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teor du Pecorone, il n’y en a point sur son mérite. Les philologues toscans le placent fort peu au-dessous de Boccace, quant à la pureté du langage, aux agréments du style et aux termes propres de Ta langue dans laquelle il fait autorité. Il voulut, comme Boccace, lier ensemble ses nouvelles, et les placer dans un cadre qui leur donnât de l’intérêt et de l’unité. Pour de l’unité, il y en a sans doute, mais ce cadre est froid et mesquin, et n’a rien de l’intérêt, de la grâce et de la variété de son modèle.

Contes nouveaux (BALIVERNERIES Ou) d’Eutrapel, autrement dit Léon Ladulfi, de Noël Du Fail, seigneur de la Hérissaye (Paris, 1548, 36 feuillets, réimprimés à Paris la même année, à Lyon en 1549, et à Chis-wick, près de Londres, en 1815, à 100 exemplaires, aux frais de trois amateurs de la littérature comique, par M. Singer. Ils ont reparu dans une édition annotée des œuvres du gentilhomme breton, publiée par il. J.-Marie Guichard en 1842). Oublié par l’éditeur anonyme qui, en 1732, publia les Propos rustiques et les Contes et discours d’Eutrapel, du môme auteur, inconnu à la plupart des bibliographes, cet ouvrage a été confondu par La Monnoye, par l’auteur des Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, et, par beaucoup d’autres, avec les Contes et discours d’Eutrapel. Cette méprise n’a pas seulement retranché du bagage littéraire de Noël Du Fail de très-jolies pages, mais elle a contribué à mettre dans un faux jour la vie entière du conteur. Ainsi la plupart des biographies appellent les Contes et discours d’Eutrapel, dont nous nous occuperons ci-après, et que le gentilhomme breton composa très-certainement dans les dernières années de sa vie, • les fruits extravagants de sa jeunesse, » ce qui prouve qu’ils prennent les deux ouvrages pour une seule et même chose.

Les Propos rustiques, dont la publication précéda d’une année celle des Contes nouveaux, avaient sans doute provoqué les censures de quelques amis scrupuleux, et attiré des reproches à l’auteur, qui, suivant un usage alors tort commun, cachait son nom sous lanagram me de Léon Ladulfi, car, dans un avantpropos adressé à son grand ami H. R., et placé au début des Contes nouveaux, Noël Du Fail, qui pourtant n’était encore ni juge au siège présidial de Rennes, ni conseiller du roi au parlement de cette ville, comme plus tard, juge à propos de s’expliquer : il avoue son penchant pour la littérature facétieuse, et déplore amèrement la fatalité qui l’éloigné de ses délassements préférés : « Tu trouveras étrange, mon compagnon et ami, qulétant attaché à une tant grave et solide profession, me remettre, contre le naturel d’icelle, à forger (ce que l’on dit) sur une même enclume, et retourner, la période étant révolue, dont . naguère je suis issu. En quoi je suis vu contrarier à ce que dernièrement tu m’objectois, et en joyeuse colère, mon naturel (savoir) être du tout à contrepoil et biais, et qu’à mon horoscope estimois le mouvement du ciel avoir été tout irrégulier et de travers. Vouiois davantage, pour me rendre parfait jurisconsulte, me bailler force livres de médecine en main, comme si, suivant le naturel de tous hommes, je me fusse efforcé contre les choses défendues. Celadisois folâtrant et par jeux, mais à bon escient, ayant déchiffré par le même maintes belles et graves autorités touchant la parcimonie et chicheté du temps, non moindres en doctrine, que bien tirées de la philosophie, jointes à ces doctes et bien enrichies admonitions, d’atteindre mon but d’assez longue main prétendu ; concluois par bons et bien rendus syllogismes, à me divertir de ces folâtres et inutiles écrits, m’invitant à tâcher je ne sais quoi de plus haut qui sentît ma vocation, etc. » Le futur magistrat finit par déclarer ingénument qu’il ne peut échapper à sa destinée, qui est de conter ; il se compare à aune chatte, qui fut longuement chambrière de Vénus ; mais, ayant aperçu une souris qui frétilloit je ne sais quoi, chargeant son service à une prompte et allègre course, la grippa. » Ce qui revient à dire « qu’il ne faut oublier d’être homme, et cuider qu’en changeant notre façon de faire, le plus souvent à une plus dépravée, nous devenions plus sages. •

Noël Du Fail avait lu Rabelais, on le sent en lisant les Baliverneries. Le premier chapitre, celui où Eutrapel amène un villageois coqu à Polygame est tout à fait rabelaisien ; jamais la reine de Navarre, Des Périers, Henri Estienne n’ont conté avec plus de finesse. Notre pruderie moderne y trouverait sans doute matière à s’alarmer, mais il faut songer que le vieux français, comme le latin, •... dans les mots brave l’honnêteté.

