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suffire à toutes leurs exigences. On lui demandait souvent des maîtres qu’il ne possédait pas. De là l’idée bien naturelle de graver lui-même ces tableaux tant recherchés. Il essaya et réussit ; aussi acquit-il rapidement une véritable notoriété. Citons parmi ses meilleures planches, d’abord le grand in-folio de la. Bibliothèque, qui renferme quatre portraits équestres d’après des bas-reliefs et des médailles antiques : Cyrus, Alexandre, Ninus et César. Un peu de roideur dans la silhouette, un modelé trop dur et un métier relativement inhabile sont les caractères saillants de ces

fravures. Le Gustave-Adolphe, le Corneille e Witt, la Famille du Satyre, d’après Holstein, que l’on voit encore dans le commerce, offrent les mêmes particularités. Les Vues hollandaises, d’après les paysagistes contemporains ; les Sept planètes et les Sept merveilles au monde, formant ensemble un volumineux in-4o (estampes de la Bibliothèque), n’ont point le même intérêt. Les paysages semblent avoir été faits, non d’après les peintures originales, mais d’après des gravures antérieures. L’auteur n’avait cherché évidemment dans ce travail trop rapide qu’une- spéculation. On dernier in-folio très-intéressant, où l’on rencontre les animaux et les oiseaux dont on peuplait le paradis de cette époque, nous montre, a côté de la charge de certaines bêtes, des études d’une grande finesse d’observation et très-bien exécutées. Tels sont à peu près les morceaux qui resteront de Corneille Danckerts. On n’y sent pas le tempérament d’un graveur, d’un artiste, mais on y trouve de 1 intelligence et du goût.

DANCKERTS (Pierre), dit aussi Danciiem le Jeune, graveur hollandais, fils du précédent, né à Anvers en 1600, mort, dans la même ville en 16S0. Doué d’instincts très-artistiques, il fit, sous la direction de son père, son premier maître, des progrès très-rapides, et il avait déjà acquis tout ce que peut donner la connaissance matérielle du métier quand il quitta son pays pour aller étudier en Italie et en Allemagne les chefs-d’œuvre de Marc-Antoine, d’Albert Durer et des autres maîtres de la Renaissance. Il fit de nombreux dessins d’après leurs planches admirables, et, en outre, copia soigneusement les plus beaux morceaux parmi les merveilles du Titien, de Michel-Ange et de Léonard de "Vinci. La plupart de ces copies se voient encore à Vienne, à Dresde et surtout à Berlin ; elles sont superbes. Néanmoins les gravures qu’il a exécutées d’après ces dessins sont les plus faibles de son œuvre. Il n’est vraiment graveur hors ligne que dans l’interprétation des maîtres de son pays, des paysagistes notamment, et surtout de Berghem, dont il a magnifiquement compris et rendu la vigueur, la hardiesse, l’austère et naïve poésie. Notre observation ne doit pas être prise absolument à la lettre ; car !e Portrait de Charles II d’Angleterre d’après Van Dyck et le Départ de Charles II

Îwur l’Angleterre, vaste gravure d’une habieté inouïe, sans appartenir au genre que nous avons signalé, n’en sont pas moins des compositions extrêmement remarquables. Le fameux Manègé de Wouverman est aussi interprété avec une rare puissance de compréhension. On ne fait pas mieux les chevaux aujourd’hui, et Wouverman n’a peut-être jamais été mieux gravé. Les douze eauxfortes du Livre des petits enfants, d’après Holstein, sont charmantes aussi ; elles témoignent d’une finesse exquise, d’un sentiment, d’une naïveté, qui sont une véritable révélation dans un artiste si savant. Nous voici arrivé à l’album énorme d’eaux-fortea renfermant l’œuvre de Berghem presque tout entier. Pour citer les meilleures, il faudrait les citer, les décrire toutes. Nous devons pourtant nous borner à signaler, comme un prodige de finesse et d’harmonie dans les valeurs, la Chasse au pinson, la Chasse au lièvre, le Pâturage, YAbreuvoir, créations splendides du grand paysagiste, dont Pierre Danckerts nous a garde toute la saveur. Le métier, dans ces planches harmonieuses, est souple, vigoureux et hardi, sans aucun parti pris que celui de rendre, quand même et n’importe comment, l’effet indiqué, voulu par le peintre. De là, pour arriver à. ce but, un certain fouillis à la Rembrandt, dans les noirs du premier plan ; mais un fouillis inteEigeut, et dont les vigueurs profondes ne détonnent iamais. Rayonnants de lumière et d’air, les ciels ont ces nuages grandioses, ces belles masses blanches et mollement rondes qui rappellent les ciels d’Italie- ; ils sont dans la gravure de Danckerts aussi, blonds, aussi doux, aussi brillants que dans l’original du maître. Le peintre et le graveur devaient être amis ; car on ne saurait expliquer autrement l’affinité profonde de ces deux talents sympathiques, faits pour se comprendre et se compléter.

