Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 4, part. 4, Con-Contrayerva.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tranquillité magistrale, et sans doute qu’il le considère comme la quintessence de la raison et du bon sens. De même ici, son enthousiasme pour l’empire a pour mesure les prospérités de l’empereur. Il a pour le Directoire, ses triomphes éclatants, les mêmes entraînements que la multitude. Il applaudit à l’établissement de l’absolutisme impérial, à la suppression de toutes les libertés, à la restauration des formes, des vices de l’ancien régime, aux excès de la guerre et de la conquête. Une campagne conçue avec génie, une bataillé savamment ordonnée, l’éblouit et fait taire ses scrupules, et le bruit du canon l’empêche d’entendre les gémissements des peuples conquis et tyrannisés.

Mais aux premiers revers, il commence à mêler quelques critiques à ses louanges ; après la guerre d’Espagne, après la campagne de Russie, il exprime successivement des blâmes, et enfin, lors des désastres de 1815, il juge la politique impériale presque avec une sévère impartialité. Inconséquence bizarre, car la politique de 1812 et de 1813 ne fut que la conséquence logique, la continuation de celle de 1808 et de 1810, qui s’était déduite elle-même non moins logiquement de la politique du consulat.

Avec son imagination méridionale, son amour du succès, du bruit, de l’éclat, des ébranlements d’empires ; avec ses tendresses féminines pour la force, l’historien ne s’occupe presque exclusivement que du côté extérieur des affaires, de l’organisation, du déploiement des forces matérielles, de l’entassement des ressources, du choc de tous ces éléments, et même des choses les plus infimes, comme la richesse et la pompe des cérémonies officielles, le luxe des cours, l’éclat des costumes, les détails infinis de l’organisation militaire, etc.

Quant à s’inquiéter pourquoi tant de bruit, de mouvement, tant d’hécatombes humaines, quelle en est l’utilité, quel en sera le résultat pour le bonheur des peuples et le progrès de la civilisation, il n’y songe jamais. Il assiste à ces événements, en quelque sorte comme à un spectacle qu’il serait chargé de décrire.

En outre, tandis qu’il fatigue le lecteur par une prolixité vraiment excessive quand il traite des sujets spéciaux et techniques, il est d’une sécheresse caractéristique pour tout ce qui touche à la vie intellectuelle et morale, sciences, lettres, philosophie, beaux-arts. Dans ses 20 volumes, quelques pages seulement sont consacrées à ces vétilles ; de telles lacunes ne semblent-elles pas dénoter un esprit étranger aux influences morales, ou du moins qui les tient en un singulier dédain ? Sans doute, l’ère impériale ne brille pas précisément par l’activité intellectuelle ; mais n’était-ce point le cas de montrer, par l’infériorité même des œuvres de l’esprit, que le régime despotique n’est pas moins funeste aux talents qu’aux caractères, et que les seules individualités réellement vivantes et supérieures étaient précisément celles qui protestaient, les indépendants, Mme de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant, Royer-Collard, etc. Pour un historien philosophe, il y avait là tout un enseignement.

Nous avons déjà parlé de l’indulgence de M. Thiers pour tous les coups d’autorité de son héros ; on pourrait citer de nombreux exemples de cette espèce de servilité morale et intellectuelle. Comment apprécie-t-il, par exemple, l’exécution du duc d’Enghien, sur laquelle la conscience publique s’est depuis longtemps prononcée avec autant d’énergie que d’unanimité ? Il blâme, sans doute, et comment pourrait-il s’en dispenser ? Mais que d’atténuations ! que d’euphémismes ! quelle habileté pour affaiblir l’intérêt d’un côté et l’accroître de l’autre ! Il semble que la pitié soit pour « cet homme extraordinaire, d’un esprit si grand, si juste, d’un cœur si généreux, » et dont la raison est momentanément égarée. Il en arrive à plaindre les juges, ces esclaves qui tuèrent en aveugles, sans haine et sans passion, pour obéir au maître. « Ces malheureux juges, dit-il, affligés plus qu’on ne peut dire, prononcèrent la mort. » Enfin, il résume son jugement par cette conclusion singulière : « Douloureux spectacle, où tout le monde était en faute, même les victimes ! »

