Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 6, part. 2, Dell-Dian.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

560

DESI

récompense, une somme de 500 livres sterling (12,500 francs).

— Art vét. Nombreux sont les exemples de transmission de maladies contagieuses à des bêtes bien portantes par l’air des écuries, par les harnais, les instruments de pansage, la litière, les fourrages, etc. Il est donc nécessaire, pour éviter le retour de ces maladies, de détruire les éléments virulents ou miasmatiques qui peuvent se trouver sur les corps qui ont été en contact avec les animaux malades.

Le législateur, reconnaissant l’utilité des moyens désinfectants pour arrêter les maladies contagieuses, en a rendu l’emploi obligatoire. Par l’article 6 de l’arrêt du conseil d’État du roi du 18 juillet 1784, • les écuries dans lesquelles auront séjourné des chevaux morveux, ainsi que les étables et les bergeries qui auront servi aux animaux attaqués de maladies contagieuses, seront, a la diligence des officiers municipaux et experts, aérées et purifiées ; lesdits lieux ne pourront être occupés par aucuns autres animaux que lorsqu’ils auront été purifiés et qu’il se sera écoulé un temps suffisant pour en ôter l’infection ; les équipages, harnais, colliers seront brûlés ou échaudés, conformément à ce qui sera prescrit par le procès-verbal d’abatage, et dont il sera laissé copie, pour, par les propriétaires ou autres, s y conformer, ainsi qu’à toutes les précautions qui auront été indiquées par les experts à 1 effet d’éviter la contagion, le tout sous la même peine de 500 fr. d’amende. » Le préfet de police de Paris, par une ordonnance en date du 17 février 1831, prescrit également la. désinfection pour toutes les maladies contagieuses. « Les écuries et autres localités dans lesquelles auront séjourné les animaux atteints de maladies contagieuses seront aérées et purifiées, à la diligence des maires et des commissaires do police, par les soins des personnes de l’art. Elles ne pourront être occupées par d’autres animaux qu’après qu’il aura été constaté, en présence d’un expert vétérinaire, que les causes d’infection n’existent plus. Ces dispositions seront applicables aux équipages, harnais et colliers. » L’autorité peut, pour faire exécuter les moyens de désinfection, invoquer : io le décret de l’Assemblée constituante rendu sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790 (tit. II, art. 3, p. 5) ; 2° lo décret de la Constituante, concernant les biens, usages ruraux et la police rurale, du o octobre 1791 (p. 3, fit. I, section iv, art. 20). Ces deux décrets confient aux maires et aux corps municipaux"« les soins de prévenir et de taire cesser par des précautions convenables les maladies épizootiques » (1790), et « d’employer particulièrement tous les moyens de prévenir et d’arrêter les épizooties (1701). »

Les désinfectants employés jusqu’à ce jour sont très-nombreux. Les procédés de désinfection le plus souvent employés sont : l’aération, le sérénage, le feu, les fumigations aromatiques, la détonation de la poudre, les

fumigations acides, les alcalins, le chlore et ses composés.

l° L’air est un bon désinfectant, mais il n’agit qu’après un temps très-long et ne peut être employé que dans des cas exceptionnels ou comme adjuvant d’autres procédés. Pour procéder à l’aération, il faut ouvrir les portes et les fenêtres, afin de permettre à l’air du dehors de circuler librement dans les écuries infectées. Il est probable que l’air détruit les virus par dessiccation ; car les substances les plus virulentes, d’après Renault, sont inactives lorsqu’elles ont été desséchées au contact de l’air. 2° Le feu était anciennement employé pour faciliter les courants d’air et disperser plus promptement les miasmes ; mais ce procédé est inefficace et, de plus, il expose les habitations aux incendies. 3" La combustion du salpêtre ou de la poudre à canon ébranle l’air et facilite son renouvellement par celui du dehors ; mais ce procédé est insuffisant pour décomposer les virus répandus dans 1 atmosphère ; du reste, il est aujourd’hui abandonné comme les deux précédents. 4° Le sérénage ou l’exposition à l’air et à la rosée exerce un effet remarquable sur les matières virulentes. De nombreux exemples tendent à prouver que les habitants des pays pestiférés ont pu, sans danger aucun, communiquer entre eux la nuit, lorsque l’air était chargé des vapeurs de la rosée, et se couvrir sans inconvénient de vêtements contaminés après les avoir exposés à la rosée. Cependant ce procédé, dont la puissance est admise par des auteurs recommandables, aurait besoin du contrôle de l’expérimentation. Mais il est incontestable que la rosée décompose le virus claveleux, car un troupeau sain peut demeurer sans danger, après la rosée du matin, sur des pâturages infectés. Les fourrages, les grains, les pailles peuvent être soumis au sérénage, car ils ne peuvent pas être traités par un autre procédé. 5° Les fumigations aromatiques, considérées pendant longtemps comme très-eflicaces, sont reconnues aujourd’hui pour être sans action sur les matières virulentes. Elles masquent les mauvaises odeurs et altèrent plutôt l’air qu’elles ne le purifient. On pratiquait ces fumigations en brûlant des plantes aromatiques, des résines, des huiles essentielles, des nuiles empyreumatiques, des baies de genièvre, etc., dans les lieux infectés préalablement dos. G<> Les fumigations acides ont été employées par Bois DES !

