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DÉLUDÉLU DÉLU DÉLU

Un déluge (angha) emportera toutesles créatures ; c’est de ce déluge que je te sauverai.

« — Comment te protégerai-je ? — Tant que nous sommes petits, nous restons en grand péril, car le poisson avala le poisson. Gardemoi d’abord dans un vase. Quand je serai trop gros, creuse un bassin pour m’y mettre. Quand j’aurai grandi encore, porte-moi

« dans l’Océan. Alors je serai préservé de la destruction. » Bientôt il devint un grand poisson. Alors il dit à Manu : • Dans l’année même où j’aurai atteint ma pleine crois « sance, le déluge surviendra. Construis alors un vaisse.au et adore-moi. Quand les eaux.

> s’élèveront, entre dans ce vaisseau, et je te sauverai. » Après l’avoir ainsi gardé. Manu porta le poisson dans l’Océan. Et dans l’année indiquée Manu construisit un vaisseau et adora le poisson, et, quand le déluge fut arrivé, il entra dans le vaisseau. Alors le poisson vint à lui en nageant, et Manu attacha le câble du vaisseau à la corne du poisson, et, par ce moyen, celui-ci le fit passer par-dessus la montagne du Nord. Le poisson dit :

■ Je t’ai sauvé. Attache le vaisseau à un

> arbre pour que l’eau ne t’entraîne pas pen ■ dant que tu es sur la montagne. À mesure

« que les eaux, baisseront tu descendras. » Manu descendit donc avec les eaux, et c’est là ce quo Ton appelle la descente de Manu sur la montagne du Nord. Le déluge (angha) avait emporté toutes les créatures, et Manu resta seul. ■

M. Pictot laisse de côté la suite, sans doute purement indienne, de la légende, où l’on voit Manu obtenir par le sacrifice une fille, Ida, qui devient naturellement la mère du nouveau genre humain.

« Cotte narration prosaïque, dit-il, d’une simplicité naïve et dénuée de tout artifice, à la fois trop diffuse et trop concise, laisse bien des incertitudes. Elle ne nous apprend rien sur la nature du poisson miraculeux ; elle ne parle ni des richis, ni des semences que Manu prend avec lui d’après les versions plus modernes. Il y a là évidemment des lacunes ; car, ainsi que le remarque Weber, puisque Manu emploie pour son sacrifice du beurre clarifié et plusieurs sortes de laitage, il faut bien supposer qu’il a gardé au moins une vache. On ne voit pas non plus comment s’opère la reproduction des animaux et des plantes. Il est a croire cependant que ces traits essentiels existaient dans la tradition primitive, dont le Brâhmana n’aura donné qu’un abrégé, parce qu’il ne la rapporte que d’une manière incidente, et on peut douter que le Mahâbhûrata l’ait empruntée a cette version imcomplète. Il est fort possible que l’épopée et les Purdnas aient tiré leurs récits de quelque ancienne tradition plus développée, et que, tout en l’accommodant au système indien plus moderne, ils en aient conservé des détails qui manquent dans le Brâhmana. »

Quoi qu’il en soit, la différence la plus importante que présente le récit du Brâhmana, c’est que le lieu de l’événement ne parait plus être 1 Inde, mais une région placée au delà des montagnes du Nord par-dessus lesquelles le déluge transporta Manu avec son vaisseau. Weber voit là un souvenir obscur de l’immi § ration des Aryas, qu’un déluge aurait chassés e leur demeure primitive et qui seraient venus du nord dans l’Inde en traversant les hautes montagnes.

La perte des Védas liée au déluge, dans le récit du Bhâgavata Pvrâna, leur recouvrement a ia suite de la catastrophe et l’enseignement que Satyavrata donne aux hommes n’en sont pas moins cependant des traits qui rapprochent plus particulièrement cette tradition indienne de celle de la Chaldée.i CesVedas, dit M. Maury, rappellent les écrits qui traitaient du commencement, du milieu et de la fin de toutes choses, et qui furent enfouis dans la ville de Sisparis. D’après la fable chaldéenne, ceux qui étaient montés avec Xisuthrus dans le navire les déterrèrent après la retraite des eaux et les communiquèrent aux humains. Ce mythe est le seul, parmi ceux qui se rattachent au déluge, que l’on retrouve chez les Égyptiens ; encore semble-t-il étranger à l’ancienne religion de ce peuple. D’après un passage de Manéthon, fort suspect du reste d’interpolation, Thoth ou Hermès Trismégiste avait lui-même, avant le cataclysme, inscrit sur des stèles, en hiéroglyphes et en langue sacrée, les principes des connaissances. Après le cataclysme, le second Thoth traduisit en langue vulgaire le contenu do ces stèles. Telle est la seule mention qui soit faite chez les Égyptiens àxidéluge, auquel, chose remarquable, ne fait allusion aneun mythe ; Manéthon n’en dit rien dans ce qui nous reste de ses dynasties. Ces circonstances rendent très-vraisemblable l’opinion qui ne voit dans ce

