Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 7, part. 3, Erl-Ez.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oublie celle qu’il pleurait encore la veille ; il l’oublie si bien qu’il écrit une promesse de mariage à sa nouvelle conquête, le 1er octobre. Il est vrai que ces promesses ne tiraient pas trop à conséquence. Il en avait fait une à Gabrielle, une autre à Corisandre, cette dernière écrite avec son sang…, et bien d’autres sans doute encore.

Enfin, l’année suivante, Henri IV épousait Marie de Médicis, et, sur le front, dans les cheveux, autour du cou de la jeune reine, on put reconnaître les diamants de la belle Gabrielle : Henri IV les avait retenus aux héritiers, en les désintéressant, pour en faire les joyaux de la couronne.

Henri IV eut de Gabrielle deux fils : César, duc de Vendôme, dont nous avons parlé, et qui naquit en 1594 au château de Coucy ; puis Alexandre, chevalier de Vendôme, dont le baptême fut célébré à Saint-Germain avec les honneurs réservés aux enfants de France ; enfin une fille, Catherine-Henriette, mariée à Charles de Lorraine, et qui était née à Rouen, lorsque Henri IV venait de tenir en cette ville l’assemblée des notables.

À propos de ces enfants, tous légitimés, à propos surtout du premier, il nous revient en l’esprit ce que, d’après Bassompierre, nous racontions au commencement. Tallemant des Réaux ne contredit point Bassompierre, au contraire : il dit que Gabrielle, devenue maîtresse du roi, n’en continuait pas moins ses faveurs au duc de Bellegarde, auquel, comme nous l'avons dit, Henri IV l'avait enlevée, et, à l'appui de ce qu'il avance, il raconte l'anecdote suivante : « Le maréchal de Baslin, voulant empêcher le roi d’épouser Gabrielle, lui offrit de surprendre celle-ci avec Bellegarde. En effet, une nuit, à Fontainebleau, il fit lever le roi ; mais, quand il fallut entrer dans l’appartement de la duchesse, le roi lui dit : « Cela la fâcherait trop. »

— Bibliogr. Consultez les ouvrages suivants : Amours de Henri IV, avec ses lettres galantes à la duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil (Amsterdam, 1764, 2 vol. in-12) ; la Belle Gabrielle, ou les Amours de Henri IV, suivis de lettres de ces deux amants, de poésies du roi de France et de notes historiques, par P. Colau (Paris, 1815, et 1816, in-18) ; Notice sur Agnès Sorel, Diane de Poitiers et G. d’Estrées, par Quintin Craufurd (Paris, 1819, in-8o, portr.) ; Mémoires de G. d’Estrées, duchesse de Beaufort, par E.-L. de Lamothe-Langon (Paris, 1829, 2 vol. in-8o) ; Amours et galanteries des rois de France, par Saint-Edme (Paris, 1829, 2 vol. in-8o) ; Sur le mariage de Gabrielle d’Eslrées avec M. de Liancourt, par Berger de Xivrey (Paris, 1862, in-8o, extr. de la Bibliothèque de l’École des chartes). Consultez encore les Nouveaux mémoires de Bassompierre ; les OEconomies royales de Sully ; les Historiettes de Tallemant des Réaux ; l’Histoire de France de Mézeray ; E. Fréville, dans la Biblioth. de l’École des chartes (tome III) ; les Causeries du lundi, par Sainte-Beuve (tome VIII) ; Niel, Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, etc.