Il ne faut pas oublier non plus que la langue a changé ; des mots qui s’imprimaient au xvie siècle sans que personne s’en formalisât passent aujourd’hui pour des énormités inexcusables. Notre gentilhomme ne croit pas trop sortir de !a décence en écrivant ceci, par exemple : « Jai ouï dire au grand-père de ma bisaïeule, je ne parle pas de cette heure, que la prude femme est celle qui a les pattes vemes ; la hardie, qui

attendrait deux hommes à un trou ; lahonteuse, qui couvre ses yeux de ses genoux ; la peureuse, qui n’osé coucher sans homme ; la dépiteuse, quand on lui baille un coup, elle

en rend deux ; la débonnaire, quand on lui

lè«e une jambe, elle lève l’autre ■

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Au deuxième chapitre, Eutrapel, qui est tout à la fois l’auteur et le héros du livre, assiste au combat, de deux lutteurs fameux dans le pays de Bretagne-, ce récit, entremêlé d’épisodes grotesques, est narré avec beaucoup de gaieté. Dans le Conte d’une compagnie de gens ramassés, il raconte l’effroi comique d’une troupe de villageois qui prennent la fuite pour échapper à une troupe de soldats pillards. Au chapitre iv, nous voyons pourquoi la goutte habite les coursdes grands seigneurs, et l’hyraigne (araignée) à la maison des pauvres. Ce procès de Madame la goutte et de damoiselle l’hyraigne a inspiré La Fontaine, qui en a fait une fable ; Noël Du Fail en avait sans doute pris lui-même le sujet dans Gerbellius. Le volume se termine par un éloge de « Durerius (Albert Durer), cet excellent peintre... » Noël Du Fail est sans contredit un des premiers, et on doit lui en tenir compte, qui ait proclamé en France la gloire de l’artiste d’outre-Rhin, mort en 1525, lequel « ne fit rieu que le naturel, qui l’a rendu l’excellence de l’Europe. »

Les Baliverneries ou Contes nouveaux d’Eutrapel offrent des ressemblances nombreuses avec les Contes et discours d’Eutrapel du même auteur (V. ci-après)..Les deux ouvrages sont disposés sur un plan analogue, et nous voyons déjà paraître dans le premier Eutrapel, Polygame, Lupolde, personnages aimés du conteur, que nous retrouverons ensuite dans le second, « Ces similitudes expliquent peut-être, dit M. Guichard, la fatale confusion qui a tenu si longtemps à l’écart un petit volume écrit avec une chaleur toute juvénile, et qu’on peut compter hardiment au nombre des plus gracieuses compositions du gentilhomme breton. •

Conte» et discours d’Eutrapel (LES), Ouvrage posthume de Noël Du Fail (Rennes,

1586). Ce recueil, auquel l’auteur doit la célébrité, parut presque immédiatement après

sa mort, et, dès 1603, il comptait sept ou huit éditions. Il a reparu k Paris en 1732, avec les Discours d’aucuns propos rustiques (3 vol. in-12), et"M. Guichard l’a fait entrer dans l’édition complète citée précédemment (v, l’art, ci-dessus). « Les conteurs, dit M. Guichard, placent en général leurs récits dans certaines conditions à peu près pareilles quant au fond, mais dont la forme varie selon le caprice et la fantaisie de l’auteur : c’est un événement vrai ou supposé, qui tout à la fois explique l’origine du livre et en rattache les diverses parties les unes aux autres. Les jolies conteuses du Décaméron semblent défier, par leur esprit enjoué et leur curiosité insouciante, la peste qui dépeuplait Florence. Les personnages réunis par Marguerite au monastère de Notre-Dame-de-Serrance, assis au bord du Gave béarnais, se réjouissent par de longues causeries, tandis que l’inondation furieuse les enveloppe de toutes parts. Noël Du Fail, qui n’est ni un grand poète ni une grande princesse, a choisi un cadre beaucoup plus vulgaire. Eutrapel, Polygame et ses compagnons tiennent leur assemblée conteuse chez Lupolde, grand et souverain praticien, et magnifique songeur de finesses, espèce d’avocat qui aime l’argent et dit fort joliment les historiettes. Le volume finit, chacun se retire, Polygame à son ménage et livres, et Eutrapel, c’est-à-dire le bouffon (l’auteur a certainement voulu se désigner lui-même par cette épithète) à sa philosophie rustique, après avoir mis un bel écu, reaument et de fait au creux et centre de la main de Lupolde. »