Pour la guerre d’Espagne, entreprise funeste sur laquelle il ne peut y avoir deux avis, il équivoque misérablement de la même manière. Il assure qu’il ne faut pas juger ces actes d’après la morale ordinaire, et que souvent c’est pour le plus grand avantage des nations qu’on dispose d’elles arbitrairement. « Seulement, ajoute-t-il, il faut prendre garde, en voulant jouer le rôle de la Providence, d’y échouer… »

Échouer ! c’est là le grand crime, en effet, aux yeux de M. Thiers, le seul qu’il ne pardonne pas. Napoléon veut conquérir l’Espagne et en disposer comme d’un bien domestique ; c’est évidemment pour assurer le bonheur de cette nation. Mais il ne réussit pas : alors cette entreprise était une faute politique. De droit, de justice, il n’en est pas question. Le fait domine tout ; une entreprise se juge à ses résultats, comme l’arbre à ses fruits ; la vérité, la justice, la morale ne sont plus qu’une question de succès.

C’est dans le même esprit que l’historien apprécie toutes les conquêtes de Napoléon. Le héros s’impose à l’Italie : il en avait le droit ; cette domination était un bienfait pour ce pays, et les Italiens eussent été de grands ingrats de ne point le reconnaître. C’est toujours l’éternel prétexte des conquérants (asservir les nations pour les régénérer) :

…..Vous leur fîtes, seigneur,
En les croquant, beaucoup d’honneur.

Mais pourquoi donc M. Thiers s’est-il tant élevé dans ces dernières années, contre la trop fameuse expédition du Mexique, qui était également fondée sur le principe de la régénération forcée ? Est-ce aussi parce qu’elle n’a point réussi ?

Il va sans dire que, tout en glorifiant le 18 brumaire et la restauration du pouvoir absolu, l’auteur du Consulat et l’Empire ne s’en donne pas moins constamment comme un partisan sincère et fidèle de la vraie liberté. Mais sa liberté est comme sa morale, elle est tout à fait différente de ce qu’on entend universellement par ce mot, et n’est pas de nature à porter ombrage aux puissants. Ici, elle signifie très-nettement la dictature napoléonienne, sans aucune espèce de contrôle ni de garantie, à ce point, que les rares et timides essais d’indépendance tentés par le tribunat dans sa courte carrière sont traités par l’historien avec le plus dur mépris. Suivant le même courant d’idées ultra-gouvernementales, il applaudit avec enthousiasme à cette centralisation administrative qui dépouilla la nation entière de ses libertés locales pour les concentrer entre les mains du maître, ainsi qu’à la nouvelle organisation judiciaire, qui substituait à l’élection le choix ministériel, et portait ainsi un coup funeste à l’indépendance des magistrats.

Son approbation ne pouvait non plus manquer au concordat, qu’il appelle sérieusement une œuvre admirable. La séparation de l’Église et de l’État, la complète liberté des cultes telle qu’elle existait sous le Directoire, telle qu’elle existe aux États-Unis, semble à ce sceptique l’abomination de la désolation. Ce qu’il lui faut, c’est une religion nationale, c’est-à-dire une religion d’État ; ce qu’il veut, c’est qu’on relève l’autel de Clovis : il en est aux mérovingiens. Et il ajoute cette étonnante platitude : « Une telle croyance ne saurait s’inventer quand elle n’existe pas depuis des siècles. » On comprend, en effet, combien il serait difficile d’inventer une religion qui existât depuis des siècles ; cela serait aussi surprenant qu’un homme qui viendrait au monde à l’âge de cinquante ans.

Cette histoire est pleine de naïvetés et d’inconséquences de cette profondeur, et débitées avec une si tranquille assurance, que le gros des lecteurs les prend volontiers pour les axiomes du bon sens.

Une des illusions de M. Thiers, ou plutôt l’un de ses systèmes, c’est d’imaginer que le consulat réalisait l’idéal d’un gouvernement parfait et que les malheurs de l’empire eussent été conjurés si Napoléon eût continué les traditions de ce temps. Rien de plus naturel qu’il ait adopté cette opinion : elle était banalement populaire, et elle avait défrayé cent fois les thèses des libéraux bonapartistes de la Restauration. Mais, en réalité, quelle en est la valeur ? Y a-t-il deux hommes en Napoléon, deux politiques, deux systèmes de gouvernement ?