ESTRÉES (François-Annibal, duc D’), maréchal de France, frère de la précédente, né en 1573, mort en 1670. Il avait embrassé l’état ecclésiastique et était déjà, depuis 1594, évêque de Noyon, lorsque, son frère aîné étant mort, il leva un régiment, sous le nom de marquis de Cœuvres, et échangea la mitre contre un casque. Sa sœur était alors toute-puissante ; il va donc sans dire que son avancement fut rapide. Il devint lieutenant général, gouverneur de Laon, puis, sous Louis XIII, ambassadeur à Rome (1621) et en Suisse, où il rendit, les armes à la main, la Valteline aux Grisons, et reçut le bâton de maréchal de Franco (1626). Envoyé peu après en Italie, d’Estrées y fit une expédition malheureuse, ne put défendre Mantoue contre les impériaux, passa en Allemagne, où il prit Trêves (1632), revint à Rome comme ambassadeur (1636). et y usa de tout, même de la violence, pour faire élire Grégoire XV. À l’avènement de Louis XIV, il remplit les fonctions de connétable pour la cérémonie du sacre, vit alors son marquisat de Cœuvres érigé en duché-pairie sous le nom de d’Estrées (1648), devint gouverneur de l’Île-de-France et ne s’y appauvrit pas. À l’âge de quatre-vingt-treize ans, le duc se maria, en troisièmes noces, à Mlle Manicamp, qui fit bientôt une fausse couche, ce qui égaya beaucoup les contemporains. François d’Estrées était un intrigant peu scrupuleux, mais qui avait une qualité précieuse, celle de dire la vérité à tout le monde, même à ceux à qui personne ne la dit. Nous en donnons pour preuve le récit suivant, emprunté à Segrais : « Des courtisans s’entretenaient un jour devant le roi Louis XIV, qui n’avait alors que quinze ans environ, du pouvoir absolu des empereurs turcs, et rapportaient plusieurs actions qu’ils faisaient en vertu de ce pouvoir. « Voilà, dit le roi, qui s’appelle régner. » Le maréchal d’Estrées, qui était présent, ne pouvant souffrir que le roi approuvât cette conduite à cause de la conséquence, repartit : « Mais, sire, deux ou trois de ces empereurs ont été étranglés de mon temps. » Le maréchal de Villeroi, gouverneur du roi, qui était un peu éloigné, mais qui n’avait pas laissé que d’entendre ce que le maréchal d’Estrées venait de dire, fendit la presse et le remercia fort de la généreuse liberté avec laquelle il venait de parler au roi, et blâma la lâcheté de ceux qui l’entretenaient de ces sortes de choses. »

Le maréchal d’Estrées a écrit des Mémoires de la régence de Marie de Médicis (Paris, 1666, in-18) ; un Récit du conclave dans lequel Grégoire XV fut élu pape en 1621, et une Relation du siège de Mantoue en 1629.


ESTRÉES (Jean duc D’), vice-amiral, maréchal de France, duc et pair, fils du précédent, né en 1624, mort à Paris en 1707. Il servit d’abord comme volontaire dans l’armée de terre. Pourvu bientôt d’un brevet de colonel, la seconde année de l’avènement de Louis XIV, il montra la plus grande intrépidité au siège de Gravelines par Gaston d’Orléans, oncle du roi, et reçut même en cette circonstance deux blessures qui le laissèrent estropié de la main et du bras droits. D’Estrées assista ensuite à la grande victoire que Condé remporta, le 20 août 1648, à Lens sur les impériaux et les Espagnols. Élevé l’année suivante au grade de maréchal de camp, il prit part, en cette qualité, aux guerres civiles de la Fronde, et servit dans l’armée royale au blocus de Paris et à l’attaque du pont de Charenton. À Arras, dans la mémorable journée du 25 août 1654, il força l’un des premiers les lignes des impériaux et des Espagnols commandés par Condé, et contraignit celui-ci à lever le siège de la place. Nommé lieutenant général à la suite de cette affaire, il couvrit, en 1656, la retraite de Turenne, forcé à son tour par Condé de lever le siège de Valenciennes, et fut fait prisonnier avec le maréchal de La Ferté.

À la conclusion de la paix des Pyrénées (1659), d’Estrées revint en France et songea à entrer dans la marine, vers laquelle commençaient à se tourner les efforts sérieux de Louis XIV et de ses ministres. Toutefois, la guerre s’étant rallumée entre la France et l’Espagne, et l’Angleterre s’en étant mêlée, Jean d'Estrées servit encore quelque temps sur terre et accompagna Louis XIV et Turenne dans la glorieuse campagne de Flandre. Peu après, d’Estrées, quittant décidément les camps pour la mer, obtint d’être envoyé avec une escadre en Amérique pour s’y opposer aux tentatives des Anglais sur les colonies françaises. Mais il avait été prévenu par le commandeur de Sales, neveu de saint François de Sales, qui avait battu les ennemis dans l’île Saint-Christophe, et par le lieutenant général Lefèvre de La Barre, qui avait remporté, en 1667, une victoire signalée sur une escadre anglaise. Jean d’Estrées n’en fut pas moins, à son retour d’Amérique, en 1669, nommé vice-amiral. L’année suivante, il fut envoyé sur les côtes de l’Afrique occidentale avec le vieux Duquesne pour second. L’illustre amiral parut médiocrement satisfait de se voir placé, après ses longs services, sous les ordres d’un gentilhomme, brave sans doute, mais peu expérimenté, et d’Estrées eut plus d’une fois à supporter ses boutades.

