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CORMANTIN, petite ville d’Afrique, dans la Guinée supérieure, sur la côte d’Or, à 80 kilom. E. du cap des Trois-Pointes ; cette possession hollandaise était autrefois défendue par un fort qui fut pris sur les Anglais par l’amiral Ruyter.


CORMATIN-DEZOTEUX (Pierre-Marie-Félicité, baron DE), chef vendéen, né en 1750, mort à Lyon en 1812. Il fit la guerre de l’Indépendance américaine en qualité d’aide de camp de Vioménil, servit dans la garde constitutionnelle de Louis XVI (1791), émigra après le 10 août 1792, et prit une part active sous Puisaye à l’expédition des émigrés de 1794-1795, sous le titre de major général de l’armée catholique et royale de Bretagne. Le 20 avril 1795, il signa avec Hoche et les commissaires de la Convention le traité de La Mabilais, qui complétait la première pacification des provinces de l’Ouest. Soupçonné d’avoir enfreint ce traité, il fut traduit devant une commission militaire, acquitté, mais retenu successivement dans les prisons de Cherbourg et de Ham. Après le 18 brumaire, Bonaparte le rendit à la liberté. La fidélité avec laquelle il tint sa parole donnée à La Mabilais lui valut les attaques passionnées des historiens royalistes, surtout d’Alph. de Beauchamps, dans l’Histoire de la guerre de la Vendée. Il a publié : l’Administration de Sébastien-Joseph de Carvalho et Melo, comte d’Oeyras, marquis de Pombal (Amsterdam-Paris, 1788, 4 vol. in-8°) ; Voyage du ci-devant duc du Châtelet en Portugal (Paris, 1798, 2 vol. in-8°),


CORME s. f. (kor-me — lat. cornum, même sens). Bot. Fruit du cormier ou sorbier domestique : On récolte les cormes comme les pommes et les poires. (A. du Breuil.) || On l’appelle aussi sorbe.

CORMÉ s. m. (kor-mê— rad. corme). Agric. Sorte de cidre fait avec des cormes au lieu de pommes : Dès que les cormes commencent à blettir, on procède à la fabrication du corme. (A., du Breuil.)

CORMEILLES, bourg de France (Eure), ch.-l. de canton, arrond. et à 17 kilom. S.-O. de Pont-Audemer ; pop. aggl. 1,187 hab.pop. tôt.),385 hab. Moulins a blé, filatures de laine, tanneries, mégisseries ; fabriques de frocs, toiles, bas et souliers. Commerce de beurre, miel, grains, bestiaux, fils, lins et laines.

Dans ses Notes sur le département de l’Eure, M. Leprévost fait dériver le nom de Cormeilles du’ mot çaulois Curmitioa, qui a été conservé pari''Itinéraire d’Antonin. Le moyen âge en a fait Cormelice et Cormeilles. Cette localité était traversée par la voie romaine de Juliobona à Noviomagus, et on y a trouvé des vestiges d’habitations antiques. Au XIe siècle, les Habitants de Cormeilles avaient des usages et des coutumes auxquels Richard de Heugleville soumit les habitants d’Auffai. L’histoire de Cormeilles est tout entière dans l’histoire de son abbaye ; malheureusement la plupart des titres sont perdus, et la Gallia christiana fournit presque seule des renseignements intéressants. Le prieuré de Cormeilles, qui existait au XIe siècle, avait été, vers 1060, transformé en abbaye par Guillaume, fils d’Osberne, plus tard sénéchal du roi d’Angleterre. La règle était peu observée par les moines de cette abbaye, et l’archevêque Eude Rigaud raconte qu’il fut obligé, en 1254, de prescrire à l’abbé d’y mettre bon ordre et même de priver les moines de vin, si c’était nécessaire. M. Canel, dans son travail sur l’arrondissement de Pont-Audemer, donne des détails intéressants sur Cormeilles. Au xvme siècle, on y faisait un commerce important de peaux, de toiles et de grains. Cormeilles a aujourd’hui des foires et un marché où l’on vend des bestiaux, de la toiîe, du fil, du lin, des laines, des grains, de la mercerie, etc.

CORMEILLES-EN-PARISIS, bourg et commune de France (Seine-et-Oise), canton d’Argenteuil, arrond. et à 24 kilom. N. de Versailles, au centre d’une région montueuse, sur la rive droite de la Seine ; 1,432 hab. Récolte de vins et de fruits ; carrières de pierres à plâtre ; tuilerie, briqueterie. Sur les collines qui avoisinent ce bourg se trouvent plusieurs moulins à vent, dont l’un servit à Cassini comme point de triangulation pendant qu’il travaillait à la grande carte topographique de la France. Patrie de Daguerre.

