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DÉSHÉRITER v. a. ou tr. {dé-zé-ri-tédu préf. dés, et de hériter). Priver de sa part d’héritage : Menacer un parent de le déshériter. Mon oncle m’A déshérité. Les lois rendues en France pendant la Dévolution ne permettaient pas au père de déshériter son fils. (De Bonald.)

— Fig. Priver, frustrer : Le ciel l’ déshérité de tout don naturel. On s’imagine que la capitale absorbe taules les supériorités et en déshérite le reste du sol. (G. Sand.) Le Créateur n’ déshérité aucune terre de parure et de vie. (Toussenel.)

— Syn. Déshériter, exhéréder. Déshériter, c’est simplement priver quelqu’un de l’héritage auquel il avait droit de s’attendre ; Yexhéréder, c’est déclarer par un acte formel la volonté de l’exclure de cet héritage. De plus déshériter est du langage ordinaire, et exhéréder est un terme de législation qui ne s’emploie guère qu’en parlant des anciens.

DÉSHEURÉ, ÉE(dé-zeu-ré)part. passé du v. Désheurer : Il n en resta pus moins dans un grand embarras pour savoir ce qu’il allait faire de cet écolier désheuré. (X. Saintine.)

DÉSHEURER v. a. ou tr. (dé-zeu-ré — du prêt’, dés, et de heure). Troubler dans la régularité de ses occupations, déranger dans ses habitudes réglées : Ce traoail imprévu est venu me désheurer.

Les révolutions désheurent tout le monde.

C. Délavions.

Se désheurer v. pr. Être dérangé ; se déranger de ses habitudes régulières : Dans les émotions populaires, les plus échauffés ne veulent pas se dbsueurer. (De Retz.)

DÉSHIVERNÉ, ÉE (dé-zi-vèr-né) part, passé du v. Déshiverner : Troupes deshivernées’.

DÉSHIVERNER v. a. ou tr. (dé-zi-vèr-né — du préf. dés, et de hiverner). Faire sortir des quartiers d’hiver : Déshiverner un corps d’armée, il Peu usité.

DÉSHONNÊTE adj. (dé-zo-nê-te — du préf. dés, et de honnête). Qui est contraire à 1 honnêteté, à la bienséance, aux bonnes mœurs : Écrit, pensée, parole, action déshonnêtu. Lieu déshonnète. Gravure déshonnète. Attachements DESHONNÈTES.

— Syn. Déstiouuâte, luulliounêio. Une action déshonnêle est contraire à la pureté, à la pudeur ; ce qui est malhonnête est contraire a la probité ou aux convenances. De plus, malhonnête peut se dire des personnes, et déshonnêle ne se dit que des choses ; quand il s’agit de personnes, on remplace déshonnêle par impur, impudique, etc. ; un homme malhonnête est toujours celui qui blesse les convenances ou la probité.

DÉSHONNÊTEMENT adv. (dé-zo-nê-teinait — rad. déshonnêle). D’une façon déshonnête : Se conduire déshonnêtement. Parler

DÉSHONNÊTEMENT.

DÉSHONNÊTETÉ S. f. (dé-zo-nê-te-térad. déshonnêle). Caractère d’une chose déshonnête : La déshonnêteté dans les discours, dans les actions.

DÉSHONNEUR s. m. (dé-zo-neur — du préf. dés, et de honneur). Perte de l’honneur ; état d’une personne déshonorée : Le déshonneur d’une famille. Tomber dans le déshonneur. Faire quelque chose à son déshonneur. Le ridicule déshonore plus que le déshonneur aux yeux des fous. (La Rochef.) Le déshonneur est dans l opinion des hommes, l’innocence est en nous. (Dider.) Le désir de la gloire fait moins de braves que la crainte du déshonneur. (Do Brueys.) Ce n’est pas le crime que nous craignons, c’est le déshonneur. (J. de Maistre.) Ce qui est vil n’a pas le pouvoir d’avilir ; l’honneur seul peut infliger te déshonneur. (Chateaub.) Jlien ne peut justifier le déshonneur, ni- l’excuse du besoin ni la tentation de l’exemple. (L. Reybaud.)

Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret.

Corneille.

Il Se dit particulièrement de l’état d’une femme qui s’est laissé séduire.

Prier quelqu’un de son déshonneur, Lui demander une chose qui pourrait le déshonorer. Il Solliciter de lui une chose qui lui coûte beaucoup : Demander de l’argent à un avare, c’est le prier de son déshonneur. (Acàd.)

