y demeure avec ses pensées et
Dieu. L’ange, au dernier jour, ouvrira seul
la porte qui la sépare des vivants. Par une
petite fenêtre, par une grille, le peuple lui
donne sa nourriture, et le ciel les zéphyrs et
les rayons du jour. Pauvre pécheresse ! la
haine du monde a-t-elle tant aigri ta jeune
âme, que tu aies peur du soleil et du beau
temps ? Jamais on ne la voit se coller à la fenêtre
pour aspirer la fraîche haleine du vent,
pour voir le ciel dans sa splendide parure, les
belles fleurs sur l’étendue des plaines, et le
visage de ceux qui l’aiment, plus beau que
tout le reste… » On sait seulement qu’elle
existe encore. Le pèlerin nocturne a entendu
ses chants pieux : quelquefois, quand les enfants des villages voisins mêlent leurs jeux
dans la prairie voisine, on a vu luire à l’étroite
croisée comme un rayon de l’aurore
naissante. Est-ce sa chevelure ambrée ? Est-ce
l’éclat de sa petite main de neige bénissant
leurs têtes innocentes ? C’est sa voix, du
moins, qui a prononcé le nom de Conrad au
moment où les chevaliers passent au pied de
la tour. Ils lèvent la tête : penchée vers la
grille, elle tend les bras. Halban cependant
a saisi ce nom comme un augure ; ses compagnons
croient avec lui à la voix prophétique,
et Conrad est proclamé grand maître.
Les espérances que l’ordre fondait sur sa bravoure
sont vaines. Conrad ne guerroie pas,
il châtie : en vain la Lithuanie, déchirée par
des dissensions intérieures, offre une proie
facile ; en vain son roi Witold, chassé par Jagellon,
implore des secours contre ses propres
sujets : le grand maître veut la paix. Les Lithuaniens,
qui jadis fuyaient au seul nom des
Teutons, viennent ravager les alentours de
la ville, et « pour la première fois l’enfant,
sur le seuil de la maison paternelle, frémit
aux sons du cor samogitien. » Cependant
les chevaliers murmurent, le conseil s’assemble,
on cherche Conrad ; il n’est ni dans la
chapelle, ni dans le palais, mais il est sans
doute à la tour de l’Angle. Ses frères ont épié
ses pas ; de nuit on l’a vu immobile, agenouillé
contre la muraille, poussant de sourds gémissements.
Nous ne suivrons pas plus longtemps
l’auteur à travers les péripéties de son récit,
qui n’est qu’une allégorie à peine voilée. La
femme prisonnière, c’est la Lithuanie, ou
mieux la Pologne, à qui Mickiewicz indique
clairement quelle doit être sa politique à l’égard
de la Russie, et comment, par son adhésion
même à la puissance conquérante, elle
peut préparer sa propre délivrance. Pour plus
de clarté, le poëte a mis en tête de son œuvre,
inspirée par un profond et ardent patriotisme,
cette épigraphe, qui semble empruntée
â Machiavel : Bisogna essere volpe e leone
(Il faut être renard et lion). Mais, après tout,
cette politique n’était menaçante que pour
l’avenir ; dans le présent, elle ne contrariait
guère le gouvernement du czar. Deux traductions
russes parurent sans que l’autorité
y mît obstacle. L’empereur Nicolas fit complimenter
l’auteur et lui offrit, dit-on, un poste
diplomatique. Mickiewicz ne demanda qu’un
passe-port pour l’étranger, l’obtint par l’entremise
du poëte russe Zowkovski, et quitta la Russie pour toujours.
CONRADI (Jean-George), compositeur allemand de la seconde moitié du XVIIe siècle,
fut maître de chapelle à Attingen. Il a composé
un assez grand nombre d’operas, qui furent
représentés à Hambourg et dont quelques-uns
eurent du succès, bien que son style soit lourd et que ses mélodies manquent
de grâce. Nous citerons : Ariane (1691) ; Numa
Pompilius (1691) ; Charlemagne (1692) ; Jérusalem (1692) ; Genséric (1693) ; Pygmalion (1693).
CONRADI (Ernest), physicien allemand, né
à Hambourg en 1677, mort à Brême en 1715.
Il remplit les fonctions de pasteur à Brême.
On a de lui : De surdorum enunciationibus
(1698) ; finitor physicus (Wittemberg, 1703), etc.
CONRADI (François-Charles), jurisconsulte allemand, né à Reichenbach (Prusse) en 1701,
mort en 1748. Il professa le droit à Wittemberg
et à Helmstaedt. Parmi ses ouvrages
nous citerons : Parerga in quibus antiquitates et historia juris illustrantur (1735-1740) ; Principes du droit germanique en proverbes (1745).
