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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 5, part. 2, Cour-Cz.djvu/228

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l’influence de cet objet, influence nécessairement empirique.

Des principes généraux de la raison pratique nous passons aux croyances rationnelles, liées, selon Kunt, à ces principes. Kant donne à ces croyances rationnelles le nom de postulats de la raison pratique, et voici ce qu’il entend par ce mot postulat. Un postulat de !a raison pratique est une croyance particulière impliquée par la croyance générale à la. valeur réelle, objective, de la raison pratique elle-même. Cette croyance ne vient pas de l’instinct, du sentiment ; elle n’est pas une induction que l’expérience fait naître dans l’esprit j elle est purement rationnelle, rationnelle par son origine et par sa nature. Le fireinier de ces postulats est le libre arbitre, a liberté entendue dans le sens métaphysique. La liberté se montre, au point de vue cosmologique, en opposition avec le principe de causalité ; elle paraît contraire aux lois de l’univers ; mais elle est nécessairement supposée par l’impératif catégorique, pur l’obligation ; on ne peut être obligé, si l’on n’est libre ; ces mots : Vous devez, perdent tout sens, si ces mots ; Vous pouvez, n’en ont pas ; si la liberté n’est qu’une illusion, l’obligation ne peut êire une réalité ; elles doivent subsister inséparables dans l’esprit ou en disparaîtra ensemble ; or si la raison pure spéculative n’exclut pas le doute sur la liberté, la raison pratique exclut le doute sur l’obligation : donc la liberté, qui pratiquement est liée à l’obligation, est affirmée indirectement par la raison pratique, comme l’obligation ’l’est directement.

Les deux autres postulats de la raison pratique sont l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu. Sur ces deux questions, la raison pure spéculative n’a pu aboutir qu’à des antinomies désespérantes. La rajson pratique, grâce au concept du souverain bien, parvient a nous faire sortir de l’impasse où la raison pure nous a conduits, et à ressaisir les certitudes évanouies de la théodieée classique. Qu’est-ce que c’est que ce concept du souverain bien ? Le souverain bien se compose de deux éléments : de Sa vertu et du bonheur. Notre raison, selon Kant, affirme deux choses : la première, que la vertu, c’est-à-dire l’entière couformità des actes à la loi morale, est, pour l’être raisonnable, une fin en soi ; la seconde, que le bonheur, c’est-à-dire la pleine harmonie des besoins et des désirs de cet être entre eux et avec le milieu où ces besoins et ces désirs trouvent satisfaction, est aussi une fin pour cet être ; mais une tin conditionnée parla précédente, et rationnelle en tant qu’elle se lie à la précédente, comme l’effet à sa cause. Le bonheur séparé de la vertu, c’est-à-dire non lié à sa condition rationnelle, non mérité, est un bien empirique et sans caractère moral ; ce n’est pas le bien. La vertu séparée du bonheur est un bien rationnel, un bien en soi : mais cén’est pas lô bien complet, parce qu’il y a là un mal, un défaut de justice qui est (a. disproportion, le désaccord entre la vertu et le bonheur. Il y a deux droits que le concept du souverain bien confère à la moralité : droit au développement et au progrès, droit à un bonheur proportionné. Ainsi c’est un mal, lorsque la raison pratique pose un lien entre la vertu et le bonheur, que la vertu soit à jamais privée du bonheur, et c’est un mal aussi lorsque la raison pratique nous ordonne une parfaite conformité de la volonté à la loi morale, quo la mort vienne brusquement interrompre nos efforts, et arrêter dans son développement notre vertu toujours incomplète et toujours perfectible. Des deux fins que la raison prar tique nous assigne, il ne nous est donné d’atteindre ni l’une ni l’autre dans cette vie ■ la raison pratique nous donne donc un double droit à la vie future et a l’immortalité. Et elle nous donne en même temps la garantie que ce double droit sera réalisé ; car, s’il ne devait pas l’être, il n’y aurait pas de souverain bien, et, s’il n’y avait pas de souverain bien, si e était là un but chimérique, la raison pratique qui nous ordonne de tendre à ce but chimérique serait atteinte elle-même dans sa valeur objective.