Il Cette locution a vieilli, surtout dans le dernier sens.

— Syn. Déahoiineiif*, home, i£iioitiiiiîc, îji-

lumie, opprobre, turpitude. Déshonneur se rapporte à l’Opinion du monde ; honte se rapporte à la conscience ; l’homme déshonoré a perdu l’estime des autres hommes ; celui qui sent sa honte n’ose plus se regarder lui-même. L’ignominie est le comble du déshonneur, elle suppose qu’on est tombé dans un mépris profond ; l’opprobre n’est autre chose que l’ignominie manifestée par un fait particulier ; on est blessé d’un opprobre comme d’une injure, et le mot s’emploie plus souvent au pluriel qu’au singulier. L’infamie est une grande honte provenant de la conduite publique ou au moins de celle qui a eu beaucoup de témoins. La turpitude diffère de Vinfamie en ce que c’est la honte attachée à des actions secrètes.

DÉSHONORABLE adj. (dé-zo-no-ra-blerad. déshonorer). Qui n’est pas honorable, . qui déshonore : Accepter une mission désho-

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morable. Afficher des sentiments déshonorables. n Peu usité.

DÉSHONORABLEMENT adv. (dé-zo-no-rable-man — rad. déshonorable). D’une façon déshonorable : 5e conduire déshonorablement. Il Peu usité.

DÉSHONORANT (dé-zo-no-ran) part. prés, du v. Déshonorer : Des fils déshonorant le nom de leur père.

DÉSHONORANT, ANTE adj. (dé-zo-no-ran, an-te — rad. déshonorer). Qui déshonore ; qui est propre à déshonorer : Conduite déshonorante. Accepter une mission déshonorante. Se livrer à des trafics déshonorants. Ignores-tu qu’il est des tentations déshonorantes qui n’approchent jamais d’une âme honnête ? (J.-J. Rouss.) Aucun travail n’est déshonorant, l’oisiveté seule déshonore. (Foissac.)

— Antonymes. Glorieux, honorable.

DÉSHONORATION s. f. (dé-zo-no-ra-si-on — rad. déshonorer). Action de déshonorer : 77 ne recule pas devant ta déshonoration de l’uniforme qu’il porte. Il Peu usité.

DÉSHONORÉ, ÉE (dé-zo-no-ré) part, passé du v. Déshonorer. Qui a perdu l’honneur ; qui est avili, dégradé : Un homme déshonoré. L’innocence déshonorée n’a souvent d’autre ressource que la protection de son oppresseur. (Chateaub.) Un millionnaire déshonoré à Paris peut aller à Dôme, il g sera considéré juste an prorata de ses écus. (H. Beyle.) Sous Louis XIII et Louis XIV, on n’était pas déshonoré pour tricher au jeu. (Proudh.) À la Bourse, il n’y a de déshonores que les gens qui ne réussissent pas. (L.-J. Larcher.)

J’ai suivi tes conseils, je meurs déshonorée.

Racine. Mon nom serait en vain par le sceptre il.ustré, Si moi-même à mes yeux j’étais déshonoré.

Gresset.

Il Se dit particulièrement d’une femme qui s’est laissé séduire : Une jeune fille déshonorée. Selon l’opinion, un homme de trente ans séduit une jeune personne de quinze ans, c’est la jeune personne qui est déshonorée, (H. Beyle.)

— Substantiv. Personne déshonorée : Epouser une déshonorée.

... D’un déshonoré l’haleine déshonore.

C. Delaviume.

DÉSHONORER v. a. ou tr. (dé-zo-no-rédu préf. dés, et de honorer). Priver de son honneur, couvrir d’opprobre ; dégrader, avilir : Une grâce payée avilit celui qui la reçoit et déshonore celui qui la fait. (Duclos.) Les révolutions déshonorent plus d’hommes qu’elles n’en ruinent. (A. d’Houdetot.)

Un éloge insipide et sottement flatteur Déshonore à. la fois le héros et l’auteur.

Boileau.

Il Séduire, en parlant d’une femme : Déshonorer une jeune fille.

— Porter atteinte à la dignité de : On déshonore la justice quandon n y joint pas la douceur, les égards et la condescendance. (Fén.) Le libertinage déshonore le cceur et l’esprit. (Mme de Puisieux.) L’esclavage déshonore le travait. (De Tocqueville.)