sieu et Smith pour neutraliser les virus qu’ils croyaient alcalins, et les fumigations alcalines par Mitchil, qui pensait que les miasmes sont de nature acide. Le vinaigre et l’acide nitrique sont les principaux désinfectants acides. Le vinaigre liquide ou à l’état do vapeurs est sans action sur les virus, comme l’a démontré l’expérience ; aussi ce procédé est-il tout à fait abandonné. L’acide nitrique est employé en vapeurs ou sous la forme liquide. On entretient le dégagement des vapeurs pendant huit ou dix heures dans les écuries infectées, et, lorsque la désinfection est jugée suffisante, on établit des courants d’air de manière à chasser les vapeurs nitreuses. On a employé dans le même Dut l’acide chlorhydrique, dont les vapeurs se répandent facilement dans les lieux infectés ; 1 acide sulfurique, qui agit en enlevant aux substances virulentes les éléments constitutifs de l’eau, mais dont les vapeurs sont peu expansibles ; enfin, l’acide sulfureux, qu’on obtient eu brûlant du soufre sur une plaque de fer rougie au feu, et dont l’action, moins énergique que celle des précédents acides, s’exerce en désoxygénant les matières virulentes, 7° Les lessives alcalines ne sont autre chose que de l’eau tenant en solution des carbonates de soude ou de potasse. L’eau saturée d’alcalis sert à laver les mangeoires, les auges, les râteliers, les murs et le pavé des écuries, les harnais, les couvertures et les divers instruments de pansage. La chaux délayée dans l’eau est utilisée pour blanchir les murailles, les planchers et le sol des écuries. 8° Le deutochlorure de mercure, le pernitrate de mercure et l’acide nitrique ont été conseillés par Bancells, chimiste de Barcelone, qui se fondait sur « la promptitude avec laquelle le premier précipite 1 albumine, la rapidité avec laquelle le deuxième l’oxyde et la déazotise, la saveur insupportable du troisième et la facilité avec laquelle il tue les êtres animés. » Ce procédé de désinfection convient seulement pour les corps qu’on peut mouiller sans les détériorer, comme les murs, les plafonds, le sol, les harnais, les couvertures. Quand bien même l’expérience démontrerait l’efficacité de ce procédé, il auraittoujours l’inconvénient d’être coûteux, compliqué, difficile, et do ne pouvoir s’appliquer qu’aux objets solides. 9° Les fumigations de chlore, préconisées par Guyton de Morveau, ont été considérées pendant longtemps comme te plus puissant des moyens désinfectants. Le chlore et ses composés alcalins s’emparent de l’oxygène des matières organiques. Après avoir aéré les écuries et nettoyé toutes les parties solides, on place au centre de l’écurie l’appareil d’où le chlore doit se dégager, puis on ferme les ouvertures et on les laisse ainsi jusqu’à ce que les vapeurs se soient entièrement dissipées d’ellesmêmes, par exemple pendant vingt - quatre heures. 10° Les chlorures de chaux et les chlorures de soude agissent comme le chlore ; ils ont l’avantage de contenir sous le même volume une proportion plus grande de chlore que la solution aqueuse de ce dernier gaz. Ces chlorures sont employés surtout pour désinfecter les murailles, le sol, les mangeoires, les râteliers, les stalles, les harnais, les couvertures, enfin tous les objets qui peuvent être mouillés.