CONRADI (Jean-Louis), jurisconsulte allemand,
né à Marbourg en 1730, mort en 1785.
Il occupa une chaire de droit dans sa ville natale,
et publia entre autres ouvrages : Reprehensorum in observationibus super jure civili dicersorum liber (Leipzig, 1756) ; Observationes juris civilis (Marbourg, 1782), etc.
CONRADI (George-Christophe), médecin allemand né dans le Hanovre en 1767, mort
en 1798. Il pratiqua son art à Hameln, puis à
Northeim, où il mourut. Ses principaux ouvrages
sont : Manuel des médecins (Hanovre,
1798) ; Manuel de l’anatomie pathologique
(1796, in-8o).
CONRADI (Jean-Guillaume-Henri), médecin Allemand, né à Marbourg en 1780, passa
son doctorat dans sa ville natale, en 1802. Il
fut successivement professeur agrégé et titulaire
(1805), directeur de la clinique médicale
(1809), puis se rendit à Heidelberg (1814), où
il fut mis à la tête d’un hôpital et pourvu
d’une chaire. Sa réputation comme praticien
lui valut, en 1820, le titre de conseiller aulique.
Trois ans plus tard, M, Conradi alla
s’établir à Gœttingue, et y devint professeur
à l’université, directeur de clinique et médecin
de l’hôpital Ernest-Auguste. Il est membre
de l’Académie des sciences de Gœttingue et
conseiller supérieur de médecine. Outre de
nombreuses dissertations dans les Annales littéraires de Heidelberg, dans les Annonces savantes de Gœttingue, etc., le docteur Conradi
a publié plusieurs ouvrages fort estimés.
Nous citerons notamment : Introduction à l’étude de la médecine (Marbourg, 1828, 3e édition) ;
Manuel de la thérapeutique générale
(Cassel, 1833) ; Manuel de pathologie et de thérapeutique spéciales (Marbourg, 1831-1833 ;
2 vol., 4e édition) ; Des fièvres décrites par Hippocrate (1844) ; Observations sur les fièvres gastriques (1854), etc.
CONRADIE s. f. (kon-ra-di — de Conrad Gesner, célèbre botaniste). Bot. Genre de
plantes, de la famille des gesnériacées, tribu
des gesnériées, formé aux dépens des gesnéries,
et comprenant une dizaine d’espèces,
qui croissent dans l’Amérique tropicale.
CONRADIN ou CONRAD V, dernier rejeton de la maison de Hohenstauffen, né en 1254,
fils de Conrad IV. Il fut dépouillé presque en
naissant de ses droits à la couronne impériale
et de la possession des royautés de Germanie,
de Naples et de Jérusalem. Entraîné par ses
partisans en Italie, à l’âge de dix-sept ans,
pour enlever Naples à Charles d’Anjou, il
remporta d’abord quelques avantages, mais
fut vaincu à Tagliacozzo (1268). Conradin prit
la fuite vers la plage romaine. Parvenu avec
un certain nombre de ses fidèles au château
d’Astura, situé dans une petite île, à l’embouchure
de la rivière de ce nom, château appartenant
à un baron romain nommé Frangipani,
lequel se trouvait là en ce moment, il
fut reconnu par celui-ci, arrêté et livré au roi
Charles, qui, en récompense de ce honteux
service, lui donna de belles terres et une seigneurie
(ou un fief) à la Pilosa, entre Naples
et Bénévent. Ce Frangipani fut la tige
des Frangipani de Naples, à qui cette action
de prévôt et d’alguazil valut et fortune et
honneurs. Charles fit d’abord mettre Conradin
et ses compagnons en prison, et les y retint
plus d’un an. Enfin, sollicité de prendre
part à la croisade que saint Louis méditait de
porter sur la terre d’Afrique, il dit de son prisonnier
sans doute ce qu’Orosmane dit de Lusignan :
On sait son droit au trône, et ce droit est un crime ;
et ne voulant pas le laisser derrière lui, il se décida à le faire juger ou plutôt condamner à raison de ce crime. « Un simulacre de tribunal s’assembla par son ordre, dit un historien (Ch. Romey, Hist. d’Esp., t. VII, p. 47), sous la présidence de Robert de Bari, haut justicier et protonotaire du royaume, et condamna le jeune prince et ses compagnons a avoir la tête tranchée. Lorsque ce même Robert de Bari, qui avait été autrefois un lâche courtisan de la maison de Souabe, leur lut l’arrêt de mort où ils étaient qualifiés de traîtres : « Malheureux, s’écria Conradin, tu oses appeler traître le fils de Conrad, que tu as toi-même trahi ! » Le comte Robert de Flandre, Robert III, gendre de Charles et tout dévoué à sa cause, ne put réprimer lui-même un généreux mouvement, et il le laissa éclater en véritable héros barbare ; il donna, devant le le roi lui-même, à Robert de Bari un coup d’estoc, dont le juge mourut incontinent. C’était un seigneur puissant, et Charles n’osa rien contre lui… Al giudice che condanno Curradino, Ruberto, figliulo del conte di Fiandra e genero del re Carlo, come ebbe letta la condamnagione, gli diè d’uno stocco.., del qual colpo il giudice, présente il re, incontanamente morio, e non ne fu parola, perche Ruberto era molto grande appo il re (Villani, liv. VII, chap. xxx).