CORM El LLES - LE - CROCQ (Curmiliaca ), bourg et commune de France (Oise), canton de Crèvecœur, arrond. et à 43 kilom. N.-O. de Clermont ; 927 hab. Fabriques de draperies, alèpines. Restes de constructions provenant, dit-on, d’un couvent de templiers ; sarcophages antiques.

CORMENIN (Louis-Marie de Lahate, vicomte du), publiciste et conseiller d’État, célèbre comme pamphlétaire, sous le pseudonyme de Timon, né à Paris le 6 janvier 1788, mort le 6 mai 1868. Issu d’une ancienne famille dont le château était aux environs de Montargis, fils et petit-fils de lieutenants de l’amirauté, il eut pour parrain le duc de Penthièvre et pour marraine la princesse de Lamballe, l’amie de Marie-Antoinette, fin 1789, son père prit part à l’assemblée de la noblesse à Montargis, et signa dans le cahier de cette assemblée diverses demandes de réformes, notamment lu suppression de la loterie. Peu CORM

dant la l’erreur il n’émigra pas et même se prononça contre l’émigration.

Louis de Cormenin fut envoyé à Paris à l’âge de douze ans et placé à l’École centrale. Ses humanités terminées, il étudia le droit et fut reçu avocat en 1807. Mais il ne se sentait aucune vocation pour le barreau, et il ne plaida jamais ; en revanche, il s’occupait beaucoup de petite littérature et rimait des vers qu’on peut retrouver aujourd’hui dans le Mercure de France et l’Almanach des Muses. Le croirait-on ? le célèbre pamphlétaire de 1835 débuta par un succès de flatterie. Il publia en 1810 une ode toute parfumée de louanges et d’encens en l’honneur de l’empereur Napoléon. Cette ode arriva à son adresse, et lo maître nomma le jeune poste auditeur au conseil d’État, bien qu’il n’eut même pas fini son stage d’avocat. Il fut désigné pour la section du contentieux. Il avait à peine vingt-deux ans. Le nouvel auditeur ne renonça pas < aux Muses, • auxquelles il devait sa faveur ; il continua, au contraire, à fournir au Mercure de France des stances et des odes. En voici une qui parut, en 1812, dans ce recueil, reproduite l’année suivante par l’Almanach des Muses et louée dans le Moniteur avec la plus étonnante admiration. Cette ode, adressée k la nymphe de Blanduses, commence ainsi :

O fontaine sacrée, ù toi qui me vis naître,

Nymphe de ce beau lieu,

Il faut nous séparer et je te dis peut-être

Un éternel adieu.

Vespasien m’cnleve a mon humble fortune ;

Belle nymphe, je pars..

Que la pourpre des cours va paraître importune

À mes tristes regards !

Tu me vois rechercher, 0 nymphe de Blanduses,

Loin de la cour des rais,

La fraîcheur de tes eaux, le doux loisir des Muses,

Le sileacB des bais.

