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de feu, dont il a orné la coupole de l’église des Carmes déchaussés de la rue de Vaugirard, à Paris. Il exécuta cette grande composition, la première de cette importance qui eût encore été entreprise à Paris, dans la manière facile, abondante et pittoresque de Pierre de Cortone, son maître. Si le dessin n’a pas toujours la correction désirable, si la gravité et je sentiment religieux manquent à l’ensemble, il faut rendre à Damery cette justice que, chargé de décorer une coupole faiblement éclairée, il a su, par un système de coloration claire et lumineuse, vaincre habilement une difficulté qui pouvait sembler insurmontable. Cette grande machine marqua les débuts de notre artiste ; elle lui valut, a son retour à Liège, des travaux nombreux et importants. Chargé de peindre la coupole de l’église des Dominicains, qui venait d’être construite, il s’y montra, comme dans la coupole des Carmes, décorateur habile et pompeux, à l’esprit plein d’inventions ingénieuses. Cette vaste composition ayant été détruite en 1793 avec l’église qu’elle ornait, on ne connaît plus du maître, en dehors de la coupole des Carmes, qu’une œuvre unique : la Vierge des Vertus, conservée dans l’église Sainte-Foi, à Liège. Cette peinture, d’un aspect agréable et conçue également dans le style qu’on a appelé cortonesque, nous montre un peintre plus préoccupé du charme que de la force, moins attentif à la composition qu’au coloris, et démentant ainsi le Flamand Van Mander, qui conteste à la race wallonne tout entière le goût et le sentiment de la couleur.

DAMESME (Léonard-Adolphe-Marie-Déodat), général de brigade, né à Fontainebleau on 1807, mort le 29 juillet 1848, des suites d’une blessure reçue pendant les journées de Juin. Il sortit de l’école de Saint-Cyr en 1827, pour entrer dans le régiment de Hohenlohe, fit la campagne de Belgique (1832), passa dans l’armée d’Afrique, où il se distingua par sa bravoure, devint colonel du 11° léger en 1847, général de brigade et commandant de la garde mobile le 9 juin 1848. En enlevant une barricade, dans la terrible journée du 24, rue de l’Estrapade, près du Panthéon, il reçut une blessure qui lui fracassa la jambe. Transporté au Val-de-Gràce, il succomba a l’amputation. Une statue de bronze lui a été élevée sur une place de sa ville natale.

DAMETTE s. f. (da-mè-te — rad. dame). Fam. Petite dame, faible et délicate : C’est une damette.

— Ornith. Nom vulgaire de la bergeronnette a collier et de la mésange à longue queue.

DAMGHAN, autrefois Hecatompylos, ville de Perse, dans la prov. de Tabaristan, ch.-l. du district de son nom, à 237 kilom. E. de Téhéran, à 79 kilom. S.-O. d’Asterabad. Cette ville, autrefois florissante, est aujourd’hui bien déchue ; elle est célèbre par une victoire de Nadir-Schah sur les Afghans.

DAMHOUDER (Josse de), jurisconsulte flamand, né à Bru-ges en 1507, mort à Anvers en 1581. Reçu docteur à l’université d’Orléans, il se fixa dans sa ville natale, où il fut nommé syndic, puis conseiller et commis des finances de Charles-Quint. Sous Philippe II, il fut élevé, dans son pays, aux. premières charges de la magistrature. On a de lui un assez grand nombre d’ouvrages, dont les principaux sont : Subhaslationum compendiosa exegesis, etc. (Gand, 1546, in-4o), où l’on trouve d’intéressants documents sur l’histoire commerciale de la Flandre ; la Practigue et enchiridion des causes criminelles (Louvain, 1555, in-4 » ), qui a eu plusieurs éditions et a été traduite en flamand, en allemand et en latin ; Pratique judiciaire et causes civiles (Anvers, 1572, infol.), etc. Les œuvres complètes de Damhouder ont été publiées à Anvers (1G46, 2 vol. in-fol.).