N’est-il pas évident, au contraire, que la deuxième période ne fut que la continuation et la conséquence de la première, et qu’il n’y eut d’autre différence entre elles que celle qui existe entre le germe et le développement, entre le lever, l’apogée et le couchant ? Un changement de titre n’augmenta pas les pouvoirs de Bonaparte, car déjà il les possédait tous ; il était dictateur et César. Il eut entre les mains, comme empereur, des forces matérielles plus considérables, une plus grande action sur l’Europe ; mais sa politique comme consul avait été la même, aussi absolue, aussi envahissante, aussi impérieuse, que celle de l’empire. À l’extérieur, son ambition commence à se développer : il s’empare de la présidence de la république Cisalpine, de même qu’une fois empereur, il se fera proclamer roi d’Italie ; il étend sa dictature sur la Suisse, la Hollande, le Piémont, la Toscane ; par le recez de 1803, qu’il impose à l’Allemagne, il prépare sa confédération et son protectorat ; par ses efforts pour contraindre les neutres à se liguer avec lui contre l’Angleterre, il ébauche le blocus continental ; en tout enfin, dans son langage, dans sa conduite, dans sa diplomatie, il laisse percer ses desseins, et l’on entrevoit déjà en lui le futur dominateur de l’Europe.

Au reste, les contradictions abondent dans le récit de notre historien, et la médiocrité de son jugement éclate à chaque pas. « La seule liberté qu’il fallait alors à la France, écrit-il à propos du consulat, était la modération d’un grand homme… Il fallait alors une véritable dictature. » Ailleurs, au contraire, il affirme que ce régime était la vraie liberté constitutionnelle. Plus loin, il dit encore : « Tout le monde eût été charmé que la conciliation de la liberté et d’un pouvoir fort fût possible. » Nous n’avons donc pas eu cette conciliation. Cependant c’est cette période que M. Thiers présente comme l’idéal. Mais la dictature ayant produit ses fruits ordinaires, il s’afflige, il s’étonne avec une naïveté qui ferait sourire, si les circonstances n’étaient pas aussi terribles. D’un côté, il donne une approbation éclatante à toutes les mesures qui doivent nécessairement amener des catastrophes ; il flétrit les moindres actes d’indépendance et d’opposition ; de l’autre, quand arrive le déclin, les revers, il déplore que Napoléon ne les ait pas prévenus par plus de modération, qu’il n’ait pas contenu son ambition dans certaines limites idéales, tout en restant le maître du continent.

Étrange utopiste qui veut que le despotisme soit à lui-même sa limite et sa règle, et qui, tout en acceptant comme légitime le rêve, la chimère sanglante de la monarchie universelle, déplore néanmoins les luttes qui sont la conséquence nécessaire de cette absorption, et les revers qui en sont la conclusion naturelle !

Dans ses derniers volumes, l’historien apporte quelques restrictions à l’emportement de ses éloges, il commence à discuter son idole ; tâche difficile que de la ramener aux proportions humaines après l’avoir placée au rang des demi-dieux ! œuvre laborieuse que de condamner les conclusions quand on a accepté, exalté les prémisses !

Mais, tout en condamnant aux jours de la défaite la politique qu’il avait préconisée aux jours des triomphes, il ne s’égare pas moins dans ses contradictions habituelles. D’abord il accepte le mythe des Cent-Jours, la berquinade d’un Napoléon corrigé par le malheur, devenu sincèrement constitutionnel et ami de la paix ; néanmoins, il condamne le retour de l’île d’Elbe, qui a rendu possible un tel miracle et un régime aussi parfait. Ensuite il blâme amèrement la Chambre des représentants, qui montre de légitimes défiances et qui veut des garanties. Enfin, après le désastre de Waterloo, il s’irrite des résistances que rencontre le héros, il ne semble pas éloigné de lui rendre la dictature pour « sauver la France, » oubliant que c’est précisément cette dictature qui l’a perdue, que c’est surtout contre la personne de Napoléon que le monde s’est armé, et qu’une telle solution, c’était une guerre sans fin et de nouvelles catastrophes.