L’ode continue longtemps sur ce ton ; elle est signée L.-M. de Cormenin, auditeur au conseil d’État. Ce dédain pour la • cour des rois, » cette répugnance pour la • pourpre des cours» n’empêcheront pas le poste d’accepter la faveur de à Vespasien, » ni de reprendre plus tard ses fonctions sous les rois restaurés. Toute la vie de M. de Cormenin ne fut du reste qu’une série de contradictions. Au mois d’août 1812, i ! publiait encore, dans le même Mercure de France, deux poésies de circonstance : le Vieux Polonais et l’Ombre de Sobiesfei. Bientôt après, il réunissait toutes ces méchantes poésies de jeunesse en un volume sous te titre d’Odes. Lors des désastres de 1813, le jeune Cormenin était en tournée & Périgueux, à la suite du sénateur Cochon de Lapparent, chargé d’organiser, dans la 20e division militaire, Tes levées extraordinaires de soldats et d’enrégimenter les gardes nationales. Quand il revint à Paris, Napoléon était remplacé par Louis XVIII. Oubliant aussitôt Vespasien, » il se rallia avec empressement aux rois légitimes, et, le 5 juillet 1814, il en fut récompensé par la nomination de maître des requêtes surnuméraire, dès la reconstitution du conseil d’État. Les Cent-Jours arrivent, et Cormenin évite une destitution en s’employant comme garde national volontaire aux préparatifs de défense de Lille et du département. À la seconde Restauration, il se retrouve au conseil d’État, et, le 24 août 1815, il est nommé maître des requêtes. Chacune de ces crises politiques lui avait valu un avancement ; dès lors il suivit les travaux de cette assemblée avec une assiduité digne d’éloge et une réelle utilité pour le public. En 1818, il publia, sans le signer, un écrit intitulé ; Du conseil d’État envisagé comme conseil et comme juridiction dans notre monarchie constitutionnelle. Il y demandait que les séances du conseil d’État fussent publiques, et que ses membres fussent inamovibles, pour assimiler complètement cette cour administrative au régime des autres cours. En 1819, il publiait une autre brochure faisant suite à la première et intitulée : De la responsabilité des agents du gouvernement et des garanties des citoyens contre les décisions des ministres et du conseil d’Etal. Ces écrits attestaient les idées libérales de leur auteur et surtout un esprit opposé aux pratiques autoritaires de l’administration. Enfin, en 1822, il fit paraître son ouvrage le plus important, celui qui a donné le plus d’autorité à son nom ; c’est son livre : Questions de droit administratif, en deux volumes. Remanié à^chaque édition, modifié, augmenté, il a été publié, après la cinquième édition, sous le titre plus simple de : Droit administratif. C’est, en effet, un traité complet et très-élucidé de tout le contentieux administratif. Cormenin en a formulé les principes généraux il suivi dans chaque détail les applications ; on a pu dire avec raison qu’il a le premier fait du contentieux une science. M. Dupin aîné n’hésitait pas à le reconnaître : ■ C’est principalement dans ses ouvrages que j’ai pu apprendre quelques notions de ce qu on appelle le droit administratif. » Depuis on a fait des ouvrages plus détaillés, plus complets et plus en rapport avec les lois nouvelles ; mais on n’en a pas écrit de plus clair, de plus habile, et tous remontent à celui-ci comme à une autorité. Cette publication lui donna une grande importance au conseil d’État.

En 1S24, le roi Louis XVIII, en signant à sou mariage, lui accorda le titre de baron.

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Deux ans après, Charles X le fit officier de la Légion d’honneur, et l’autorisa à créer un majorathéréditaire avec le titre de vicomte.

En 1828, il fut élu député d’Orléans et alla siéger au centre gauche. Son opposition ne fut pas en général aussi véhémente qu’on l’a dit plus tard. Et même la brochure contre l’hérédité de la pairie, qu’il publia en 1829, était moins une thèse en faveur de l’égalité qu’un plaidoyer pour les prérogatives royales. Dépourvu de facultés oratoires, il ne parut que rarement à la tribune ; mais ses connaissances spéciales le rendaient fort utile dans les bureaux et les commissions.

Dans le conflit qui s’éleva bientôt entre la royauté et la Chambre, il prit décidément parti pour l’opposition, et vota, en mars 1830, l’adresse des 221 ; la Chambre fut dissoute ; les électeurs d’Orléans lui renouvelèrent son mandat. Survint la révolution de Juillet et le triomphe du peuple. M, de Cormenin se sentit embarrassé, troublé ; dans les premiers jours il fut timide, hésitant. Au moment où Von revisait hâtivement le pacte constitutionnel, où l’on bâclait la charte, suivant sa pittoresque expression, il eut comme une sorte d’illumination : «Attaché sur mon banc, a-t-il écrit plus tard, pendant l’improvisation de la chatte, je gardai l’immobilité du silence. J’étais absorbé dans la contemplation de mon illégalité. Je n’entendais rien. Je n’apercevais plus la Chambre. Je ne voyais plus que le peuple. Sa grande image était devant moi. »

Il déposa donc sa démission de député, déclarant qu’il ne voulait pas se faire le complice d’une usurpation ; il refusa, pour les mêmes motifs, de servir le gouvernement nouveau et donna sa démission de maître des requêtes au conseil d’État. Cependant son isolement lui pesa bientôt, et, dès le mois d’octobre de la même année, il se présenta de nouveau à ses anciens électeurs du Loiret. Il ne fut pas réélu à Orléans ; mais il fut nommé

fieu de temps après par les électeurs du colége de Belley (Ain) et revint à la Chambre.