Le chlore à l’état gazeux, dissous dans l’eau ou combiné à la soude et à la chaux, est lo plus énergique de tous les désinfectants, toutes les fois qu’on veut détruire des matières animales putréfiées, des miasmes, des gaz méphitiques ; mais ce serait méconnaître les enseignements de la pratique et de l’expérience de prétendre que le chlore et ses composés ont la propriété de détruire les virus. En effet, le chlore et les chlorures alcalins ne détruisent pas les virus : des expériences nombreuses 1 établissent do la manière la plus évidente ; l’action de ces corps se borne à décomposer les matières animales et à éteindre les sources de l’infection.

DÉ5INFLOENCÉ, ÉE (dé-zain-flu-an-sé) part, passé du v. Désinfluencer. Soustrait à une influence dominante : Electeurs désin-

FLUKNCËS.

DÉSINFLtJENCER v. a. ou tr. (dé-zainflu-an-sé

— du préf. dés, et de influencer). Soustraire aune influence dominante : Désinfluencer des juges.

DEB1N1T IN P1SCEM (Finit en queue de poisson). Au début de l’Art poétique, Horace compare une œuvre d’art sans unité à un beau buste de femme qui se terminerait en queue de poisson :

Desinat in piscem millier formosa superne.

De sorte que le haut soit d’une femme aimable,

Et le bas représente un poisson effroyable.

Ces mots, soit en latin, soit en français, servent à caractériser, quand il s’agit surtout d’œuvres intellectuelles, les choses dont la fin ne répond pas au commencement, les promesses magnifiques qui n’aboutissent à aucun résultat, etc. En voici quelques applications :

« Toutes les compositions poétiques de Lamartine ont été de plus en plus faibles. C’est une sirène dont le corps finit en poisson : Iksinit in piscem. «

A. Fée.

« Permettez-moi de vous arrêter ici, s’écria le bachelier : Desinit in piscem. Vous allez gâter

DESI

tout ce que vous venez de dire, et, par saint Thomas ! vous avez dit de bonnes choses. » Walter Scott,

La vérité, c’est le corps d’un journal ; les annonces n’en sont que la crinoline, ridicule vêtement fourni par le mensonge et la vanité : Desinit in piscem.

Ed. Laboulaye.

DES1NNOCENS (Guillaume), chirurgien français, né à Toulouse, mort après 1004. 11 exerça avec distinction son art dans sa ville natale. On a de lui : Examen des éléphantiques ou lépreux (Lyon, 1595, in-8°) ; Ostéoioyie (Bordeaux, 1604, in-4<>), et deux traductions, l’une du Traité de la peste de Laurent Joubert (1581), et l’autre du Chirurgien méthodique de Gui de Chauliac (1597, in-12).

DÉSINSUFFLATION s. f. (dé-zain-su-flasi-on

— du préf. dés, et de insufflation). Techn. Opération qui consiste à percer des boyaux secs, pour que l’air qu’ils renferment puisse s’en échapper.

DÉSINTÉRESSÉ, ÉE (dé-zain-té-rè-sé) part, passé du v. Désintéresser. Qui n’a pas d’intérêt dans une affaire ; dont les intérêts ont reçu satisfaction : Heureusement, j’étais désintéressé dans l’entreprise. Je n’auais rien à réclamer, j’avais été désintéressé.

— Qui n’est pas mû par l’intérêt, par des motifs égoïstes et personnels : Les femmes ne peuvent pas comprendre qu’il y ait des hommes désintéressés A leur éyard. (Vauven.) Il y a beaucoup de gens prodigues, et peu de désintéressés. (Mme de Maint.) L’avoué désintéressé et honnête aura une double couronne dans le ciel. (Toussenol.) Un flatteur est rarement excusable, car il est rarement désintéressé. (Laténa.) il Qui n’est pas inspiré, motivé, dicté par un intérêt égoïste : Amitié désintéressé !’ :. Conseils désintéressés. Ah ! si l’on voyait reluire en l’Église celte charité désintéressée, toute la terre se convertirait. (Boss.) Amour paternel ! de tous les sentiments te plus doux, le plus involontaire, le plus désintéressé. (De Jussieu.) Nul sentiment n’est eiussi désintéressé que l’admiration. (Ch. de Rémusat.) L’estime est un sentiment désintéressé dans l’âme de celui gui l’éprouve. (V. Cousin.) Tout dévouement se paye, et le plus désintéressé en apparence finit souvent par être le plus cher eu réalité. (Alex. Dum.) Il y a dans la galanterie des vieillards je ne sais quoi de chevaleresque et de désintéressé qui donne un grand charme à leur commerce. (L. Enault.)