L’exécution eut lieu incontinent devant le roi Charles, qui eut la barbarie de faire couper la tête d’abord au plus jeune des condamnés, à Frédéric d’Autriche, de deux ans moins âgé que Conradin, qui l’avait amené en Italie pour lui faire faire ses premières armes. À l’appel du bourreau, Conradin détacha lui-même son manteau, et s’étant mis à genoux pour prier, il se releva en s’écriant : « O ma mère ! quelle profonde douleur te causera la nouvelle qu’on va te porter de moi ! » Il jeta ensuite son gant au milieu de la foule, comme pour y chercher un vengeur. Ce gant fut relevé par un chevalier aragonais, et porté à son cousin Pierre d’Aragon, mari de la fille de Manfred, qui en effet le vengea quinze ans après en arrachant pour jamais la Sicile à la maison d’Anjou, à la suite des Vêpres siciliennes. Puis, par un brusque mouvement, il prit la tête de Frédéric, qu’il avait beaucoup aimé, la baisa en pleurant, et la tenant serrée dans ses bras, posa sa tête sur le billot, et la hache du bourreau la sépara du tronc. Ses fidèles conseillers, les Lancia et les Gherardesca, subirent le même supplice ; le même jour, sur le même échafaud. Villani (liv. VII, chap. xxix) nomme encore le comte Calvagno, le comte Gualferano, le comte Bartolomeo, deux de ses fils, et le comte Gherardo da Doneratico de Pise, en tout dix têtes tranchées par la hache, sous les yeux de ce bon frère de saint Louis. Ainsi périt Conradin, à dix-sept ans, devant un immense concours de peuple, qui dissimulait mal sa douleur, le 26 octobre 1269.
À quelques pas de l’église del Carmine, située sur la place du Grand-Marché à Naples, est une chapelle bâtie dans l’endroit même où Charles d’Anjou fit décapiter Conradin, Frédéric d’Autriche et leurs adhérents. La scène de l’exécution était autrefois peinte sur le mur autour de cette chapelle ; mais ces peintures sont tombées avec le temps ; on y voyait cependant encore, il y a quelques années, Conradin tenant la tête de Frédéric, au moment de recevoir le coup mortel. Dans cette même chapelle, au lieu précis où tombèrent les têtes de ces deux malheureux enfants avec dix autres têtes, une colonne de porphyre fut érigée avec cette atroce inscription gravée autour :
Asturis ungue, leo, pullum rapiens aquilinum,
Hic deplumavit, acephalumque dedit.
« Grâce aux griffes de l’autour, le lion, saisissant le poulet-aiglon, l’a déplumé ici, et rendu acéphale (sans tête). »
Ce pauvre distique est bien digne du temps où il a été fait ; ce qui révolte, c’est le ton de mauvaise plaisanterie qui y règne et qui fut comme solennisé dans un monument public; le tout à propos d’une scène tragique qui eût du toucher des ennemis généreux, même si on veut admettre qu’ils la jugeassent nécessaire. On y voit avec quel bon goût, quelle sensibilité chrétienne, et par quel joli jeu de mots le poëte fait honneur à l’autour (Astur, le seigneur d’Astura, Frangipani) de la capture du poulet-aiglon (Conradin), et au lion (Charles d’Anjou), d’avoir déplumé celui-ci et de l’avoir rendu acéphale. C’était là le bon temps. Il faut rendre justice cependant à qui de droit : il n’y avait pas de pape au moment de l’exécution, et, dès son avènement au trône pontifical (le 1er septembre 1271), Grégoire X s’empressa de blâmer le roi vainqueur… Della detta sentenza, dit Villani, ne fù multo represo dal papa e da suoi cardinali, e da ogni savio, peroch’egli havea preso Curradino é suoi per caso di battaglia, e non per tradimento, e meglio era a tenerli prigioni che farli morire… (liv. VII, chap. xxix). Mais on ne dit pas que saint Louis ait témoigné de tout cela à son frère la moindre indignation. Cet acte, et beaucoup d’autres actes encore du roi Charles, préparaient bien, ce semble, et justifiaient d’avance les Vêpres siciliennes.