Il couronne enfin toutes ses inconséquences en fermant son livre par des banalités doctorales, adressées gravement sous forme de conseils à sa patrie, et qui sont la condamnation formelle de l’esprit de son histoire. Le 2 décembre et le second Empire étaient venus dans l’intervalle modifier quelque peu sa manière de voir. D’ailleurs, Napoléon était abattu, et, suivant sa théorie, ou plutôt sa pratique invariable, M. Thiers ne pouvait faire autrement que de l’abandonner, d’opérer sa défection à son tour. À ce moment, son héros n’est plus pour lui qu’un fou, ni plus ni moins, un pauvre insensé, qui « immolait un million d’hommes sur les champs de bataille, attirait l’Europe sur la France qu’il laissait vaincue, noyée dans son sang, dépouillée du fruit de vingt ans de victoires, désolée, en un mot, et n’ayant pour refleurir que les germes de la civilisation moderne déposés dans son sein. Qui donc eût pu prévoir que le sage de 1800 (toujours le consulat !) serait l’insensé de 1812 et de 1813 ? Oui, on aurait pu le prévoir, en se rappelant que la toute-puissance porte en soi une folie incurable, la tentation de tout faire quand on peut tout faire, même le mal après le bien. Ainsi, dans cette grande vie où il y a tant à apprendre pour les militaires, les administrateurs, les politiques, que les citoyens viennent à leur tour apprendre une chose, c’est qu’il ne faut jamais livrer la patrie à un homme, n’importe l’homme, n’importe les circonstances ! En finissant cette longue histoire de nos triomphes et de nos revers, c’est le dernier cri qui s’échappe de mon cœur, cri sincère que je voudrais faire parvenir au cœur de tous les Français, afin de leur persuader à tous qu’il ne faut jamais aliéner sa liberté, et, pour n’être pas exposé à l’aliéner, n’en jamais abuser. »

Prodigieuse contradiction ! il a passé sa vie d’historien à prêcher exactement le contraire de ce qu’il dit ici. Pendant quinze volumes au moins, il a glorifié la dictature, il a démontré non moins doctoralement que la France avait agi avec une sagesse supérieure en se livrant à un homme, en aliénant sa liberté, en s’asservissant au génie.

Citons ici un passage d’un publiciste éminent, M. Lanfrey, qui, en ce moment, écrit lui-même une histoire de Napoléon, mais dans un esprit bien autrement philosophique.

« Jusqu’à présent, c’était l’enthousiasme des poètes qui, complice de la superstition populaire, décernait les apothéoses ; ici, c’est la science elle-même qui a voulu se charger de ce soin sous la forme la plus propre à dissiper toute défiance par le positivisme de ses allures, sous la forme d’un récit développé jusqu’à la diffusion, et accompagné d’un attirail technique fait pour éblouir les ignorants et pour séduire les demi-savants. Semblable aux conquérants dont il se plaît à raconter les exploits, l’auteur traîne à sa suite tout un formidable matériel de guerre, une file interminable de bagages qui, il y a tout lieu de le craindre, ne sera bientôt plus qu’un encombrement inutile et tombera un jour ou l’autre au pouvoir de l’ennemi. Une fois ses petits faits détruits et réfutés par une érudition supérieure, que restera-t-il à M. Thiers ? Une grande pensée est éternelle, un renseignement ne dure que jusqu’à ce qu’on l’ait remplacé par une information plus exacte. Quoi qu’il en soit, la légende napoléonienne lui devra incomparablement plus qu’à aucun de ses chantres les plus fameux. Les préjugés populaires ne trouvent dans ceux-ci qu’une satisfaction d’imagination ; dans le livre de M. Thiers, ils trouvent de quoi se démontrer à eux-mêmes qu’ils ont raison. Les fictions des poètes ont bien moins de puissance que des récits où les illusions trouvent à s’appuyer sur des faits.

« Tout ce que l’imagination des hommes a inventé de flatteries posthumes, de superstitions invraisemblables, de fraudes pieuses, de fictions héroïques, non pour absoudre cette mémoire, mais pour la déifier, se trouve reproduit là sous les dehors trompeurs d’une exactitude et d’une impartialité qui disparaissent aussitôt qu’on veut les examiner d’un peu près. Ce qui fait le fond invariable de ce récit n’est, du reste, que la thèse surannée de l’universalité du génie minutieusement reprise et commentée, mais sans un seul développement vraiment nouveau. On attribue à Napoléon, comme politique, la supériorité de génie qu’il avait comme guerrier, et on ne s’aperçoit pas que ces longs volumes écrits à sa louange ne sont pleins que du récit de ses fautes… Le guerrier, chez Napoléon, passait son temps à réparer les fautes du politique, et un jour arriva où il n’y suffit plus. Voilà ce que sera forcée de reconnaître toute apologie qui ne sera pas une glorification aveugle. »