11 y prit place à l’extrême gauche et vota invariablement contre le pouvoir. Ce fut seulement en 1831 qu’il entreprit la lutte à laquelle son nom a du une si grande popularité. Il l’inaugura par une sorte de déclaration de guerre, qui fut sa lettre au Courrier français, après la-dissolution de la Chambre, à la fin d août 1831. Dans cette lettre, il déclare que Jes députés n’avaient pas le droit de proclamer un roi ; qu’après la révolution de Juillet il fallait un appel au peuple, et que tous les actes accomplis depuis le 7 août 1830 étaient nuls, comme autant de violations du droit

Copulaire. Bientôt après, la discussion du udget lui offrit un large champ pour ses critiques ; elle donna lieu à ses fameuses Lettres sur la liste civile, dont le succès de popularité fut immense, et qui eurent près de trente éditions. La liste civile fut, du reste, le sujet préféré de ses attaques. Dans presque toutes ses autres brochures, il revient avec des détails minutieux et une malignité très-vive sur les revenus de la famille royale et les dépenses de la couronne. L’opposition fit réduire à

12 millions la liste civile pour laquelle le ministère demandait 18 millions. Les «trois philippiques» de M. de Cormenin furent pour

une bonne part dans ce résultat.

En 1832, la popularité de M. de Cormenin était telle, qu’il fut élu dans quatre arrondissements ; à Joigny, à Montargis, à Font-de-Vaux et à Belley. Il se montra reconnaissant aux électeurs de Belley et opta pour eux. En 1834, il fut réélu dans la Sartbe et à Joigny ; il adopta définitivement ce dernier arrondissement, dont les électeurs lui restèrent fidèles jusqu’après 1848. Ce fut vers 1837 qu’il prit le pseudonyme de Timon, en souvenir de Timon, le misanthrope d’Athènes. Ce fut sous ce nom qu’il commença, dans la Nouvelle Minerve, la série de portraits parlementaires si vivants, si exacts, si vigoureusement modelés, qu’il réunit plus tard pour former son beau Livre des orateurs.

En 1S3S, la maladresse du ministère lui fournit le motif d’un nouveau succès, en lui donnant l’occasion de publier son pamphlet intitulé : Très-humbles remontrances de Timon au sujet d’une compensation d’un nouveau genre que la liste civile prétend établir entre quatre millions qu’elle doit au trésor et quatre millions que le trésor ne lui doit pas. Cette brochure incisive et mordante fit reculer le ministère, qui renonça au projet. On peut juger du retentissement de ce pamphlet et de l’effet produit. La guerre entreprise par Cormenin contre le roi et la liste civile ne devait pas s’arrêter là. Au mois de février 1840, le ministère Soult proposa une dotation de 500,000 fr. pour le duc de Nemours à l’occasion de son mariage. Timon saisit sa plume la plus acérée et lança un premier pamphlet : Lettre au duc de Nemours ; bientôt après, un second paraissait sur le même sujet, avec ce titre : Questions scandaleuses d’un jacobin au sujet d’une dotation, avec cette épigraphe : «De l’argent ! toujours de l’argent ! ■ Cet écrit est daté du 14 février 1840. Il est suivi de pièces justificatives, où l’auteur fournit de longs détails sur la liste civile, sur les revenus de |la couronne, sur la valeur des biens de la famille d’Orléans en capital et en revenu, sur les dots et apanages des princes étrangers. Veut-on avoir une idée exacte du ton et de la forme de ces pamphlets, qui eurent alors î une vogue si prodigieuse ? Voici comment I débutent les Questions scandaleuses :

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« Il y a un certain lieu dans Paris qui est borné à l’orient par la grille du Carrousel, au couchant par le jardin de Lenôtre, au nord par la rue de Rivoli, au midi par la Seine. Ce lieu a nom les Tuileries.

■ Or, dans ce petit coin de Paris, bien petit, on traite résolument de jacobins tous ceux qui s’avisent de trouver que la liste civile, avec ses 26 millions, en louis neufs et reluisants au soleil, n’est pas déjà trop mal riche comme cela ; que le domaine privé, avec plus d’une centaine de millions, en a sa suffisance et plus que sa suffisance, et que c’est assez la mode, en France, qu’un père de famille bien nippé et bien rente ne fasse point payer la dot de ses enfants par ses parents, voisins, amis et connaissances, et surtout par ceux qui ne sont ni ses parents, ni ses voisins, ni ses amis, ni ses connaissances.