— Absol. : Le ridicule déshonore plus que le déshonneur aux yeux des fous. (La Rochef.) L’avarice du temps ne déshonore pas. (Christine de Suède.) Ce qui déshonore est funeste. (Chateaub.) Le travail des mains ne déshonore pas, il ennoblit. (J. Macé.) Les condamnations ne déshonorent que dans un pays où les juges sont honorés. (E. About.)

L’idée élève ou déshonore, Vous jette dans la fange ou sur un piédestal.

A. Barbier, .

— Par ext. Déparer, gâter : Déshonorer un monument par de maladroites restaurations. Qui vous force à déshonorer /’Encyclopédie par cet entassement de fadeurs et de fadaises ? (Volt.)

Se déshonorer v. pr. Perdre son honneur ; s’avilir, se couvrir d’ignominie : Se déshonorer par des bassesses. Toute femme qui se montre se déshonore. (J.-J. Rouss.) Le même homme qui se ferait tuer par honneur SE déshonore sans scrupule, (La Rochef.-Doud.)

— Syn. Déshonorer, decréditer, décrier.

V. décréditbr.

DESHOUUÈRES (Antoinette de LiGier de La Garde), femme de lettres, née à Paris en décembre 1037 ou le 1er janvier 1638, morte le 17 février 1694. À côté des grands noms, des noms immortels qui, au xvno siècle, illustrèrent la poésie, relevèrent plus haut qu’elle n’était jamais montée depuis Eschyle, Sophocle, Euripide et Pindare, il est des noms qui pâlissent, s’effacent presque dans le voisinage des premiers, mais que l’histoire littéraire ne doit ni ne peut oublier entièrement. À côté de cette réunion sublime de génies, Corneille, Racine, Molière, Boileau, d autres encore, il y a un petit cénacle plein de grâce et de charmes, d’élégance et d’esprit. Par son talent, ce petit cénacle appartient au siècle qui l’a précédé j par sa morale, au siècle qui va suivre, car il prend volontiers pour croyance la théorie de ses plaisirs. Nous y rencontrons Saint-Pavin, Pavillon, Hénault, et l’élève de ce dernier, plus célèbre que son maître, plus célèbre qu eux tous, Mne Deshoulières.

Mme Deshoulières naquit, avons-nous dit,

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à la fin de l’année 1637 ou au commencement de 1633. M. Ravenel, dans l’Annuaire historique, a fixé la date de la naissance de notre poète, qui, d’après la note publiée par ce savant bibliophile, aurait été baptisée le 2 janvier 1038 on l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Toute jeune encore, presque enfant, à treize ans et demi, elle épousa Guillaume de La Fon, seigneur Deshoulières, alors lieutenant du roi à Doullens, en Picardie. Mais ce précoce mariage semble n’avoir été conclu que pour des arrangements de famille, car la toute jeune femme, après la cérémonie, revient dans sa famille, et ce n’est que six ou sept armées après qu’elle ira rejoindre son mari, alors guerroyant en Flandre sous les ordres du prince de Coudé. Mais déjà à cette date elle est célèbre, et nous devons revenir de quelques années en arrière pour suivre avec elle le chemin qui l’a conduite à cette célébrité.

Toute gracieuse, charmante et délicate, sous une enveloppe essentiellement féminine, M’ie de La Garde possédait un esprit avide de savoir et ardent à l’étude. Nous la verrons étudier le latin, l’italien, l’espagnol, et ces trois langues lui devenir aussi familières que sa propre langue ; nous la verrons s’adresser à la philosophie et, dans le grand débat entre Descartes et Gassendi, prendre parti pour ce dernier. Mais, à l’époque où nous sommes, elle n’en est encore qu’à la poésie, et c’est Hénault qui lui donne les premières leçons de la divine langue. On dit même que le maître voulut lui apprendre à bégayer une autre langue, divine aussi, qu’il devint amoureux de l’écolière, comme son ami Ménage l’était de Mme de Sévigné, comme Abailard l’avait été d’Héloïse, comme Saint-Preux le sera de Julie ; on le dit et on en a la preuve dans son épître à Sapho-Antoinette, où, après lui avoir démontré que c’est chose vaine que la gloire d’outre-tombe, il ajoute :

Cessez donc, 0 Sapho, de vous en faire accroire ; Dans un monde nouveau ne cherchez plus la gloire. Et faites succéder au soin de l’acquérir Le soin de la connaître et de vous en guérir. Mais quoi ! faut-il purger d’une erreur si grossière Un esprit si perçant et si plein de lumière ?