On pourrait encore citer avec Basan bon nombre de gravures connues qui donnent une haute idée de l’auteur. Mais aucune n’est supérieure à, celles qui viennent de nous arrêter un instant. Un catalogue plus étendu nous semble donc inutile.

DANCKERTS (Henri), graveur hollandais, fils aîné de Pierre, né à Anvers en 1024, mort à Londres vers 1CS7. Le nom de son père lui valut, jeune encore, une certaine notoriété mie son seul talent ne lui eût jamais acquise. C est en raison de cette réputation

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prématurée qu’il fut appelé en Angleterre par son frère Jean, qui travaillait aux illustrations du Juvénal, traduit en anglais par Hollar. Henri Danckerts collabora donc comme dessinateur et graveur à cette publication importante, et c est à lui qu’on doit la plus grande partie des principaux sujets. On retrouve la les reproductions des camées et des bas-reliefs antiques que l’on connaissait alors. Mais ces reproductions sont faites sans choix, sans goût, sans à-propos, ou copiées très-faiblement. Nous avons pu nous en convaincre pleinement dans l’exemplaire de la bibliothèque de la rue Richelieu. L’examen de ces il-lustrations nous a révélé aussi la manière de Henri et nous a fait découvrir, dans les gravures mêlées des trois derniers Danckerts, celles qui lui appartiennent. Ainsi le Portrait de Schrevelius, . avec la date 1658 ; les Cinq musiciens (1661) ; l’immense Vue d’Amsterdam (1653) ; lePortrait de Charles'II, d’après Hannemann (1665), appartiennent incontestablement à l’artiste dont nous nous occupons, et Nagler a raison de dire que ces quatre gravures sont les seules que l’on puisse citer de lui en toute certitude. Basan lui attribue à tort en effet le grand Portrait de Charles d’Angleterre que nous avons restitué à Pierre Danckerts, son véritable auteur. (Voir la notice précédente.)

En 1667, désespérant sans doute de conquérir par son burin la glorieuse fortune de son père, il entreprit un grand travail publié par livraisons et qui a pour titre : Antiqua monumenta in insula Walekeren. Au point de vue archéologique, cette publication ne manque pas d’intérêt ; mais, comme art, elle ne s élève point au-dessus d’une honnête médiocrité. La fin de la vie de Henri Danckerts fut entièrement absorbée par cet ouvrage.

DANCKERTS (Jean), graveur et dessinateur hollandais, second fils de Pierre et frère de Henri, né à Anvers vers 1627, mort à Londres vers 1692, Plus que son frère encore, il doit au nom de son père la petite place qu’il occupe dans l’histoire de la gravure. Mais c’est comme dessinateur, surtout comme dessinateur ornemaniste, qu’il doit être étudié. Les frontispices, les vignettes, les bordures qu’il a dessinés et gravés pour la traduction anglaise de Juvénal, entreprise par Hollar, forment son plus important travail en ce genre, et celui qui donne, par conséquent, la mesure complète de son talent. Au premier aspect, les encadrements, faits de branches enlacées, dans le style des vieux manuscrits, ont un certain charme qui s’évanouit devant un examen plus attentif. L’artiste, en effet, connaissait bien les missels, les livres d’heures ; il avait copié sans doute les arabesques charmantes qui courent, pailletées d’or, sur leurs marges jaunies, et il les avait simplement transportées dans ses dessins, en modifiant un peu la disposition d’ensemble, en donnant à 1 une les détails de l’autre, comme pour dérouter l’observation. Mais les remplissages forcés à l’aide desquels il fallait lier ces morceaux disparates sont si différents d’allure, si inférieurs d’invention, qu’ils trahissent le plagiat dans les morceaux les mieux réussis.