récit qu’un mythe étranger d’une introduction récente, et sans doute d’origine asiatique et chaldéenne : ainsi cette terre siriadique, où, d’après le passage cité, étaient placées les colonnes hiéroglyphiques, pourrait fort bien n’être que la Ohaldée. Cette tradition, quoique étrangère à la Bible, existait chez les Juifs, ce qui tend a confirmer notre supposition, ce peuple ayant du la recevoir lors de la captivité à Babylone. Josèphe nous dit que le patriarche Scth, pour ne pas laisser périr la sagesse et les découvertes astronomiques, éleva, dans la prévoyance de la double destruction par le feu et par l’eau qu’avait

? redite Adam, deux colonnes, l’une de brique,

autre de pierre, sur lesquelles furent gra DELU

vées ces connaissances, et qui subsistaient encore dans la terre de Siriad. Seth passait chez les Hébreux pour l’inventeur de 1 alphabet et des sciences ; il fut, pour cette raison, identifié avec Thoth, et les circonstances mythiques qui se rattachaient à la vie du premier furent rapportées naturellement a celle du second. Nonnus, dans le douzième livre de ses Dionysiaques a transporté dans l’histoire de Deucalion ce mythe chaldéen répandu de son temps en Occident. Il fait élever par ce personnage les stèles (Icarbeis) sur lesquelles sont consignées les connaissances humaines. »

Remarquons en passant quo les Égyptiens ne paraissent pas avoir connu la tradition du déluge. Cependant, s’il faut s’en rapporter à Platon, quelques-uns de leurs prêtres dirent à Solon qui les interrogeait sur leurs antiquités : ■ Après certaines périodes de temps, une inondation envoyée du ciel changea la face de la terre ; le genre humain a péri plusieurs fois de différentes manières ; voila pourquoi la nouvelle race des hommes manque de monuments et de connaissance des temps passés. » Ce serait a l’époque du déluge, selon ces mêmes prêtres égyptiens mis en avant par Platon, que l’Atlantide aurait été violemment séparée de l’Afrique (v. Atlantide) j mais on n’a rien trouvé sur les monuments égyptiens pour confirmer cette croyance. Quant à la tradition rapportée par Manéthon, lors même qu’elle serait authentique, elle se rattacherait très-vraisemblablement à une inondation du Nil plus forte que de coutume. Suivant les conjectures de quelques savants, cette inondation aurait été occasionnée par le tremblement de terre arrivé dans le temps où un roi du nom de Bochus régnait à Bubaste. Il y périt beaucoup de monde ; Manéthon, cité parleSyncelle, place, lui aussi, cet événement sous le règne de Bochus. Mais il est temps de revenir aux traditions aryennes, que nous étions occupés à examiner avec le savant M. Pictet.

L’ensemble de tous les documents indiqués plus haut nous autorise à conclure, avec lui, que les Aryas de l’Inde ont apporté ayee eux une tradition du déluge ayant la même source que la tradition des Hébreux et des Chaldéens. Dans le cours des siècles, cette tradition s’est sans doute modifiée graduellement pour prendre un caractère de plus en plus indien, transformation que l’on remarque également chez les divers peuples qui ont gardé quelque souvenir du déluge en le rattachant à leurs origines nationales.