— Substantiv. Personne désintéressée, qui ne se laisse pas guider par l’intérêt : L’intérêt est ta principale raison de notre estime pour les DÉSINTÉRESSÉS.

— Antonymes. Avare, avide, cupide, intéressé.

DÉSINTÉRESSEMENT S. m. (dé-zain-térè-se-man

— rad. désintéresser). Caractère

pas

la première des vertus, c’est au moins la plus rare. (Sanial-Dubay.) La liberté ne peut s établir, ne peut se conserver que par le désintéressement. (B. Const.) Le désintéressement est la première des puissances. (B. Const.) Le vrai nom du dévouement, c’est le désintéressement. (V. Hugo.) H y a dans lu tâche de l’éducation dès mouieiits où te désintéressement, ce premier de nos devoirs, est prêt à nous manquer. (Mut Guizot.) La science ne saurait se passer de désintéressement. (E. Seherer.) Il y a des gens dont le désintéressement consiste à tout refus»- de manière à se faire contraindre à tout prendre. (Laténa.)

— Antonymes. Calcul, égoïsme, individualisme.

— Encycl. Si c’est la rareté d’une vertu qui en fait le prix, à coup sûr le désintéressement doit être placé au premier rang. On trouvera des femmes chastes, des amis fidèles, des juges intègres ; mais des cœurs véritablement désintéressés sont une exception si grande que certains philosophes pessimistes ont refusé d’y croire, ne jugeant pas la nature humaine capable de s’élever à ce degré d’abnégation et de justice absolue. Tous les hommes ne sont pas avares ou cupides, mais tous sont plus ou moins soumis à diverses passions dont l’argent peut seul leur procurer la jouissance, et tous, par conséquent, veulent en gagner, en amasser le plus possible. Aussi une sorte d’admiration bien légitime entoure-t-elle l’homme^ qui se présente avec les apparences du désintéressement ; on éprouve une confiance sans bornes pour celui sur qui les passions humaines ont si peu de prise, et que rien ne pourra jamais engager à trahir la confiance qu’on aura eue en lui.

Mais l’homme véritablement désintéressé existe-t-il ? Interrogez l’histoire, parcourez les divers rangs de la société, depuis le sommet jusqu’aux couches inférieures, vous trouverez partout le même sentiment, c’est-à-dire l’adoration du dieu argent, comme diraient les fabliaux du moyen âge, but unique de toutes les existences, cause première de presque toutes les mauvaises actions.

Tout d’abord on pourrait croire que le désintéressement est une vertu royale, et que ceux que le hasard de la naissance a élevés sur

DESI

le trône ne sont placés là que pour répandra d’une main libérale sur tous leurs sujets les biens dont la fortune leur a confié la gestion. On admire beaucoup la conduite d’Alexandre distribuant tous ses biens a ses amis et disant qu’il ne gardait pour lui que l’espérance. Mais, au moment où il donnait ce prétendu exemple de désintéressement, il partait pour conquérir le plus riche royaume du monde ; et puis, cet apparent dénùinent n’avait rien de réel, et l’on eût pu déjà lui faire la réponse d’un courtisan à Louis XV. Ce monarque demandant à un des seigneurs do sa suite s’il avait fait porter son argenterie à la Monnaie, dans une circonstance où l’État avait le plus pressant besoin d’argent, et celui-ci répondant que non : • J’ai fait porter la mienne, dit le roi. — Sire, répliqua fièrement le courtisan, lorsque Jésus-Christ mourut le vendredi, c’est qu’il savait qu’il ressusciterait le dimanche. » Le beau désintéressement, que celui qui consiste à donner aujourd’hui ce qu’on sait pouvoir reprendre demain ! César, Auguste et les autres empereurs pouvaient bien faire des largesses au peuple et lui donner des jeux ; ils ne faisaient que rendre ce qu’ils avaient pris ; puis, quand ils avaient besoin de nouvelles ressources, ils n’étaient pas embarrassés : les tables de proscriptions étaient là pour combler le vide. Un jour que Caligula jouait avec ses familiers, comme il avait perdu tout ce qu’il avait devant lui : " Vous allez voir, leur dit-il, comme je remplis facilement ma bourse. » Puis, se faisant apporter la liste des citoyens, il en proscrivit quelques-uns des plus riches, et se mit à jouer les richesses qu’il venait de se procurer si facilement.