On connaît le style de M. Thiers, soit comme écrivain, soit comme orateur. Ce style abandonné, facile, clair, souvent banal et négligé, mais souvent plein de vie et de mouvement. La prolixité méridionale du célèbre homme d’État est proverbiale ; ici, elle atteint des proportions qui dépassent toute mesure et qui n’est plus qu’une intarissable loquacité. Dans sa prédilection pour le récit des choses militaires, et surtout pour les descriptions de batailles, il accumule les détails, de telle sorte qu’il arrive à la plus inextricable confusion. Il lui faut un volume pour décrire une action que les hommes du métier, les maîtres de la littérature militaire, peignent en quelques traits larges et rapides. On connaît aussi ses prétentions de tacticien, sa manie de refaire tous les plans des combats qu’il raconte et de gagner pour son compte personnel toutes les batailles que les capitaines ont perdues. Ce ne sont là que de petits ridicules. Mais, ce qui est plus grave, ce sont ses inexactitudes, dont beaucoup ont déjà été relevées. Charras, notamment, a consacré presque un volume de notes, dans sa dernière édition de l’Histoire de la campagne de 1815, à réfuter toutes les erreurs de M. Thiers sur la bataille de Waterloo. Ce sont là des questions difficiles à trancher, sans doute, et sur lesquelles les hommes du métier sont à peu près seuls compétents. Cependant, nous donnerons à l’article Waterloo un résumé de cette discussion, dont nous avons déjà présenté un aperçu à l’article Charras.

L’histoire du Consulat et de l’Empire a été diversement jugée à l’étranger ; nous empruntons à la Revue d’Édimbourg quelques extraits, pour prouver combien nos critiques sont fondées et avec quelle promptitude, disons mieux, avec quelle légèreté l’historien a tranché des questions que souvent il ne connaissait pas :

« Ce serait trop exiger d’un historien français que de vouloir qu’il eût consulté les archives de l’Angleterre avec le même soin que celles de la France ; mais, évidemment, M. Thiers n’a consulté aucun ouvrage imprimé, aucun document authentique dans la langue anglaise, ni les journaux de lord Malmesbury, ni le Mémorial de M. Fox, ni la Vie de lord Sidmouth, ni les deux recueils du duc de Buckingham, ni la correspondance de lord Castlereagh, ni les Mémoires de sir Robert Adair. Pour traiter de notre histoire navale et militaire, il a cru pouvoir se dispenser de citer les dépêches de Nelson, la Vie de lord Collingwood, l’Histoire de la guerre de la péninsule par sir William Napier, celle de la même guerre par lord Londonderry, les dépêches de lord Wellington, tous ouvrages publiés avant le sien, ou, presque tous du moins, avant que les volumes où se retrouve le même sujet eussent paru. Il n’a même fait aucune allusion à l’Histoire parlementaire, ni à l’Annual Register.

« M. Thiers ne s’est pas plus occupé des auteurs anglais qui auraient pu lui être de quelque secours pour les campagnes de Dresde et de Leipzig, ni de lord Londonderry, ni de sir George Cathcart, témoins très-compétents cependant du côté des alliés. Sir Archibald Alison, dans son Histoire de l’Europe depuis la Révolution jusqu’à la chute de l’Empire, lui est bien supérieur par ses nombreux matériaux relatifs à l’Allemagne. Nous dirons plus encore, M. Thiers a presque dédaigné les auteurs du continent qui ont écrit en français, Jomini et Saint-Cyr pour l’histoire militaire, Gentz et Hardenberg pour l’histoire politique.

« Comment M. Thiers a-t-il essayé de suppléer à cette lacune ? En contrôlant les archives impériales par le Moniteur, en passant de la lumière défectueuse des annales françaises à l’obscurité d’un journal officiellement menteur… M. Thiers ignore le mécanisme de notre gouvernement, comme notre littérature… »


Consulat de la mer (LE). On désigne sous ce titre un recueil célèbre de lois et ordonnances, statuts et coutumes touchant les contrats de navigation, les marchandises, les négociations maritimes, tant entre marchands que