Au postulat de la vie future et de l’immortalité se trouve lié celui de l’existence de Dieu, lequel peut seul, selon Kant, assurer la

Eossibilité du second élément du souverain ien, c’est-à-dire d’un bonheur proportionné à la moralité. « Le bonheur d’un être raisonnable, dit-il, suppose l’accord de la nature avec tout l’ensemble des fins de cet être, et en même temps avec le principe essentiel de sa volonté. Or la loi morale commande par des principes de détermination qui doivent être entièrement indépendants de la nature et de l’accord de la nature avec notre faculté de désirer-.d’un autre côté, l’être raisonnable agissant dans le monde n’est pas non plus cause du monde et de la nature même. La loi morale ne saurait donc fonder par elle-même un accord nécessaire et iuste entre la moralité et le bonheur dans un être qui, faisant partie du monde, en dépend, et ne peut par conséquent être la cause de cette nature et « la rendre par ses propres forces parfaitement conforme, en ce qui concerne Son bonheur, à ses principes pratiques. Et pourtant, dans le problème pratique que nous prescrit la raison, c’est-à-dire dans la poursuite du souver rain bien, cet accord est postulé comme nécessaire ; donc l’existence d.une cause, distincte de la nature même et servant de prin CRIT

cipe à cet accord, est aussi postulée. Mais cette cause suprême doit contenir le principe de l’accord de la nature, non pas simplement avec une loi de la volonté des êtres raisonnables, mais avec la représentation de cette loi, en tant qu’ils en font le motif suprêjne de leur volonté ; avec la moralité même comme principe déterminant, c’est-à-dire avec l’intention morale. Donc le souverain bien n’est possible dans le monde qu’autant qu’on admet une nature suprême douée d’une causalité Conforme à l’intention morale. Or un être qui est capable d’agir d’après la représentation de certaines lois est une intelligence, et la causalité de cet être, en tant qu’elle est déterminée par cette représentation, est une volonté. Donc la cause suprême de la nature, comme condition du souverain bien, est un être doué d’intelligence et de volonté, c’est-à-dire qu’elle est Dieu. » Ainsi, suivant liant, Dieu n’est pas législateur, il est sanctionnateur ; ce n’est pas la volonté de Dieu qui fonde le devoir, mais la volonté de Dieu est nécessaire pour sanctionner la loi morale, c’est-à-dire pour mettre la vertu en possession du bonheur qu’elle mérite ; la morale ne dérive pas de l’idée de Dieu, mais la sanction divine est postulée par la morale ; jl est nécessaire d’admettre 1 existence de Dieu, non comme le fondement de toute obligation en général, mais comme la condition de la possibilité du souverain bien, qui est elle-même liée à la conscience de notre devoir.

Critique du jugement, par Kant. Dans

cet ouvrage, publié en 1790 et traduit en français par M. Barni en 1846, Kant examine successivement les jugements que nous portons sur le beau et le sublime, où les jugements esthétiques, puis ceux, par lesquels nous attribuons k la nature un rapport de finalité, ou les jugements téléologiques. La Critique du jugement est un des plus importants ouvrages du philosophe de Kœnigsberjr. Elle complète lu critique de la raison spéculative et celle de la raison pratique, auxquelles elle est destinée à servir de lien dans l’ensemble de la philosophie critique. La première partie occupe, par sa date et par sa valeur, le plus haut rang dans l’histoire de cette science que l’Allemagne a créée sous le nom d’esthétique, ’ un de ses plus grands poëtes, Schiller, en a adopté, développé et pratiqué tes principes. La philosophie de l’identité s’est plu à voir dans la seconde partie le germe même de l’idée dont elle s’est emparée, pour détrôner la philosophie critique, et Schelling n’a pas assez d’admiration pour certains chapitres de la Critique des jugements téléoloyiques.