Nagler se trompe en disant que Jean Danckerts « a beaucoup gravé d’après le Titien. » C’est inexact à tous les points de vue : d’abord parce que, à notre avis, Jean Danckerts était parfaitement incapable de comprendre et de rendre le Titien ; ensuite parce qu’il n’a jamais vu l’Italie, où étaient encore de son temps presque toutes les toiles du Titien. C’est Pierre Danckerts, ainsi que nous l’avons -lit dans la notice consacrée a ce maître, qui est allé en Italie et qui a copié les œuvres du grand peintre ; et nous avons même ajouté que les gravures qu’il a publiées d’après les maîtres de la Renaissance ne sont pas ses meilleures. Basan et Nagler citent encore de Jean Danckerts un Embarquement de marchandises, que nous «’avons pu retrouver.

DANCKERTS (Juste), graveur hollandais, probablement parent des précédents, né à Amsterdam vers 1630, mort dans la même ville de 1690 à 1695. Basan ne le nomme pas, et Nagler lui consacre a peine quelques lignes. Néanmoins les rares gravures qu’il a laissées dénotent un mérite véritable et ont dû valoir à leur auteur une certaine notoriété. Le Guillaume III d’Orange, en effet, est un portrait de fière allure et d’un burin savant. Il porte la date de 1658. Casimir, roi de Pologne, est de 1659, et Venus et Cupidon surpris par un satyre, de 1660. Ces gravures ne seraient-elles point, par hasard, de Pierre Danckerts ? La dernière surtout est certainement la copie d’un maître italien. On ne peut que conjecturer dans cette circonstance, car il n’est pas impossible que Juste Danckerts soit allé aussi en Italie. On peut affirmer, en tout cas, que, s’il a gravé des morceaux de cette importance, il a droit à une place honorable parmi les artistes de son époque. On doit même regretter que le reste de son œuvre ne soit pas venu jusqu’à nous, et qu’en récompense d’un talent véritable il n’ait recueilli que l’indifférence, même l’oubli de ses contemporains.

DANCKS (François), peintre hollandais, né à Amsterdam en 1650, mort vers 1700, désigné quelquefois sous le surnom de la Tortue. On croit, sans preuves certaines, qu’il lit le voyage d’Italie, et on a fort peu de

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détails sur la vie de ce peintre. Dancks peignit avec succès de petits tableaux d’histoire et des portraits, parmi lesquels on cite surtout celui de Van Kat Questiers. Dancks était, en outre, un habile modeleur en terre et en cire, DANCLA (Jean-Charles), violoniste distingué et professeur au Conservatoire de Paris, né à Bagnères-de-Bigorre en 1817. Il était doué de telles dispositions pour la musique, qu’il put, dès l’âge de dix ans, jouer le septième concerto de Rode en présence de ce grand artiste, qui le fit aussitôt admettre au Conservatoire 3e Paris, dans la classe de M. Guérin, professeur adjoint. M. Dancla passa plus tard sous la direction de Baillot, remporta le premier prix de violon à l’âge de quinze ans, puis suivit le cours de contrepoint et de fugue d’Halévy, et étudia la composition avec M. Berton. En 1837, il obtint le second grand prix de composition au concours de l’Institut. Dès ce moment, M. Dancla se consacra exclusivement à l’étude du violon et à la composition pour cet instrument. Enfin sa réputation, solidement établie, lui fit obtenir en 1860 le titre de professeur au Conservatoire. M. Dancla, qui s’est avantageusement produit dans les concerts, a institué des séances de quatuors, avec ses frères Léopold et Armand, l’un violoniste, l’autre violoncelliste, séances que suivent avec beaucoup d’intérêt et d’assiduité les amateurs de musique de chambre. On lui doit plusieurs concertos et fantaisies pour violon, des airs variés, symphonies, trios, quatuors, duos, et des ouvrages didactiques qui lui ont mérité les suffrages et l’estime de tous les connaisseurs. — Son frère Armand Dancla, violoncelliste de mérite, né à Bagnères-de-Bigorre, fut élève de Vaslin au Conservatoire de Paris. Il s’est fait un nom surtout par l’exécution des quatuors. On lui doit la composition d’une fantaisie, d’un cahier d’études et de deux livres de duos. — Léopold "Dancla, second frère de Charles, né au même lieu, a reçu les leçons de Baillot au Conservatoire de Paris. Violoniste distingué, il s’est produit seul ou avec son frère dans divers concerts à Paris, notamment dans les concerts de la Société du Conservatoire. Il se distingue

?rincipalement dans l’exécution des quatuors.

I a publié des thèmes variés et différentes autres œuvres pour violon.