■Veut-on trouver des exemples de désintéressement, il faut les chercher chez les hommes qui sont descendus du pouvoir aussi pauvres que lorsqu’ils y sont montés, chez les consuls des premiers temps de la république romaine, chez Washington, Lincoln, Kobespierre, et aussi chez les membres du gouver nenient provisoire de 1848. Cette noble vertu a relevé le mérite des uns et fait oublier les crimes ou les fautes des autres.

Si les souverains courent après l’argent pour le jeter en pâture à leurs courtisans ou a leurs ministres ; si on les a vus recourir à toutes sortes de moyens, la ruse, la force, lo mensonge, pour ravir les biens de leurs sujets ; si l’on a vu Louis-Philippe, dont les biens patrimoniaux étaient immenses, aller mendier une dotation d’un million pour le duc de Nemours et s’exposer à des railleries sanglantes, à des satires méritées, que no feront pas à leur tour les ministres qui n’ont ni la stabilité ni l’omnipotence des souverains dont ils reçoivent de semblables exemples ? L’histoire des principaux ministres n’est qu’une longue suite de vols, de dilapidations du trésor public et d’extorsions honteuses. On connaît les richesses et les exactions de Séjan. Dans le palais des empereurs de Constantinople, un misérable eunuque, Eu : rope, par exemple, pressurait le peuple, pillait les églises, jusqu’àu jour où un caprice du maître l’envoyait en exil ou au supplice et réunissait ses biens au trésor impérial. Parmi ceux qui ont gouverné la France, nous chercherions vainement un ministre désintéressé. Sans doute Richelieu n’eut pas la basse avidité de Mazarin, mais la fortune qu’il laissa en mourant prouve qu’il n’avait pas été assez absorbé par les intérêts de l’État pour ne pas songer aux siens propres. Les grands seigneurs n’étaient ni moins avides, ni moins intéressés que les roturiers et les parvenus ; les grandes places, les belles terres, les sommes d’argent, ils accaparaient tout cela pour eux et pour leur famille. Tous les ministres de Louis XIV sont comblés de faveurs, et le monarque les trouve toujours prêts à en accepter de nouvelles. Sous Louis XV, ils vendent les décorations et les places ainsi que les lettres de cachet. Ce n’est encore que demimal lorsque l’argent de la.nation est seul en jeu et que son intérêt n’est pas sacrifié à l’ambition étroite de quelque ministre. La Balue, d’Amboise, Dubois, en Franco ; Alberoni, en Espagne, vendent leur patrie à Home contre un chapeau de cardinal.

Par suite des différentes modifications introduites dans la composition du pouvoir, les ministres aujourd’hui ont moins à attendra du souverain, qui est moins riche et moins absolu ; mais une ressource bien autrement féconde s’offre à eux, celle d’être les premiers à connaître tes nouvelles qui influent sur le cours de la Bourse et de tenir entre leurs mains l’autorité nécessaire pour créer des compagnies industrielles. Or, il faut le dire à la honte de notre siècle, bien peu ont su résister à de pareilles tentations. Des scandales immenses ont eu lieu, sans parler de tout ce qui n’est qu’à moitié connu ; on a toujours cité avec admiration M. Guizot qui, après dix ans de ministère, s’est retiré n’ayant que 30,000 livres de rente, et naguère on se voyait obligé d’accorder une pension de 20,000 francs à Mme Walewski. dont le mari avait à peine laissé 3 millions ! Pauvre veuve !

Essayer de trouver un trait de désintéressement chez les courtisans serait une pure niaiserie ; le courtisan est mendiant par nature, et son avidité est si grande que Ips richesses du monde entier ne sauraient le

contenter. Tous ressemblent à cet évêque d’Inspruck dont Gozzi parle dans ses Mémoires : toutes les fois qu’il allait à la cour,