Critique des jugements esthétiques. Kant appelle jugements de goût ceux qui ont pour objet le beau. Voici les caractères par lesquels il les distingue de tous autres jugements. D’abord, la satisfaction propre au goût ou au beau qui en est l’objet est pure de tout intérêt. Elle ne se confond avec aucune autre, satisfaction, ni avec celle que cause l’agréable, ni avec celle qui s’attache au bon, soit à l’utile, soit au bon en soi. Ce premier caractère fournit une première définition du goût et du beau : Le goût est la faculté de juger d’un objet ou d une représentation par une satisfaction libre de tout intérêt. L’objet d’une satisfaction de ce genre s’appelle beau. Le second caractère assigné par Kant à la satisfaction du beau, c’est qu elle est universelle, mais sans dépendre d’aucune idée déterminée. Elle se distingue de la satisfaction de l’agréable par son caractère universel ; de la satis^ faction du bien, par son principe et son caractère essentiellement subjectif ; de là cette seconde définition du beau : Le beau est ce qui plait universellement sans concept. Le troisième caractère des jugements de goût dérive des précédents. Comme ces jugements sont indépendants, d’une part, de tout attrait et de toute émotion ; de l’autre, de tout concept déterminé, ta beauté qui en est l’objet est indépendante, selon Kant, de toute finalité subjective ou objective. Elle réside uniquement dans une certaine concordance de

la forme d’un objet avec le libre jeu de nos facultés de connaîtra, l’imagination et l’entendement. Mais cette concordance peut elle-même être considérée en un sens comme une finalité : en effet, quand le goût juge beau un certain objet, on dirait que cet objet a été fait tout exprès pour nous plaire et que c’est à dessein que la nature en a ainsi disposé les parties. Seulement, comme la concordance de cet objet avec l’imagination et l’entendement, ou, ce qui revient au même, celle de ces deux facultés, est indépendante de toute idée de fin réelle, soit subjective, soit objective, puisqu’elle est indépendante de tout concept de l’objet auquel elle s’applique, et par conséquent de la question de savoir si la nature s’est en effet proposé de composer un objet capable de nous plaire ou en a ainsi disposé les parties à dessein, il n’y a ici que la forme de la finalité. Ainsi s’ex-I plique la troisième définition que Kant nous I donne du beau : Le beau est la forme de la finalité d’un objet, en tant qu’elle y est perçue I sans représentation de fin. Le dernier caractère attribué par Kant aux jugements de goût est la nécessité. Quand, je juge belle une certaine chose, je juge qu’elle satisfera nér eessairement tout homme de goût, comme elle me satisfait moi-même. C’est une nécessité pour moi de juger ainsi. Or cette nécessité a un caractère particulier. Elle n’est pas

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théorique : elle ne repose pas sur des principes du la connaissance, puisque les jugements de goût ne sont pas des jugements logiques et ne supposent aucune idée déterminée. Elle n’est pas pratique : elle ne repose pas sur des principes de la volonté, comme le sentiment moral, -Pourtant elle est réelle. Mais elle n’est possible qu’à une condition, c’est que les facultés de connattre qui entrent en jeu dans les jugements de g^oût s’exercent chez tous les hommes de la même manière, ou suivant le même principe subjectif. Cette universalité des conditions subjectives suivant lesquelles peuvent s’exercer nos facultés de Connaître, Kant la désigne sous le nom de sens commun, qu’il prend ici dans une acception différente de celle qu’on lui donne ordinairement. Le quatrième et dernier caractère des jugements de goût nous donne cette quatrième et dernière définition du beau ; Le beau est ce gui est reconnu sans concept comme l’objet d’une satisfaction nécessaire.

Les jugements esthétiques comprennent deux espèces de jugements : le jugement de goût ou du beau, dont nous venons de parler, et le jugement du sublime. Ils ont cela de commun qu’ils ne sont ni des jugements de connaissance, ni des jugements de sensation ; qu’ils ont leur origine dans la réflexion que nous faisons sur le libre, jeu de nos facultés de connaître, et dans la satisfaction qui s’y rattache. Ils sont néanmoins profondément distincts. Le jugement de goût suppose l’accord de l’imagination et de l’entendement, librement mis en jeu par la contemplation

d’une forme déterminée et limitée ; le jugement du sublime suppose le désaccord de l’imagination et de la raison, s’exorçant librement sur la contemplation d’un objet dont le caractère est précisément de n’avoir pas de forme déterminée et de n’être pas limité. Aussi, tandis que le sentiment du beau est simple et sans mélange, celui du sublime est mêlé ; l’esprit se sent à la fois attiré et repoussé par l’objet ; le premier est calme, le second accompagné d’un certain trouble ou d’une certaine émotion ; celui-là est riant et s’accommode aisément des jeux de l’imagination ; celui-ci est sérieux et repousse tout ce qui n’est pas sérieux. Le sentiment du sublime est produit par la contemplation de la grandeur ou par celle de la puissance. De là deux espèce de sublimes : le sublime mathématique et le sublime dynamique.