DAMIA, divinité grecque et romaine, dont le culte a été souvent confondu avec celui de Cérès et de Proserpine, et qu’il est, en effet, assez difficile de bien distinguer de ces deux déesses. Il est pourtant nécessaire de montrer avec soin les différences établies à ce sujet par les anciens eux-mêmes. D’où vient d’abord ce nom de Damia ? Les étymologies les plus diverses ont été proposées. Les uns ont dit que Damia voulait dire déesse du peuple (de démos, peuple), c’est-à-dire celle qui nourrit le peuple, Ôèmêter. Mais ce n’est pas Demia que s’appelle la déesse, c’est Damia ; on ne peut donc accepter cette première étyinologjie. M. Welcker fait venir Damia de damaô, je dompte, et rapproche Cérès Damia de Neptune Damaios. Il faut repousser toutes ces explications forcées, et dire avec M. Alfred Maury que Damia vient de dâ ma, c’est-à-dire la terre mère, la terre nourricière. Damia serait alors un surnom de Cérès.

En tout cas, voici, d’après les témoignages les plus anciens, les cérémonies particulières que l’on célébrait en l’honneur de Damia. Une des fêtés principales de son culte portait le nom de Lithobohe, c’est-à-dire lapidation. Une légende, relativement moderne, explique l’origine de cette fête. Pausanias nous raconte que deux jeunes filles Cretoises, du nom de Damia et d’Auxesia, seraient venues à Trézène, en Argolide, pendant une émeute, et auraient été lapidées avec beaucoup d’autres. On leur aurait élevé des statues, et on les aurait divinisées ensuite pour rendre hommage à leur innocence et à leur malheur.


Touchante légende, qui se sera sans doute facilement accréditée en Grèce à cause de son caractère poétique. Mais il est très-probable que l’origine du culte de Damia et d’Auxesia, et en particulier la cérémonie de la lapidation, avaient une tout autre origine. Damia et Auxesia étaient, selon nous, Cérès et Proserpine. Une légende rapportée par Hérodote nous confirme dans cette opinion. À l’époque d’une grande disette, un oracle de la Pythie ordonna aux Epidauriens d’élever des statues à Damia et à Auxesia, c’est-à-dire aux déesses qui font germer et grandir les biens de la terre. Leurs statues devaient être faites de bois d’olivier, et d’olivier d’Athènes. Peu après, les Eginètes s’emparèrent de ces statues. Dans les deux villes furent institués, en l’honneur de Damia et de sa compagne, des chœurs de femmes placés sous la conduite de dix choréges, et qui harcelaient, dans des chansons moqueuses, les femmes du pays. Les Grecs goûtaient fort ce genre de plaisir, qui consiste à proférer des injures les uns contre les autres. On se rappelle les procèssions des Bacchanales et des Eleusinies. Les fêtes de Damia étaient remarquables en ce que c’étaient des femmes qui se livraient entre elles à ces railleries parfois très-vives et très-mordantes. Il y avait aussi, dans le culte de Damia, des mystères qui se célébraient à huis clos, et auxquels les femmes seules pouvaient se faire initier. On rapprochera tout naturellement de ces cérémonies bouffonnes les fêtes égyptiennes en l’honneur de Bubastis, où les femmes jouaient encore un grand rôle, et pas toujours un rôle bien honnête.

Damia était aussi une divinité romaine qu’on invoquait dans les famines et les disettes. La prêtresse de Damia s’appelait Damiatrix, et te sacrifice que l’on faisait à cette déesse portait le nom de damium.

DAMIADE s. f. (da-mi-a-de — de Damia, nom mythol.). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, voisin des phalènes, et comprenant trois espèces, toutes exotiques.

DAMIANI (Felice), peintre italien, ne à Gubbio vers 1550, mort vers 1610, connu aussi sous le nom de Felice da Gubbio. Il étudia successivement son art dans sa ville natale et à Venise, et peignit dans un genre qui rappelle à la fois l’école romaine et l’école vénitienne. Damiani se rattache à la première par ses bonnes qualités de dessin et d’expression, et à la seconde par l’éclat du coloris et la richesse des ornements architecturaux. Parmi ses tableaux, dont plusieurs sont peints d’une façon trop négligée et trop hâtive, on cite surtout’ : la Décollation de saint Paul (1584), à Castelnuovo di Ricandi, et le Baptême de saint Augustin (1594), à Gubbio.

DAMIANI DE TUHEGLI (Jean), théologien hongrois, né à Tuhegli en 1710, mort vers 1780. Il entra dans la carrière ecclésiastique en 1735, et, après avoir habité Rome quelque temps, il fut nommé chanoine de Presbourg, sur la recommandation de Clément XII. Nous citerons parmi ses ouvrages : Doctrina veræ Christi Ecclesiæ (1762), et Justa religionis coactio (1765). — Son frère, Guillaume-Frédéric Damiani, né en 1714, mort en 1760, fit comme lui ses études à Fermo, et fut nommé par Clément XII primat de Hongrie. Son principal ouvrage est : Synopsis vitæ, missionis, miraculorum et evangeliorum Martini Lutheri et Joannis Calvini (Ofen, 1761).