Si vous avez besoin d’être désabusée.

C’est d’une erreur plus fine et plus autorisée :

Le partage des morts se fait peu souhaiter.

Mais celui des vivants a de quoi vous tenter ;

Si la gloire pour vous n’est rien après la vie,

Tandis que vous vivez, elle vous fait envie.

Cependant pourrait-elle exciter un désir.

Si l’on ne la croyait elle-même un plaisir ?

C’en est un, il est vrai, pour quelques âmes vaines ;

Mais, hélas 1 c’en est un qui donne mille peines.

Il en est, ô Sapho, qui n’ont rien que de doux :

Si vous les connaissez, que ne les cherchez-vous ?

S’il vous sont inconnus, vous manque-t-il un maître ?

Écoutez donc, Sapho, la nature et l’amour.

Je vous viens de leur part révéler leur mystère,

Je n’en parle pas mal, et je sais bien me taire.

Plus tard, lorsqu’elle aura vu s’en aller peu à peu toutes ses illusions, elle se souviendra de cette théorie de Hénault, et à son tour elle parlera de l’inanité do la gloire posthume, non point qu’elle veuille guérir les poëtes de cet orgueil :

Non, mais un esprit d’équité A combattre le faux incessamment m’attache, Et fait qu’à tout hasard j’écris ce que m’arrache

La force de la vérité.

Quelques poésies de Mlle de La Garde, ou plutôt de Mme Deshoulières, car il ne faut pas oublier qu’elle s’est mariée à treize ans et demi, furent colportées par son maître, tout fier, dans les salons littéraires, et en ce temps où un sonnet rendait célèbre, où la paraphrase d’un psaume était récompensée d’un bénéfice, notre jeune potite fut bien vite il-lustre. Elle fut introduite à l’hôtel Rambouillet qui, hélas ! allait bientôt fermer ses portes. •Déjà, et juste l’année où naquit notre auteur (1637), Desmarets avait en effet, par sa comédie des Visionnaires, enlevé un peu de son prestigo à la chambre bleue d’Arténice et légèrement refroidi la dévotion à la petite église de la rue Saint-Thomas-du-Louvre ; encore un peu de temps, et Molière (en 1659) lui portera le dernier coup. Personno autant que Mme Deshoulières ne regrettera le bon temps des ruelles, le petit cénacle d’où les profanes étaient exclus et où l’on adorait l’art à huis clos. Qu’est-il resté de cette littérature nourrie dans l’ombre de la petite chapelle ? Où sont les Bassompierre et les Bollegarde ? C’est à cette réunion de précieux et de précieuses que certainement elle appliquait ces vers, peut-être après la représentation de Genséric :

Que ferez-vous alors ? Vous rougirez sans doute De tout l’esprit que vous aurez ; Amarante, vous chanterez Sans que personne vous écoute.

Mais nous n’en sommes pas là encore, et, avant d’en arriver à ce désenchantement, 11 y aura, pour Mme Deshoulières, bien des fleurs, bien des sourires, bien des triomphes. En 1657, elle va rejoindre son mari qui guerroyait, nous l’avons dit, sous les ordres du prince de" Condé. De Rocroi, elle se rendit à Bruxelles, à Une cour brillante et magnifique y résidoit alors, dit Sauvigny. Mme Deshoulières y fut admise et ne tarda pas à s’y attirer

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tous las regards. Personne, en effet, n’en étoit plus digne. La nature l’avoit douée d’une beauté peu commune. Elle avoit ces grâces sans lesquelles la beauté n’est rien. Sa taille étoit grande, ses manières nobles et aimables. Une mélancolie douce.qui faisoit son caractère habituel, ne 1» rendoitque plus intéressante ; mais elle savoit en sortir quelquefois par un enjouement plein de vivacité. On juge bien qu avec un tel mérite elle ne manqua pas d’adorateurs. Plusieurs personnes du premier rang lui adressèrent leurs hommages. Le prince de Condé fut lui-même de ce nombre. Il vint déposer ses lauriers aux pieds de Mme Deshoulières ; mais ce héros, que tant de victoires avoient illustré, ne put obtenir un triomphe si flatteur. Fidèle à ses devoirs, elle ne répondit aux sentiments qu’on lui témoignoit que par ceux du respect et de l’admiration, et ne fut jalouse que de l’estime d’un tel amant... »