Kant définit le sublime mathématique : ce gui est absolument grand. Mais qu’est-ce qui dans la nature est absolument grand ? C’est, répond Kant, ce qui est grand sans comparaison avec quoi que ce soit, ou ce en comparaison de quoi toute autre chose est petite. Mais à ce compte il n’y a rien dans la nature qui soit absolument grand, et qui, par conséquent, puisse être jugé sublime. Il n’y a rien, en effet, de si grand, qui, considéré sous un autre point de vue, ne puisse aller jusqu’à l’infiniment petit. Donc, a proprement parler, il n’y a pas de sublime dans la nature- : c’est en nous-mêmes, dans une certaine disposition d’esprit nécessairement liée aux idées de la raison, qu’il faut le chercher. El suit do là qu’à ces deux définitions du sublime mathématique : Le sublime est eegui est absolument grand ;— Le sublime est ce en comparaison de quoi toute autre chose, est petite, il faut encore ajouter cette formule : Le sublime est ce qui ne peut être conçu sans révéler une faculté de l’esprit qui surpasse toute mesure des sens. Dans l’estimation de la grandeur, il y a deux mouvements de l’imagination, l’un par lequel elle saisit successivement les parties de l’objet, l’autre par lequel elle embrasse simultanément ces parties en un tout. Kant donne au premier de ces mouvements le nom à’appréhension, et celui de compréhension au second. C’est l’impuissance de l’imagination dans ce second mouvement qui éveille en nous le sentiment du sublime. Il y a là une discordance entre l’imagination et ta raison, l’imagination faisant sans cesse et vainement effort pour rapprocher l’intuition sensible de la nature, sur laquelle elle opère, de l’intuition supra-sensible de l’infini, dont la raison nous donne le concept. On voit comment le sentiment du sublime est mêlé de plaisir et de peine. En effet, la conscience de l’impuissance de notre imagination à s’accorder avec une idée de la raison doit nécessairement être accompagnée d’un certain sentiment de peine ; mais en même temps, comme cette impuissance même éveille en nous le sentiment d’une faculté supra-sensible, d’après laquelle nous devons regarder comme petit tout ce que la nature, en tant qu’objet des sens, contient de grand pour nous, et que ce sentiment ne va pas sans une certaine satisfaction, il suit qu’à la peine, qui naît de la disconvenance de l’imagination avec la raison, se mêle le plaisir, qui s’attache au sentiment d’une faculté ou d’une distinction supérieure, que cette disconvenance fait éclater.

Le sublime mathématique répond à la grandeur de la nature, le sublime dynamique à sa puissance. Ici encore, le sublime n est pas dans la nature, mais en nous-mêmes, dans le sentiment d’une destination supérieure à la nature ; et si nous nommons la nature sublime, c’est qu’elle excite en nous ce sentiment par le spectacle de sa puissance. « De même, dit Kant, que l’immensité de la nature et notre incapacité à trouver une mesure propre & l’estimation esthétique de sa gran CRIT

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deur nous ont révélé notre propre limitation, mais nous ont fait découvrir en même temps dans notre faculté de raison une autre mesure non sensible, qui comprend en elle cette infinité même comme une unité, et devant laquelle tout est petit dans la nature, et nous ont montré par là dans notre esprit une supériorité sur la nature, considérée dans soi» immensité : de même l’impossibilité de résister à sa puissance nous fait reconnaître notre faiblesse, en tant qu’êtres de la nature ; mais elle nous découvre en même temps une faculté par laquelle nous nous jugeons indépendants de la nature, et elle nous révèle ainsi une nouvelle supériorité sur elle. •