. Les Grecs offrent de ce fait un second exemple très-curieux : non-seulement ils plaçaient la scène du délug « dans la Grèce même, mais ils en avaient une double tradition, dont l’une appartenait à l’Attique et à ia Béotie, et l’autre principalement à. la Thessalie. La première se rattache au nom d’Ogygès, le plus ancien roi de l’Attique, personnage tout à fait mythique et qui se perd dans la nuit des âges. De son temps, tout le pays aurait été envahi par le déluge, dont les eaux se seraient élevées jusqu’au ciel ; pour se sauver, Ogygès serait monté dans un vaisseau avec quelques compagnons. La seconde tradition, plus détaillée, est colle de Deucalion, fils de Prométhée, qui régnait à Phthia, en Thessalie, et dont la femme, Pyrrha, était fille d’Epiméthée et de Pandore, famille, comme on le voit, toute mythique. D’après Apoilodore, Jupiter prend la résolution de détruire par un déluge les hommes de l’âge d’airain. Prométhée, connaissant ce dessein, avertit son fils Deucalion et lai conseille de se construire une arche dan3 laquelle Deucalion entre avec sa femme. Jupiter fait tomber des torrents de pluie qui inondent toute la Grèce. Pendant neuf jours et neuf nuits, Deucalion flotte sur les eaux, pour aborder enfin au sommet du Parnasse, ou, suivant d’autres, à celui du mont Athos oudel’Etna ; quelques versions le fontaborder à Dodone. Echappé au cataclysme, il sacrifie (comme Noé, Xisuthrus et Manu) à Jupiter Phyxios, c’est-à-dire sauveur, et lui demande de reproduire le genre humain détruit. Jupiter ordonne à Deucalion et à Pyrrha de jeter par-dessus leur tête des pierres derrière eux. Les pierres que jette Deucalion deviennent des hommes, celles que jette Pyrrha se changent en femmes. L oracle de Thérais avait prescrit aux deux époux do jeter en arrière les os de leur mère, énigme qu’ils parvinrent à deviner : les pierres sont les os de la terre, qui est la mère des hommes. Le poète des Tristes, Ovide, a conservé cette légende dans le livre Ier <ja ses Métamorphoses :

Saxa

Missa viri munilms faciem traxera virilem, El de femineo reparala est fep’ina jactu.

Deucalion règne ensuite en Thessalie sur le genre humain renouvelé. Cette tradition grecque a ceci de remarquable qu’elle indique, comme le récit de la Genèse, le motif moral du déluge, la destruction dos hommes pervertis, dont les légendes indiennes ne disent mot. Il est probable, du reste, qu’elle était primitivement identique avec celle d’Ogygès, dont les chronologistes la séparent par un intervalle de deux siècles. Les Grecs, divisés de bonne heure en sous-races et doués d’ans imagination éminemment créatrice, ont fait varier, plus que tout autre peuple, les traditions et les mythes des premiers âges. Il est possible cependant qu’ils aient

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confondu les souvenirs de quelques déluges locaux avec la vieille tradition primitive.

M. Alfred Maury cite aussi comme preuve de la présence du mythe diluvien chez les Grecs un vase découvert aux environs de Rome en 1696. Ce vase, qui avait la forme d’un petit baril ou d’un petit coffre, renfermait vingt couples d’animaux et plus de trente-cinq figures humaines, quelques-unes isolées, d’autres en groupe, mais toutes dans la posture de gens qui cherchent à échapper à une inondation. Les femmes étaient portées sur les épaules des hommes. Peut-être ce vase servait-il aux fêtes qui avaient lieu à Athènes sous le nom d’Hydrophories, et qui, selon Apollonius, cité par Suidas, se célébraient en mémoire de ceux qui avaient péri dans le déluge. Ce n’est au reste qu’une pure supposition, puisqu’on ignore, a vrai dire, en mémoire de quel événement ces Hydrophories avaient lieu.

Après les Grecs, ce sont en Europe les Kymris qui ont conservé du déluge la tradition la plus remarquable, bien que sous la forme très-concise de ce qu’on appelle les Triades. Comme de raison, la légende est localisée et le déluge est compté au nombre des trois catastrophes de l’Ile dePrydain, les deux autres consistant en une dévastation par le feu et une sécheresse désastreuse. « Le premier de ces événements, est-il dit, fut l’éruption du Llynn-Lion, ou lac des Flots, et ! a venue sur la face de tout le pays d’une inondation par laquelle tous les hommes furent noyés, à l’exception de Dwyfan et Dwyfach, qui se sauvèrent dans un vaisseau sans agrès ; et c’est par eux que l’île de Prydain fut repeuplée. » Bien que les Triades, sous leur forme actuelle, ne datent guère que du xiii° ou du xivo siècle, quelques-unes se rattachent sûrement aux anciennes traditions, et, dans celle que nous venons de citer, rien n’indique un emprunt fait à la Genèse. M. Pictet pense qu’il n’en est peut-être pas de même d’une autre 7Viade où il est parlé du vaisseau Nefydd Naf Neifion, qui portait un couple de toutes les créatures vivantes quand le lac Llynn-Lion fit éruption, et qui ressemble un peu trop à l’arche de Noé. Le nom même du patriarche peut avoir suggéré cette triple épithète dont le sens est obscur, mais qui est évidemment formée d’après le principe de l’allitération kymrique.