Je suis l’un de ces jacobins, jacobin pour vous servir, messieurs de la cour, et du fond de ma jacobinière, où je vis en compagnie de 33 millions de contribuables, tous mal pensants et mauvais payeurs, je suis assez osé, voyez cela, pour vous adresser maintes questions qui vont faire frémir les cœurs sensibles de la haute et basse livrée, et qui sont toutes, je l’avoue, plus impertinentes, plus effrontées, plus scandaleuses, plus incendiaires et plus iufernalement logiques les unes que les autres.

Entrons vivement dans l’affaire, car le temps presse, et vous avez hâte, on le sait bien, de palper la somme... »

Tout le reste de la brochure tient vertement ce que promet ce début. La lutte eut ce résultat, que la dotation fut repoussée par 226 voix contre 200, et que le cabinet donna sa démission. Ces pamphlets se vendaient à 10, 20, 30,000 exemplaires. Ici il est permis de s’arrêter et de poser cette question : Comment ce même Timon, qui fulminait de si vigoureuses philippiques contre 1a liste civile et les dépenses du roi bourgeois, s’est-il si bien accommodé, vingt-cinq ans plus tard, d’un bon traitement de conseiller d’État sous un gouvernement dont le budget est presque double de celui de 1840, et où les dépenses de la cour dépassent de bien- des millions celtes de la monarchie de Juillet ? Quoi qu’il en soit, Timon était au comble de la popularité, lorsque s’élevèrent les discussions relatives à la liberté d’enseignement. L’évêque-de Clermont la revendiqua pour les séminaires comme pour l’Université. M, de Cormenin prit parti pour la liberté, telle que l’entendait le parti clérical, et publia sa brochure : Défense de l’éoéque de Clermont, qui eut rapidement dix éditions. Tout le parti libéral fut surpris et ému de cet écrit ; mais, en 1845, l’émotion fut bien plus vive encore lorsqu’on agita la question de l’expulsion des jésuites. M. de Cormenin persista dans la doctrine de la liberté d’enseignement pour les uns comme pour les autres ; il publia son pamphlet : Oui et non. Les républicains, accoutumés jusque-là à applaudir leur écrivain populaire, passèrent de l’enthousiasme à l’exaspération. Ce fut de toutes parts une véritable clameur. La réponse de Cormenin fut un autre pamphlet : Feu ! feu ! dans lequel il continue de défendre la liberté comme la comprenaient les évoques. Dans les notes des éditions ultérieures, il répond aux reproches, non sans verve et sansdignité : ■Onme demande le sacrifice de ce qu’on appelle ma renommée. Je la donne à rien, pourvu qu’on ne me demande pas l’impossible sacrifice de ma conscience. » Sa conscience est ici hors de cause ; mais, quant k ses opinions, il est’ incontestable qu elles ont singulièrement varié dans le cours de sa vie. Après la brochure Feu ! feu ! l’auteur reçut du pape des félicitations et la croix de commandeur de Grégoire le Grand. Mais avec les républicains, les libéraux, les anticléricaux, la rupture de Timon était complète. Il ne fut pas réélu aux élections de 1846.

Son rôle de pamphlétaire était fini. Cependant il revint un moment à l’opposition militante par un factutn virulent en faveur de l’indépendance de l’Italie. Mais bientôt il tourna son esprit vers des travaux plus calmes et publia, dès 1846, de petits livres qui ont eu un légitime succès : les Entretiens de village, dans lesquels il reproduit ses Dialogues de maître Pierre, et plus tard le Maire de village. En 1847, les Entretiens de village, déjà couronnés par la Société d’instruction élémentaire, obtinrent de l’Académie française le prix Montyon. Depuis 1830, M. de Cormenin avait combattu la monarchie de Juillet et réclamé le suffrage populaire.

La révolution de 1848 lui donna satisfaction sur ces deux points. Aussitôt après le 24 février, les quatre départements de la Seine, de l’Yonne, de la Mayenne et des Bouchesdu-Rhône le nommèrent représentant du peuple à l’Assemblée constituante. U eut encore un regain de popularité : il fut un des viceprésidents de I Assemblée, et lorsqu’on y

tonna la commission chargée de rédiger la nouvelle constitution, on se souvint de sa haute compétence en matière de législation et de droit administratif, et on le nomma président de cette commission. Non-seulement il dut à cette position d’avoir une grande part dans la rédaction de la nouvelle charte républicaine, mais personne n’ignore qu’Armand Marrast et M. de Cormenin en furent presque exclusivement les deux auteurs. À peine l’œuvre était-elle achevée que, par une de