Nous voudrions le croire. Malheureusement nous avons sous les yeux et nous allons transcrire une lettre adressée par Mme Deshoulières à Condé, le 22 décembre 1656, à la veille de son départ pour l’armée, où elle était censée aller rejoindre son mari. Voici cette lettre, qu’on trouve au tome VI des Mélanges publiés par la Société des bibliophiles : « Ma petite vérole m’a fait différer mon voyage ; mais, malgré mon mal et les menaces des médecins, je ne laisserai pas de partir dans six jours. On m’assure qu’il y aura du danger pour ma vie ; mais elle m’est si peu considérable quand il s’agit de vos intérêts, que je la hasarderai avec toute la joie dont est capable une personne qui a pour vous une tendresse infinie. C’est une vérité dont je sais que vous doutez ; mais, quelque difficile que vous soyez à persuader, je m engage à vous faire dédire et à faire, pour peu que vous en ayez de reconnaissance pour mon amitié, que vous en aurez autant que moi. J’espère, l’hiver qui vient, vous dire des douceurs plus à mon aise. Si vous voulez que cela soit, il faut être secret et vous garder de faire connoitre à M. M. (mon mari ?) que je vous ai jamais parlé ni écrit àCharleville ; car, s’il en savoit quelque chose, cela nous mettroit en mauvaise intelligence et feroit cesser celle que vous savez. Il faut encore que vous empêchiez une chose, qui est que cent contes que Quelques méchants railleurs de votre cour ont de moi ne soient sus par la personne qui y a intérêt, car cela feroit le même effet que le reste. Vous pouvez y mettre ordre, et nos intérêts sont si fort mêlés qu’on ne peut me faire une affaire sans détruire celle qui vous donne tant d’impatience et qui se terminera , bientôt. Pour celle de Paris, continuez à faire arrêter les lettres de Mons. J’en ai reçu qui m’assurent des choses si effroyables que jo ne veux pas vous en rien mander que je n’en aie des preuves tout à fait assurées ; car ce sont des choses qu’il ne faut pas dire à demi, quand elles sont d’une personne importante. Quand j’aurai l’esprit plus libre, je vous ferai des reproches des conseils que vous donnâtes ici au maréchal de La Ferté sur mon sujet. Le pauvre homme n’y a pas trouvé son compte, et il m’avoua toute votre confidence sur cela : c’est être bien malicieux et, si j’avois loisir de vous quereller, je le ferois avec la plus grande joie du monde. Cela ne m’empêchera pas de vous conjurer d’avoir de l’amitié pour une personne de qui vous êtes chèrement aimé. Brûlez ma lettre : il est important pour moi. »

Quoi qu’il en soit, le motif invoqué par Mme Deshoulières, en venant à Bruxelles, était dje solliciter le payement des appointements de son mari. Toutes ses tentatives à cet égard furent cependant inutiles. Elle les réitéra si souvent que la cour d’Espagne, s’en trouvant importunée, la fit arrêter et conduire au château de Vilvorden.

I ! est assez difficile d’admettre qu’une réclamation dp ce genre, si importune qu’elle parût, ait pu motiver cette arrestation. L’arbitraire lui-même ne procède pas sans l’apparence d’un prétexte suffisant. Nous devons croire que Mm< ! Deshoulières s’offensa des entreprises amoureuses des grands seigneurs de la cour de Bruxelles. Peut-être s’en vengeât-elle par des paroles imprudemment blessantes ou des plaintes publiques. Ceci expliquerait plus naturellement cette incarcération.

C’était en 1657, et tout ceci se passait pendant l’absence de M. Deshoulières. » Sitôt qu’il fut instruit de cette injustice, il ir-it tout en mouvement pour délivrer sa femme. Ses efforts ne réussissant point par les voies communes ; il eut recours à un moyen extraordinaire, digne de sa tendresse pour elle et de son courage. Suivi de quelques soldats affidés, il se rendit secrètement à la forteresse de Vilvorden, trouva le secret de s’y introduire, en retira son épouse et revint en France avec elle ; la guerre était alors terminée et l’amnistie prononcée. »

Cet emprisonnement pour une cause bien futile n’avait pas duré moins de huit mois. Notre captive employa ce temps à lire, à méditer la Bible et les Pères de l’Église. Elle était pieuse, mais ne connaissait point ce qu’on nomme la dévotion. Passionnée pour le roman, Mme Deshoulières eut dans sa destinée quelques aventures passablement romanesques.

Même dans sa vie littéraire, elle commit bien des légèretés, bien des fautes. Une, la