DANCOURADE s. f. (dan-kou-ra-de). Littér. Nom qu’on donnait aux petites comédies de Dan court.

DANCOORT (Florent Carton-), auteur dramatique et comédien français, né à Fontainebleau le 1er novembre 1661, mort à sa

terre de Courcelles-le-Roi, en Berry, le 6 décembre 1725. La famille de Dancourt était noble ; son père avait le titre d’écuyer ; sa mère, Louise de Londé, descendait de ce Guillaume Budê si célèbre dans les fastes de l’érudition. Le père et la mère de Dancourt avaient abjuré la Réforme pour rentrer dans le sein de l’Église catholique. Ils confièrent l’éducation de leur fils aux jésuites, qui administraient en ce temps-là presque tous les

collèges de la France. Le goût des jésuites pour l’art dramatique passait en général à leurs élèves ; ce fut de leurs collèges que sortirent successivement la plupart des hommes qui ont porté au plus haut degré la gloire de notre, théâtre, Corneille et Molière d’abord, et plus tard Dancourt, Voltaire et Gresset. Le célèbre Père de La Rue, charmé des heureuses dispositions qu’il reconnut bientôt chez le jeune Dancourt, n’épargna rien pour gagner la confiance et l’amitié de son disciple. Il conçut le projet de l’attacher à son ordre. Dancourt profita des leçons d’un maître si habile ; mais les passions ardentes qui déjà se développaient en lui l’avertirent qu’il n’était pas né pour la vie religieuse. Il sortit de chez les jésuites, étudia le droit et obtint le diplôme d’avocat. À peine avait-il fait les premiers pas dans la carrière du barreau, qu’il devint éperdument amoureux de Thérèse Lenoir de la Thorillière, fille du comédien de ce nom. Dancourt enleva la jeune personne et l’épousa peu de temps après, malgré l’opposition de sa famille. Ce mariage décida pour toujours de sa vocation. Dégoûté de toute profession sérieuse, doué d’une physionomie mobile et d’une grande vivacité de débit, Dancourt prit le parti d’entrer au théâtre. Il débuta à la Comédie-Française, lors de la rentrée de Pâques, en 16S5, dans les rôles de haut comique, avec un succès qui lui valut une réception presque immédiate. Le 8 juin de la même année, il donna sa première comédie, intitulée : le Notaire obligeant. Le Chevalier à la mode, représenté en 1687, lui assura un rang distingué parmi les auteurs comiques de l’époque. Orateur habituel de la troupe, Dancourt eut, en cette qualité, l’occasion de parler plusieurs fois à Louis XIV, qui l’accueillait toujours avec une bienveillance marquée. « On en cite deux traits, raconte M. Hippolyte Lucas, nui nous paraissent les plus naturels du monde, mais qui, dans ce temps de royauté divine et de pouvoir absolu, passaient pour des marques d’une faveur insigne. Dancourt avait coutume de lire ses ouvrages au roi, dans le cabinet même de ce haut protecteur ; et l’on raconte qu’un jour, s’y étant trouvé mal, le roi prit lui-même la peine d’aller ouvrir une fenêtre pour lui faire prendre l’air. Une autre fois, le comédien avait l’honneur de parler au roi sur les intérêts de sa troupe, au mo DANC

ment où Sa Majesté sortait de la messe ; comme il marchait à reculons, et qu’un escalier se trouvait derrière lui, le roi eut la bonté de le retenir par le bras, en lui disant : « Prenez garde, Dancourt ; vous allez tomber ! » Ces deux traits de grandeur d’âme de Louis XIV ont fait jusqu’ici l’admiration des biographes de Dancourt. • Courtisan plus ou moins volontaire, Dancourt ne manquait cependant pas de fierté. Le jésuite de La Rue lui ayant reproché un jour de s’être fait comédien, Dancourt répondit : «Ma foi, mon père, je ne vois pas que vous deviez tant blâmer l’état que j ai pris ; je suis comédien du roi, vous êtes comédien du pape : il n’y a pas tant de différence de votre état au mien. » M. Lemazurier, dans sa Galerie des acteurs du Théâtre-Français, rapporte que Dancourt, chargé presque toujours de la lecture des pièces nouvelles par les auteurs, l’était aussi de leur examen par les comédiens. Il lisait