DAMIANICS ou DAMJANICS (Janos), général hongrois, né à Stasa, dans le district militaire de la frontière d’Autriche, en 1804, exécuté à Arad le 26 octobre 1849. Il servit d’abord dans un régiment autrichien, et il était capitaine lorsquel’insurrection hongroise de 1848 éclata. Nommé par le gouvernement révolutionnaire commandant du 3e et du 9e bataillon de la garde mobile et envoyé dans la Hongrie méridionale, sa taille gigantesque, sa force athlétique, son indomptable courage et son inflexibilité révolutionnaire le rendirent bientôt populaire. Il gagna sur les troupes autrichiennes les batailles de Lagerndorf (9 novembre 1848), d’Albunar (17 décembre), et celle de Szolnok (5 mars 1849), qui fut décisive. Il prit part ensuite à la campagne du printemps, sous les ordres de Georgey, et c’est à lui qu’est dû l’honneur des victoires successivement remportées par les Hongrois à Izsaszeg (6 avril), à Waitzen (10 avril), à Nagy-Sarlo (19 avril) et devant Comorn (26 avril). Une blessure accidentelle qu’il se fit à une jambe l’empêcha d’accepter le poste de ministre de la guerre, qui lui fut offert, et même de reprendre le service actif. Nommé commandant de la forteresse d’Arad, il se rendit (17 août 1849) aux Russes, qui s’empressèrent de le livrer aux Autrichiens. Il fut pendu après avoir assisté au supplice de 12 officiers, ses compagnons d’armes.

DAMIANISTE s. f. (da-mi-a-ni-ste — du nom de saint Damien). Hist. relig. Nom sous lequel on désignait, dans l’origine, les clarisses, parce que sainte Claire vivait dans le monastère de Saint-Damien. il On a dit aussi damiane.

— s. m. Membre d’une secte chrétienne fondée par Damien, évêque d’Alexandrie.

— Encycl. Lès damianistes constituaient une branche des acéphales sévériens. Comme le concile de. Chalcédoine (45i) avait également condamné les nestoriens, qui supposaient deux personnes en Jésus-Christ, et les eutychiens, qui ne lui reconnaissaient qu’une seule nature, un grand nombre de sectaires rejetèrent ce concile, les uns par attachement au sentiment de Nestorius, les autres par prévention pour celui d’Eutychès. La plupart de ceux qui ne saisissaient pas bien la distinction orthodoxe entre les mots nature, personne, substance, se persuadèrent qu’on ne pouvait pas condamner l’une de ces hérésies sans tomber dans l’autre. Quoique catholiques dans le fond, ils ne savaient s’ils devaient admettre ou rejeter le concile de Chalcédoine. D’autres firent semblant de s’y soumettre, mais en donnant dans une autre erreur : ils nièrent, comme Sabellius, toute distinction entre les trois personnes divines, regardant les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit comme de simples dénominations d’une même personne. Comme ils n’eurent point d’abord de chef à leur tête, ils furent appelés acéphales. Sévère, évêque d’Aotioche, finit par se mettre à la tête de ce parti, qui se divisa de nouveau. Les uns suivirent un évêque d’Alexandrie nommé Damianus, et furent nommés damianistes ; les autres furent appelés sévériens pètrites, parce qu’ils s’étaient attachés à Pierre Mongus, usurpateur du siège d’Alexandrie. Tous ces sectaires étaient plutôt conduits par la fureur de disputer’que par un véritable zèle pour la pureté de la foi.

DAMIANO (François), dominicain du xvie siècle, qui s’est rendu célèbre par les belles peintures en marqueterie qu’il exécuta dans le chœur des Dominicains de Bologne. Charles-Quint, frappé de la beauté de ce chef-d’œuvre de goût et de patience, et doutant que cette étonnante peinture ne se composât que de pièces de bois rapportées, en souleva un fragment avec la pointe de son poignard. Le trou est resté pour attester la vérité du procédé.

DAMIANO-D’ASTI (SAN-), ville du royaume d’Italie, province et à 12 kilom. O. d’Asti, ch.-î. de mandement ; 7, 739 hab. Récolte de soie. En 1553, le maréchal de Brissac s’y défendit pendant trois mois.