Chez les peuples de la Germanie, le souvenir du déluge paraît être effacé, mais on en trouve encore une trace dans Ylidda des Scandinaves. Toutefois le récit en est devenu purement mythique et cosmogonique. Les trois fils de Borr, Othin, Wili et We, petit-fils de Buri, le premier homme, tuent Ymir, le père des Hrimthursar, ou géants de la glace, et son corps leur sert à construire le monde. Le sang s’écoule de ses blessures en telle abondance que toute la race des géants s’y noie, à’l’exception de Bergelmir, qui se sauve dans un bateau avec sa femme, et qui reproduit la race détruite. On voit que ce mythe ne se rattache à la tradition générale que par les derniers traits, lesquels suffisent cependant pour le ramener à la source commune.

Il ne paraît pas que les Slaves aient gardé aucune légende relative au grand cataclysme. Les Lithuaniens, par contre, en ont une dont le fonds est sans doute ancien, bien qu’elle ait pris le caractère naïf d’un conte populaire. Suivant cette légende, rapportée par Hanush, le dieu Pramzimas, voyant la terre pleine de désordres, envoie deux géants, Wandu et Wejas, c’est-à-dire l’eau et le vent, pour la ravager. Ceux-ci bouleversent tout dans leur fureur, et quelques hommes seulement se sauvent sur une montagne. Alors, pris de compassion, Pramzimas, qui mangeait justement des noix célestes, en laisse choir près de la montagne une coquille dans laquelle les hommes se réfugient et que les géants respectent. Echappés au désastre, ils se dispersent ensuite, et un seul couple très-âgé reste dans le pays, se désolant de n’avoir point d’enfants. Pramzimas leur envoie alors son arc-en-ciel pour les réjouir et leur prescrire de sauter sur les os de la terre, co qui rappelle singulièrement l’oracle que reçoit Deucalion. Les deux vieux époux font neuf

sauts, et il en résulte neuf couples qui deviennent les aïeux des neuf tribus lithuaniennes. On remarque dans cette légende un curieux mélange de traits originaux et d’emprunts faits sans doute au récit de la Bible. Les rapprochements qui précèdent vont se compléter par la comparaison des traditions relatives au père du nouveau genre humain chez les Aryas.

Suivant la plus ancienne de ces traditions, celle qui s’est le mieux maintenue chez plusieurs peuples d’origine aryenne, Je rénovateur de la race humaine détruite était d’origine divine, et son nom exprimait par excellence l’être intelligent, le penseur. Tel est en effet le sens du Manu indien, terme appliqué d’abord à l’homme en général avant de devenir le nom d’un personnage mythique (v. Manu). M. Pictet, d’accord avecKuhn, rapproche du Manu indien le Mannus germanique, le Minos grec et le Mémo kymrique, et il croit que ces divers noms s’appliquent au même personnage. En dehors de la famille aryenne, on a aussi plus d’une fois rapproché de Manu le Menés égyptien qui figure en tête de la plus ancienne dynastie. La ressemblance des noms est assurément curieuse,

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mais d’ailleurs isolée, peut-être fortuite, et l’on ne saurait en tirer aucune conclusion. Il faudrait pour cela en savoir davantage sur la possibilité d’une connexion entre les antiques origines égyptiennes et celles des Aryas et des Sémites, question à laquelle l’état de la science ne permet pas encore de répondre. M. Pictet regarde cependant comme un personnage traditionnel commun à ces deux races Japhet, fils de Noé, que la Genèse désigne comme le père des peuples du Nord appartenant à la famille aryenne, taudis que Sem et Cham sont les ancêtres des deux autres races humaines. Il voit même dans ce nom un composé analogue au sanscrit Gaspaii, le maitro ou le chef de la race. V. Japhbt.

L’homme sauvé du déluge n’est appelé Manu ou Manus que dans la tradition indienne, et ses corrélatifs Minos, Mynias, Mannus, Menw, ne sont plus considérés dans le reste de la famille aryenne que comme des chefs de race ou d’anciens législateurs, tandis que d’autres noms figurent dans les récits du cataclysme. Cela ne prouve autre chose que l’extrême antiquité de la tradition primitive dont les éléments se sont disjoints et modifiés en passant de race en race et de pays en pays. M. Pictet signale plusieurs tentatives faites pour rattacher à la source commune quelques-uns des noms divergents donnés à 1 homme sauvé du déluge.