Il ne faudrait pas juger les Contes et discours d’après le premier chapitre, autrement on tomberait dans une étrange méprise. Le conteur, comme pour dérouter ses lecteurs, débute par un morceau de haute philosophie qu’on ne s’attendait guère à trouver en tête de facéties et de libres propos. Son livre rappelle ces compositions en quelque sorte particulières aux prosateurs du xvi» siècle, et que Charles Nodier désigne sous le titre de Diverses leçons. Les Diverses leçons, toujours entremêlées d’anecdotes, d’historiettes et de dictons, appartiennent bien aux conteurs ; mais on pourrait aussi, en raison du but que poursuit chaque auteur ou d’après la forme même du livre, le faire entrer dans la littérature sérieuse ou érudite. Ainsi, chez Noël Du Fail, narrateur à la façon de Henri Estienne, la satire, le sans-gêne, la gaieté du conteur facétieux sont tempérés par une certaine gravité d’esprit qui donne k son œuvre et à son style une couleur originale et une physionomie spéciale. L’historiette n’est qu’un accessoire, une sorte de preuve à l’appui, et, s’il ne se maintient pas toujours dans les règles de la décence, c’est qu’il a le franc parler de son temps. Ses facéties lui servaient d’ailleurs à mettre en relief de sages conseils, des préceptes de morale. Sans apprêt et sans longs préliminaires, il nous montre, par exemple, la folie des orgueilleux qui se complaisent dans le commerce des. grands, et nous dit la fin tragique d’un petit gentilhomme appelé de Launay, qui voulut vivre dans une étroite amitié avec un puissant voisin. Pour railler le pédantisme des jeunes gens, il signale plaisamment les maladresses de certain écolier qui parlait latin à la chasse. Le bon tour d’un tils qui trompa l’avarice de son père lui permet de s’adresser aux parents qu’il veut rendre plus humains. Le chapitre intitulé Débats et accords entre plusieurs honnêtes gens, charmant tableau emprunté aux mœurs villageoises, est terminé par un exploit burlesque gui

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a certainement donné, huit ans plus tard, l’idée du Formulaire fort récréatif de tous contrats, facétie populaire attribuée à Benoît deTroncy. Au chapitre xiv est rapportée l’aventure fort plaisante d’un pauvre chevalier qui, poursuivi par les sergents, entra dans une église, prit dans une niche la place d’un saint Julien, et put ainsi échapper aux poursuites des recors et à la prison.

Noël Du Fail se complaît aux petits tableaux ; il excelle à mettre en sailhe le côté plaisant des choses, et ses historiettes sont charmantes de bonhomie railleuse et de fine méchanceté-. Un voleur est accusé de meurtre : le prévôt et son greffier montent à leur tribunal, le voleur s’assied sur la sellette, et l’interrogatoire commence ; mais, spectacle inattendu, voici l’adroit fripon qui répond en une langue bizarre et singulière, à laquelle personne n’entend rien. On a vainement recours à la science des interprètes, déohiffreurs et dénoueurs d’aiguillettes, tout est

— inutile. Notre prévôt, bien ébahi, ne sait plus où donner de la tête, lorsqu’un archer, plus délié et accort, lui dit : • Ahl monsieur, je gage mes bottes, qui sont toutes neuves, que je le ferai parler aussi bon françois qu’homme de sa paroisse. » L’archer s’avança, et, s’adressant au voleur, il use lui aussi, pour le questionner, d’un jargon parfaitement inintelligible ; le voleur, continuant son jeu, réplique, et l’archer dit au greffier : « Écrivez qu’il promet de dire la vérité. « Puis nouvelle question et nouvelle réponse, jusqu’à ce qu’enfin l’archer, se retournant vers le greffier : « Écrivez qu’il donna le coup de mort et emporta la bourse. » Ici le prisonnier, voyant sa ruse découverte, juge à propos de changer de langage, et il s’écrie en bon fiançais : ■ Holà ! monsieur le greffier, effacez tout ; c’est à recommencer.-» Cette conversation de ces deux hommes qui ne se comprennent pas eux-mêmes’est fort drôle ; c’est du comique à la façon de Rabelais et de Molière. Noël Du Fail a de ces rencontres heuieuses, mais qui toutes ne peuvent pas être citées textuellement, à cause de quelques crudités de style et d’idées trop libres pour nos chastes oreilles. Témoin le chapitre xx, De trois garses, qui tend à prouver que les « gens d’Église doivent être continués en leur possession de mariage, comme chose légitime et ordonnée de Dieu. » Les trois personnes que l’auteur met en scène sont fort expérimentées en leur métier ; elles se content leurs hauts faits et leurs aventures galantes.