DAMIATRIX s. f. (da-mi-a-triks — rad. Damia, nom mythol.}. Mythol. Prêtresse de la déesse Damia, qui offrait chez les Romains le sacrifice nommé damium.

DAMICÈRE s. m. (da-mi-sè-re — de dat.de, et du gr. keras, corne, antenne). Entom. Syn. de tessérocère

DAMICORNE adj. (da-mi-kor-ne — du lat. dama, daim, et de corne). Zool. Qui ressemble aux cornes du daim ; Antennes damicornes.||l Qui a des cornes ou des antennes semblables à des cornes de daim : Le taon damicorne.

DAMIE s. f. (da-ml — du lat. Damia, nom mythol.). Entom. Genre d’insectes coléoptères tétramères, voisin des clythres, et comprenant une seule espèce, qui vit au Cap de Bonne-Espérance.

DAMIEL, ville d’Espagne, province et à 30 kilom. E. de Ciudad-Real, près d’un petit affluent de la Guadiana, chef-lieu de juridiction civile ; 2, 500 hab. Commerce de céréales, vins, huiles et bestiaux. Église paroissiale du xve siècle.

DAMIEN (saint). V. Cosme et Damien (saints).

DAMIEN (Pierre), théologien et moraliste italien, né à Ravenne vers 988, mort à Faenza le 22 février 1072, Il était d’une condition obscure. Sa mère l’abandonna au sortir de l’enfance, et il devint bientôt orphelin. Cependant un de ses frères eut pitié de sa détresse et l’employa à garder les pourceaux. Bientôt un autre de ses frères, archidiacre de Ravenne, le prit sous sa protection et l’envoya faire ses études à Faenza d’abord, et ensuite à Parme. Par reconnaissance, Pierre ajouta à son nom celui de son bienfaiteur. Ses progrès furent rapides, et, en peu de temps, il devint capable d’enseigner lui-même. Ayant ouvert une école, sa réputation s’étendit d’autant plus que, dans ces temps barbares, les bons professeurs étaient extrêmement rares. Les auditeurs accoururent en foule autour de sa chaire, et ses cours lui fournirent des revenus considérables. Mais la rude expérience qu’il avait faite de la vie avait imprimé à ses sentiments un cachet de tristesse qu’il entretenait par une pratique austère de toutes les vertus préconisées par l’ascétisme chrétien. Il se nourrissait grossièrement, passait les jours et les nuits en prières, et portait un rude cilice. Malgré son goût pour l’enseignement et ses succès prodigieux, il résolut de quitter tout à fait le monde, et alla s’enfermer, jeune encore, au pied de l’Apennin, dans l’ermitage de Font-Avellana, en Ombrie. Gui, abbé de Pomposie, le pria de faire l’instruction de ses disciples. Après deux ans passés dans ce monastère, u fut élu abbé de Font-Avellana en 1041. Il fonda plusieurs ermitages, et compta parmi ses disciples saint Rhou et saint Jean de Lodi, qui furent évêques de Gubbio ; saint Dominique, surnommé l’Encuirassé. En 1057, Étienne IX le créa cardinal-évêque d’Ostie, pour le récompenser des services qu’il avait rendus aux papes Grégoire VI, Clément II, Léon IX et Victor II. Mais il ne voulut point tout d’abord accepter cette dignité ; Étienne IX l’y força en le menaçant des foudres de


l’Église. Peu ambitieux des honneurs, il ne supportait pas facilement cette soif des dignités chez les ecclésiastiques de son temps. Jean, évêque de Velletri, ayant été élu pape contre les règles canoniques, Pierre Damien le dénonça comme simoniaque et fit nommer à sa place Nicolas II. Il y avait alors de grands abus dans le clergé. Pierre Damien entreprit une campagne énergique contre ses désordres et ses vices ; il composa même un livre intitulé Gomorrhæus, où il décrit énergiquement ces vices et ces désordres. L’auteur du Mystère d’iniquité, Du Plessy-Mornay, en parle de cette façon : « La sodomie, par ces lois de célibat, prend un tel pied dans le clergé romain, que Pierre Damien, lors retiré en son ermitage, est contraint d’en faire un livre intitulé Gomorræus, où il en déchiffre toutes les espèces, et le dédie à Léon IX, l’adjurant d’y mettre ordre. » Baronius convient du même fait : « Les ronces et les orties avaient rempli le champ du père de famille ; toute chair avait corrompu sa voie, et il n’était pas seulement besoin d’un déluge pour laver, mais d’un feu du ciel pour foudroyer comme à Gomorrhe. » Le pape Alexandre II supprima le Gomorrhæus. Envoyé à Milan en qualité de légat, Pierre Damien y vit ses jours menacés ; les prêtres simoniaques, qu’il avait démasqués, formèrent une conspiration contre lui et contre Anselme, évêque de Lucques, son coopérateur. En 1062 ; Damien s’éleva contre les prétentions de l’antipape Cadalous, qui était soutenu par l’empereur. Pierre Damien l’amena à se désister en faveur d’Alexandre II.