Vindischmann, par exemple, croit retrouver les noms de Noé et de Japhet dans ceux d’un ancien richi indien Nahusha et de son fils Yayati ; mais, outre que les ressemblances sont bien imparfaites, les légendes qui concernent Nahusha n’ont aucune connexion avec le déluge, et son nom ne peut être ramené à la même origine que celui de Noé (v. Noé). Windischmann cherche également à expliquer le nom de l’Ogygès grec dans lequel il reconnaît : 1e sanscrit Ayuga, c’est-à-dire descendant de Ayu, le père de Nahusha ; mais cet Ayu, pas plus que Nahusha, n’a rien de commun avec le déluge.

Windischmann propose une autre conjecture qui serait d’un grand intérêt si elle n’était invalidée par l’existence bien constatée d’un digamma. Dans la tradition indienne, Manu obtient par le sacrifice, après le déluge, une fille qui est apDelé Ida, lia ou Ira, c’est-à-dire la prière et 1a bénédiction. Windischmann y voit la bénédiction que Noé demande à Dieu pour la terre et qu’il obtiont aussi par le sacrifice. Et comme Dieu, on signe de grâce, met son arc-en-ciel dans la nue, Windischmann rapproche de Ira, l’Iris grecque, la messagère des dieux et l’arc-encielj mais, ainsi que le remarque Kuhn ; la longueur de l’i grec serait une objection, quand bien même il ne serait pas certain que ce nom était primitivement Firis, avec digamma.

Le nom de Deucalion est encore inexpliqué, car l’étymotogie de deud, mouiller, tremper, et de als. mer, n’est pas sérieusement soutenable. Cest là sans doute un ancien composé dont les éléments restent obscurs. Le âeu initial pourrait être le sanscrit dêva, dieu, divin, ou bien dva, dvi, deux, comme dans deuteros, deuxième, et kalion rappelle le sanscrit kalyana, excellent, heureux, comme substantif, bonheur, salut, bénédiction ; mais cela ne suffit pas pour assurer une interprétation en l’absence de quelque nom traditionnel indien qui l’appuierait. Les personnages kymriques Dvoyfan et Dwyfach se lient probablement à Dtoyf, Dieu, dwyfaut, divin, et par là au sanscrit dêva, en kymrique aussi duto. Le féminin dwyfach serait formé comme gwrach, vieille femme, de gwr, homme. La signification du Scandinave bergelmir est également obscure. Il faudrait bien se garder d’y chercher une allusion à la montagne (berg) du déluge ; car bar-gelmir est formé comme thrud-gelmir, son père, aorgelmir. son aïeul, et gelmir paraît être une inversion de gemtir, homme très-vieux.

Les Arabes, les Turcs et les Abyssins n’ont pas d’autre histoire primitive que celle qu’ils ont modelée sur la Bible. Ainsi, ce qu’ils disent du déluge est emprunté à la Genèse.

Le Coran s’exprime d’une manière fort brève en parlant du déluge, à l’occasion duquel il dit quo les eaux s’échappèrent d’un four (fable bizarre, que l’on suppose avoir été empruntée aux mages persans, qui représentaient les eaux diluviales comme sortant du four d’une vieille femme) ; que tous les hommes, à l’exception de Noé et de sa famille, furent submergés ; mais que Dieu ayant dit ensuite : « 0 terre, engloutis tes eaux, et toi, ciel, retiens tes pluies i » les eaux diminuèrent à l’instant.

Los Syriens admettaient aussi qu’il y avait eu anciennement un déluge. Dans le vieux temple d’une de leurs déesses, ils montraient la boucho d’une caverne profonde par laquelle ils prétendaient que les eaux du cataclysme s’étaient écoulées. Lucien avait vu cette caverne.

Le grand déluge des Chinois, que leurs traditions font remonter au temps de Yaou, c’est-à-dire a un peu plus de deux mille ans ayant l’ère chrétienne, a été confondu par quelques auteurs avec le déluge biblique. Mais M. Davis, qui a étudié avec le plus grand soin les traditions écrites des Chinois, rapporte qu’il y est fait mention d’un déluge plutôt comme ayant interrompu les travaux de l’agriculture que comme ayant entraîné