Conradin et Frédéric, tragédie en cinq actes et en vers, par Liadières, fut représentée
avec un grand succès à l’Odéon, le 23 avril
1820, puis traduite en plusieurs langues et
même jouée au théâtre d’Amsterdam. Le sujet
tient à l’histoire de France, et peut passer
en quelque sorte pour la préface des Vêpres
siciliennes. Pas plus que la tragédie inspirée
à Casimir Delavigne par ce massacre, le sujet
de Conradin et Frédéric n’était fait pour
une scène française. Si, dans les Vêpres siciliennes, nous voyons des Français égorgés par
milliers dans un pays conquis, dans la pièce
de Liadières nous rougissons en présence du
frère d’un roi de France immolant sur l’échafaud
un enfant de race royale âgé de dix-sept
ans, dont il a usurpé l’héritage, et son ami,
Frédéric d’Autriche, un héros qui a sauvé
l’État. Ce double supplice est une flétrissure
pour Charles d’Anjou, prince français. L’auteur
a été obligé de violenter l’histoire et de rejeter,
avec Voltaire, l’odieux du crime du frère de
Louis IX sur le pape Clément IV. Cette erreur
est d’autant plus regrettable que la pièce est
bien conduite, marche régulièrement et méthodiquement,
que l’intérêt est vif et soutenu, le
dialogue plein de mouvement et les vers corrects
et élégants, quoique un peu froids et
manquant parfois d’énergie et d’éclat ; Liadières
s’est, en outre, privé d’un ressort attachant,
la conformité d’âge entre ses deux
héros, Frédéric et Conradin, amis d’enfance.
Il a transformé Frédéric en un héros qui,
seize ans auparavant, avait accompagné et
sauvé saint Louis en Égypte. De cet anachronisme
résultent de nombreuses contradictions ;
Conradin n’a pu connaître autrefois
Frédéric, la magnifique scène de leur reconnaissance
porte à faux, ainsi que ses tristes
pressentiments en retrouvant son ami. En renonçant
à l’intérêt qui naissait de l’intimité
de ces nouveaux Nisus et Euryale, l’auteur a
dépoétisé l’histoire ; mais il a su reporter habilement
l’intérêt sur un autre point. Nos lecteurs
vont en juger.
Frédéric, qui passe pour mort ainsi que Conradin, a, sous le nom de Roger, accompagné à Naples Charles d’Anjou, dont il aime la fille Constance; mais ce prince ingrat, oubliant les services de ce héros, l’a fait jeter en prison. L’amour de Frédéric pour Constance forme le nœud de la pièce, dont l’intrigue va se compliquer par son attachement pour Conradin. L’auteur a imaginé de choisir l’opposition entre ces deux sentiments et leur lutte pour ressort principal. Un bruit étrange se répand : Conradin n’est pas mort et s’avance victorieux à marches forcées, pour reconquérir son trône sur l’usurpateur Charles d’Anjou. Effrayé, ce dernier met Frédéric en liberté et lui promet la main de sa fille pour récompense, s’il revient victorieux. Frédéric accepte avec joie, mais son exaltation s’apaise subitement pour faire place à la douleur, lorsqu’il connaît le nom de son adversaire. L’amour et l’amitié combattent dans son cœur ; soudain il apprend qu’abandonner la victoire à Conradin, c’est en même temps céder Constance à son rival Henri de Castille, l’allié de Conradin. La passion l’entraîne; il se précipite dans la mêlée, remporte la victoire et maudit son triomphe, Conradin est prisonnier, mais le spectateur conserve l’espoir de le voir échapper à la mort sous un déguisement de soldat. Honteux de sa victoire, Frédéric s’informe auprès des captifs du sort de Conradin, et les deux amis se reconnaissent dans une scène magnifique et qui étincelle de beautés de détail. Charles d’Anjou, mû par le même sentiment de curiosité, mais avec des dispositions bien différentes, vient à son tour interroger les prisonniers. Conradin manque de se trahir par la noble fierté de ses réponses, et l’intervention de Frédéric lui sauve seule la vie. Au moment où les deux amis vont mettre à exécution un projet de fuite bien concerté, Charles d’Anjou, qui a découvert la vérité, propose à Con-