Ici le vieil auteur raconte tout, sans fard, mais non sans malice ; il ne recule devant aucune expression. Quant à nous, tout ce que nous pouvons nous permettre, c’est de renvoyer le lecteur curieux au livre même. Les amateurs du grivois pourront peut-être le déterrer au fond de quelque casier poudreux de nos bouquinistes parisiens ; quanta se le procurer à la Bibliothèque impériale, il n’y faut guère songer. Celui qui hasarderait l’aventure courrait le risque de dire le soir comme Titus : J’ai perdu ma journée.

Notre conteur ne ménage pas les moines de son temps, imitant en cela le bon curé deMeudon, à qui il se joint pour rappeler leurs mauvaises mœurs ; il ne manque pas l’occasion de peindre leurs habitudes vicieuses, et de faire ressortir leur lubricité et leur goinfrerie. Dans le même chapitre, une dame, « laquelle, pour avoir fait fils et fille, » était « licenciée de tout dire, » presse fort un bon compagnon cotdelier de lui taire un conte, < attendu qu’il étoit en réputation d’être fort récréatif et de bonne compagnie : « Madame, répond l’innocent, sans faute, il n’y a que le roi qui puisse faire des comtes ; mais, s’il vous plaît, je vous ferai un beau petit moine, dont la façon ne vous « coûtera rien. « Plus loin, il a soin de dire : Qui veut avoir nette maison,

Ne loge prêtre, pigeon, n’oison.

Et il raconte l’histoire de messire Goupil, qui, après avoir bien soupe chez le seigneur qui le logeait, « n’avisa autres plus aisées et religieuses prières que d’épier le lit d’une jeune nourrice veuve, couchant en un arrière-cabinet, non trop loin de sa chambre. » Déjà il procède à l’exécution réelle lorsque la belle endormie, .se réveillant, crie à la force sur ce mignon qui va de nuit. Le seigneor veut « écourter» le moine, et t couper les pièces fondamentales, » etc. ; bref, on marié le coupable à la plaignante.

Un des personnages de l’auteur se charge d’expliquer le ton obscène qui règne dans l’ouvrage. « Polygame, frottant et allongeant sa barbé, montroit par sa contenance que tels contes qu’il appeloit ords et sales, et offensant toutes saintes oreilles, ne lui plaisoient en façon quelconque, et que, par le témoignage de saint Paul, puis de Menander, poëte grec, tels propos désordonnés corrompent les bonnes mœurs ; mais Eutrapel, pour garantir et sauver ce qu’il avoit proposé, dit qu’il n’y avoit rien laid en nature, pourvu que l’usage en fût légitime ; en vouloit croire la lecture des saintes lettres, où bien souvent se trouvent des mots, je ne dis point lascifs, mais qui feroient rougir les bien honteux, s’ils ne les prenoient en bonne part, et hors lesquels les | prophètes mêmes n’ont pu s’expliquer et dé- ! pêtrer, sans cette vive expression de mots, pour signifier et faire entendre à la postérité I leurs volontés et conceptions... » On passe sur I les énormités du conteur en raison de sa verve, ’ de son bon sens, de sa naïveté. Dans ses ré CONT

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cits, la moquerie est de bon aloi, et fait oublier certains tableaux trop crus. Ils ont un cadre où se pressent un peu confusément ses idées, ses opinions, la louange d’un ami, les joies de la veille, les projets du jour, les espérances du lendemain ; de là tant de digressions, de jeux de mots, d’historiettes, de proverbes dont le sens nous échappe maintenant. « Le livre du gentilhomme, dit avec raison son dernier éditeur, est une espèce de miroir où viennent se refléter les moindres accidents de sa vie. Goutteux, il écrit sur la goutte, sur l’impuissance et le charlatanisme des docteurs ; légiste, il trace un portrait, souvent cité comme une appréciation élégante et judicieuse, d’Eginaire Baron, professeurde droit à Angers, à Poitiers et à Bourges. Ailleurs il dit ses préférences musicales et l’harmonie dont il est le plus agréablement ému ; c’est « un beau traquet de moulin battant joyeusement la mesure. » Écrivain populaire et délicieux peintre de mœurs, il est tel de ses contes qui jette plus de lumière sur son époque que beaucoup de gros livres. ■.