Farfaitement ; on le vit souvent apporter à assemblée un ouvrage qu’il ne connaissait point, et le lire, sans aucune préparation, de manière à n’en rien faire perdre à ses auditeurs. Il n’eut pas le même succès dans une occasion où sa société était plus directement intéressée. Ses camarades l’avaient chargé de porter aux administrateurs de l’Hôtel-Dieu la part de recette qu’ils étaient obligés de donner aux pauvres. Il s’acquitta de cette commission, et accompagna son argent d’un beau discours, où il s’efforçait de prouver que les comédiens, par les secours qu’ils procuraient aux hôpitaux, méritaient d’être à l’abri de l’excommunication. Le président de Harlay lui répondit : » Dancourt, nous avons des oreilles pour vous entendre, des mains pour recevoir des aumônes que vous faites aux pauvres, mais nous n’o-vons point de langue pour vous répondre. »

Les honneurs et les humiliations alternent de la façon la plus bizarre dans la vie de Dancourt. Voici ce que rapporte le biographe déjà cité : » Ayant fait un voyage à Dunkerque pour y voir sa fille aînée, Mms Fontaine, qui y demeurait alors, Dancourt en prit occasion de pousser jusqu’à Bruxelles, pour y faire sa cour à l’électeur de Bavière. Ce prince le reçut fort bien, et, après l’avoir retenu assez longtemps pour qu’il eût besoin d’une prolongation de congé, il lui fit présent, à son départ, d’un diamant de 1,000 pistoles. Il ne le récompensa pas moins généreusement, lorsque, étant venu à Paris,

Dancourt composa par son ordre le divertissement qui porte, dans ses œuvres, le titre de YImpromptu de Suresnes. Dancourt ne fut pas toujours aussi heureux. Outre le chagrin qu’il dut ressentir en se voyant disputer ses meilleures pièces, outre les sarcasmes de Lefèvre, rédacteur du Mercure de France, qui ne laissait échapper aucune occasion de le critiquer, il eut, avec le marquis de Sablé, l’aventure la plus désagréable. On jouait une de ses comédies, intitulée ; l’Opéra de village. Ce seigneur y vint dans un état voisin de l’ivresse, et se plaça sur une des banquettes du théâtre. Quoique peu en état de suivre la pièce, il l’écoutait avec tranquillité, lorsque, ayant entendu chanter ces vers :■ En parterre, il bout’ra nos prés ; Choux et poireaux seront sablés,

il alla s’imaginer que Dancourt avait voulu l’insulter, se leva en fureur et lui appliqua un soufflet. » Dans une autre condition que la sienne, Dancourt, maître de sa vengeance, n’eût pas manqué de se couper la gorge avec le marquis de Sablé ; il était comédien, il aurait perdu son état, il lui fallut garder le soufflet et dévorer sa colère. ■

Dancourt demandait quelquefois sur ses pièces le sentiment de sa fille Alimi, célèbre par sa beauté, ses grâces et son esprit. Quoique jeune encore, elle joignait à un goût sûr des connaissances extraordinaires. Quand Dancourt ne réussissait pas, il allait, entraîné par les amis de sa femme, qui craignait la mauvaise humeur de son mari, chez Chéret, fameux marchand de vin, à l’enseigne de la Cornemuse, noyer son chagrin dans les pots, et l’on prétendait même que Chéret le voyait souvent. Un jour que l’on répétait une de ses pièces dont il espérait beaucoup : « Mimi, dit-il à sa fille, que penses-tu de ceci ?—Ah ! mon papa, répondit-elle, vous irez souper à la Cornemuse. «

Dancourt, habile à saisir ce que, de nos jours, on appelle l’actualité, et’ possédant une gaieté et une verve de bon aloi, a eu le tort de prodiguer les esquisses légères. Sans cette prodigalité, l’auteur du Chevalier à la mode eût enrichi notre théâtre de quelques bonnes comédies de plus. « Dancourt, dit M. Hippolyte Lucas, connaissait bien toute la distance qui existait entre lui et Molière. Il avait compris la difficulté de l’égaler ; il ne s’est |ias servi du même procédé que lui, de peur de rester au-dessous du modèle. C’est par de larges traits* empruntés à la nature que le pinceau de Molière a composé ses grands tableaux ; ne demandez à Dancourt que des portraits de fantaisie. Le premier a fait poser devant lui l’humanité entière, et le second les hommes de son siècle, en prenant un calquo fidèle et léger des caprices du jour, des ridicules du moment. Les comédiea de Dancourt, indépendamment de leur mérite, offrent une peinture de mœurs très-curieuse à observer. Si l’on veut bien connaître le siècle de Louis XIV, et savoir par quelle