Critique des jugements téléologiques. Dans cette seconde partie de la Critique du jugement, Kant commence par distinguer deux espèces de causalité : la causalité efficiente et la causalité Anale, ou la finalité. Lorsque nous n’avons pas besoin d’avoir recours à l’idée de but et de lin, pour y chercher, en partie du moins, la cause des phénomènes que nous observons dans la nature, le rapport de causalité que nous établissons entre ces phénomènes est un rupport de causalité efficiente, un nexus effectiuus ; nous ne sortons pas du mécanisme. Que si, au contraire, pour nous expliquer ces phénomènes ou certains d’entre eux, pour nous expliquer certains êtres, il nous faut recourir à une idée de ce genre, c’est-à-dire si nous sommes forcés de concevoir que la nature en les produisant a agi pour certains buts, il n’y a plus là seulement pour nous un rapport de causalité efficiente, un nexus effectivus, un pur mécanisme, il y a un rapport rie causalité finale ou de finalité, un nexits finalis. Il y a dans la nature deux espères de finalités. Ou bien, considérant une production de la nature en elle-même, nous supposons que la nature a eu immédiatement pour but cette production ; ou bien nous la considérons comme un moyen relativement à d’autres choses, que nous regardons comme des fins de la nature. Duns le premier cas, ta finalité que nous attribnons’à la nature est intérieure ; elle est relative ut extérieure dans le second. La finalité intérieure se montre dans les êtres organisés, qui peuvent être définis, selon Kant, « des productions de la nature dans lesquelles ' tout est réciproquement fin et moyen. De ce concept de l’organisation vient ce principe que, dans les êtres organisés il n’y a pas d’organe qui n’existe pour une fin, ou que dans ces êtres la nature ne fait rien en vain. Ce principe est universel et nécessaire, c’esttàdir$ que nous l’appliquons toujours et que nous ne pouvons pas ne pas l’appliquer à l’observation des êtres organisés. Aussi, en étudiant.les plantes et les animaux, cherchons-nous à déterminer la destination de

chacune des parties de la plante où de l’animal que nous considérons. Appliqué d’abord uniquement aux êtres organisés, le principe tôléologique ne tarda pas à s’étendre à l’ensemble des choses. Le monde nous apparaît comme un système do fins, c’est-à-diré d’êtres liés entre eux suivant des rapports de moyens à fins. Nous ne nous bornons plus k dire : Dans les êtres organisés, rien n’existe en vain ; nous posons ce principe général : Dans le monde en général, rien n’existe en vain. Ce principe n est ni un concept empirique ou à posteriori, ni un concept à priori de l’entendement. D’un côté, nous ne pouvons tirer

ce concept de la connaissance empirique îles objets, et l’expérience ne saurait démontrer ta réalité de ce rapport de moyen à fin que nous attribuons à la nature. Elle peut bien nous faire connaître la conformation et les propriétés d’un être organisé ou d’un organe ; niais comment démontrerait-elle que la nature, en le formant, a agi pour un but détermine ? Et, d’un autre côté, que la nature agisse en effet pour certains buts, c’est ce que nous ne pouvons cpnclure à priori de 1 idée que nous en donne l’entendement ; car la loi de causalité que l’entendement applique à la nature n’est pas la finalité, mais la causa* lité efficiente, ce nexus effectivus dont nous ayons parlé plus haut et dont le caractère essentiel est la nécessité. Quelle est donc l’orifine de ce concept, que la nature agit pour es fins, si nous ne le tirons ni à posteriori de la connaissance empirique de là nature, ni à priori de l’idée que nous en donne l’entendement ? C’est nous qui l’introduisons, par analogie, dans la considération de la nature. Ce mpde de causalité qui consiste à agir en vue de certaines fins, c’est le nôtre. Or, comme nous ne pouvons nous contenter de ne voir dans certaines productions de la nature qu’un pur mécanisme, nous lut attribuons un mode de causalité analogue à celui que nous trouvons en nous-mêmes. Ainsi l’idée d’une finalité de la nature n’a qu’une valeur subjective, I n’est qu’un principe régulateur. Nous ne pouvons nous passer du principe téléologique dans la considération des êtres organisés et de la nature en général, et, en ce sens, ce principe est nécessaire ; mais cette nécessité est toute relative à la constitution de notre esprit.

Kant passe en revue les divers systèmes qu’a suscités la question de la finalité de la nature. De deux choses l’une : ou bien on ne reconnaît dans la nature d’autre principe réel que celui du mécanisme, et cet art qu’on lui suppose en certaines productions n’est qu’une apparence, qu’on explique par notre