L’auteur des Contes et discours d’Eutrapel,

?ui a débuté par une espèce de profession de

oi sur la religion, la morale et la politique, termine par un chapitre qui ferait honneur à un théologien de Sorbonne, et intitulé : Epilre de Polygame à un gentilhomme breton contre tes athées et ceux qui vivent sans Dieu, Ainsi Noël Du Fail aborde indistinctement le sacré et le profane, et place volontiers une dissertation philosophique entre deux aventures galantes. On a expliqué ce mélange de choses si peu faites pour marcher ensemble de la manière suivante : « Effrayé des supplices de Louis Berquin, d’Étienne Dolet et de tant d’autres, Du Fail a voulu se ménager un abri ; les chapitres sérieux étaient destinés à faire passer ce que les contes avaient de hasardé et de trop libre. Il poursuivait de ses attaques l’avidité et les dérèglements des moines, mais, son livre à la main, il pouvait au besoin repousser l’accusation d’impiété et d’athéisme. Noël Du Fail s’est laissé aller à des mots grossiers, à des anecdotes grivoises, qui froisseront certains esprits délicats, mais il faut en accuser son époque plutôt que lui-même. »

Contes ou Nouvelle» récréations et joyeux devis, de Bonaventure Des Périers (Lyon, 1558, ire édit. ; Paris, 1858, dern. édit.). Ce recueil, bien supérieur à V Heptaméron de la reine de Navarre, qui fut certainement corrigé par Des Périers, 1 un des valets de chambre de Marguerite de Valois, est un des monument de la langue française. Charles Nodier s’est chargé de faire valoir, sous une forme spirituelle et saisissante, les titres littéraires d’un des écrivains les plus remarquables du xvi» siècle : « Pourquoi Des Périers n’est-il pas connu ? Pourquoi s’est-il passé trois siècles entre le jour de sa mort et le jour où paraît sa première biographie ? Pourquoi ce charmant écrivain n’a-t-ii jamais eu l’avantage si vulgaire et si sottement prodigué d’une édition complète ?... Pourquoi Des Périers, qui est un de nos excellents textes de langue, manque-t-il à toutes les bibiothèques ? » Ce talent, que l’aimable philologue regardait comme le plus naïf, le plus original et le plus piquant de son époque, est enfin restitué à un public sympathique.

On distingue, dans les Contes de Dès Périers, les nouvelles authentiques de celles qui lui sont simplement attribuées. Le conte qui ouvre la première série est une sorte de préface, spirituellement écrite, où les allusions contemporaines apportent un certain intérêt. Les

nouvelles suivantes ont pour titre : Des trois folz, Caillette, l’riboulet et Polite ; Du chantre, bassecontre de Saint-Hilaire de Poitiers, qui accompara les chanoines à leurs potages, Du bassecontre de Reims, chantre, Picard, et maistre es ars ; Des trois sœurs nouvelles espouses qui respondirent chacune un bon mot à leur mary la première nuict de leurs nopees ; Du mary de Picardie qui retira sa femme de l’amour par une remonsirance qu’il luy fit en la présence desparens d’elle ; Du Normand allant à Romme qui fit provision de latin pour porter au saint-père, et comme il s’en ayda, Du procureur qui fit venir une jeune garsedu village, pour s en servir, et de son clerc qui la luy essaya ; De celui qui acheva l’oreille de l’enfant à la femme de son voisin ; De Fouquet, qui fit accroire au procureur en Chastellet, son maistre, que le bonhomme estait sourd, et au bonhomme que le procureur Vestait, et comment le procureur se vengea de Fouquet ; D’un docteur en décret, qu’un bœuf blessa si fort qu’il ne sçavoit en quelle jambe c’es toit ; Comparaison des alquemistes à la bonne femme qui portait une bonne potée de lait au marché ; Du roy Salomon, qui fit la pierre philosophale, et le cause pourquoi les alquemistes ne viennent at, dessus de leurs intentions ; De l’advocat qu ; parlait latin à sa chambrière, et du clerc qui estait le truchement ; Du cardinal de Luxembourg, et de la bonne femme qui vouloit faire son fils prestre, qui n’avait point de tesmoings, et comment ledicl cardinal se nomma Philippot ; De l’enfant de Paris nouvellement marié, et de Beaufort, qui trouva un subtil moyen de jouyr de sa femme, nonobstant la soigneuse garde de dame Perneite ; De l’advocat en parlement qui fit abbatre sa barbe pour la pareille, et du disner qu’il donna à ses amys ; De Gillet te menuisier, comment il se vengea di, lévrier qui luy venait manger son disner ; Dl