Cependant le goût de la solitude le poursuivait toujours, et ce n’était pas sans une profonde tristesse qu’il se voyait au milieu d’un monde corrompu et d’un honteux clergé. Il obtint enfin de se démettre de sa dignité, et s’enfonça de nouveau dans son désert de Font-Avèllana. Mais l’Église avait besoin de ses lumières et de ses vertus, et, en 1063, Alexandre II l’envoya en France, où la simonie était à son comble. Pierre Damien parcourut ce pays en apôtre ; les évêques de Chartres et d’Orléans ayant été convaincus de simonie, il les destitua. Il se rendit dans le même but en Allemagne, au moment où l’empereur Henri IV demandait son divorce avec Berthe, fille d’Adélaïde, marquise de Suze. Malgré sa répugnance pour cette femme, Henri IV céda aux prières de Damien et garda Berthe. Rentré dans sa solitude, Damien fut encore obligé d’en sortir en 1071. L’archevêque de Ravenne venant d’être excommunié pour ses crimes, Damien fut chargé d’aller rétablir l’ordre dans la ville épiscopale. Ce voyage et ses incessantes macérations l’avaient épuisé ; il mourut à Faenza. « Ses austérités, dit Baillet, le suivaient partout. Il ne quittait nulle part les cilices, les chaînes de fer, les disciplines ; il priait, jeûnait, veillait dans les villes et dans ses voyages comme dans son ermitage. » Une natte étendue par terre lui servait de lit. Pendant les trois premiers jours de l’avent et du carême il ne prenait aucune nourriture, et le reste du temps il ne mangeait que des racines et des herbes crues trempées dans l’eau.

Il a laissé de nombreux écrits. Pour se délasser de l’étude et des travaux de l’esprit, il faisait des cuillers de bois. Il avait cependant presque toute l’administration de l’Église universelle, car il était le principal organe des souverains pontifes, et, quand ils devaient écrire aux princes sur les affaires de la religion, ils remettaient ce soin à Damien, leur conseiller et leur guide. « Il condamne hautement, dit Bayle, la licence que les papes se donnaient de s’opposer par les armes temporelles aux entreprises des empereurs. Il soutient que les charges d’empereur et de pape sont distinctes, et que les empereurs ne doivent point toucher à ce qui est de l’office des papes, ni les papes non plus à ce qui est de la charge des empereurs, comme manier les armes, faire la guerre. » — « Tout ainsi, dit Damien, que le Fils de Dieu a surmonté tous les obstacles de la force du monde, non par la sévérité de la vengeance, mais par la vive majesté d’une patience invincible, ainsi nous a-t-il appris à supporter plutôt constamment la rage du monde que de prendre les armes pour outrager ceux qui nous offensent, vu principalement qu’entre la royauté et le sacerdoce il y a telle distinction d’offenses, que c’est au roi d’user des armes du siècle, au sacrificateur de ceindre le glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu. Lisons-nous que saint Grégoire ait jamais fait ou écrit cela, lui qui a souffert tant d’outrages des Lombards ? Et saint Ambroise a-t-il pris les armes contre les ariens, qui le traversaient et qui tourmentaient cruellement son Église ? Voyons-nous qu’aucun des saints pontifes ait jamais manié les armes ? Que les causes ecclésiastiques soient donc décidées par les lois de la justice ou par les arrêts d’un concile d’évêques, de peur que ce qui se doit faire en un tribunal de juges, ou en une assemblée de prélats, ne s’achève à notre opprobre par le conflit des armes. » — « Que peut-on voir de plus raisonnable ? ajoute Bayle, et néanmoins Baronius ne craint point de dire que ce dogme de Pierre Damien est une erreur, et même le rejeton d’une doctrine de Julien l’Apostat. Nous ne pouvons donc, dit Baronius, ni ne devons l’excuser d’être tombé dans une erreur que l’Église a condamnée. Après Tertullien, Julien l’Apostat est reconnu pour l’auteur