La guerre ayant éclaté en 1671 entre Louis XIV et Charles II d’Angleterre d’une part, et la république des Provinces-Unies de l’autre, le vice-amiral d’Estrées fut chargé du commandement de l’escadre blanche de la flotte anglo-française. À la bataille navale de Southwold, le 7 juin 1672, il soutint avec valeur le choc de l’avant-garde hollandaise, commandée par le lieutenant-amiral Baukaert, ce qui n’empêcha pas les Anglais de l’accuser, ou plutôt d’accuser Louis XIV d’avoir donné des ordres pour laisser détruire la flotte anglaise, accusation qui ne paraît pas être entièrement dénuée de fondement ; car il est présumable que les intentions de Louis XIV étaient de ruiner l’une par l’autre les deux marines hollandaise et anglaise. Quoi qu’il en soit, la victoire resta incertaine, et la nuit sépara les deux flottes. En 1673, à la bataille de Walcheren, livrée à un an d’intervalle, jour pour jour, par les flottes confédérées de France et d’Angleterre aux Hollandais, d’Estrées, toujours à la tête de l’escadre blanche, mais placée alors au corps de bataille, eut affaire à Ruyter et à Corneille Tromp. Ce jour-là, on ne put plus l’accuser de mollesse ni d’indécision. Ce fut par son escadre que l’action commença et par elle aussi qu’elle finit. Le contre-amiral Spragg, à l’arrière-garde, aurait succombé sous les efforts de Tromp, si d’Estrées ne s’était joint au prince Rupert pour le dégager. Ruyter dut battre en retraite, ce qu’il fit en bon ordre, du reste. Sept jours plus tard, le 14 juin, eut lieu une troisième bataille, qui commença tard et que la nuit, qui survint bientôt, rendit fort indécise. Les Anglais, volontairement ou non, secondèrent fort mal à leur tour leurs alliés, et d’Estrées dut se dégager avec ses propres forces d’une position assez critique où l’avait mis l’abandon des Anglais. Il se plaignit vivement au prince Rupert et fit infliger un blâme sévère au contre—amiral Spragg. Enfin, le 11 août de la même année, une quatrième bataille fut livrée, indécise comme les trois précédentes. D’Estrées se trouva, avec l’avant-garde, opposé à Baukaert. Il soutint le choc victorieusement ; mais le prince Rupert et le contre-amiral Spragg, vivement pressés, le premier par Ruyter et le second par Tromp, étaient sur le point d’être battus si d’Estrées n’était enfin venu les dégager.

C’est à la suite de cette rude campagne que d’Estrées, rondant hommage à l’admirable génie de son principal adversaire, écrivit à Colbert que Ruyter lui avait donné de belles leçons et qu’il payerait « volontiers de sa vie la gloire que ce grand maître dans l’art de la marine venait de s’acquérir. » L’alliance anglo-française ne pouvait durer, avec les soupçons qui régnaient des deux côtés. Aussi, en 1674, Charles II ayant fait la paix avec la Hollande, d’Estrées fut chargé d'aller dans les mers d’Amérique avec une escadre de six vaisseaux et trois frégates pour y continuer la lutte contre l’escadre du vice-amiral hollandais Binkes. Arrivé en Amérique en décembre 1676, d’Estrées débuta par reprendre, l’épée à la main, l’île de Cayenne, dont les Hollandais s’étaient emparés. Au mois de février de l’année suivante, il cingla vers l’île de Tabago, dans le port de laquelle se trouvait embossée l’escadre de Binkes. Il débarqua des troupes pour investir le fort de Tabago par terre, et lui-même força l’entrée du port pour aller offrir le combat aux Hollandais. Le Glorieux, vaisseau amiral français, arriva droit sur le vaisseau contre-amiral hollandais, l’aborda et l’enleva en moins d’un quart d’heure ; mais l’incendie causé par le feu épouvantable des batteries de la côte et de tous les vaisseaux des deux escadres, qui, rassemblés sur un étroit espace, se canonnaient à bout portant, ne tarda pas à se mettre sur le vaisseau contre-amiral d’où il se communiqua au Glorieux. Grièvement blessé à la tête en deux endroits, d’Estrées ne fut sauvé que par le dévouement d’un garde-marine nommé Bertier et d’un matelot, qui se jetèrent à la nage et allèrent enlever une chaloupe aux Hollandais jusque sous l’éperon d’un de leurs vaisseaux. La perte des Français fut grande dans cette journée, mais celle des Hollandais plus grande encore ; de leur escadre il ne resta que deux vaisseaux, entièrement désemparés. Toutefois, d’Estrées renonça pour cette année à conquérir Tabago. Il fit voile vers la Grenade, y établit un hôpital pour les blessés, y fit radouber son escadre, gagna la Martinique, puis revint en France au mois de juin 1677.

À la fin de cette même année, il se remit à la mer et cingla vers Tabago. En chemin, il enleva aux Hollandais, dans l’Afrique occidentale, les îles d’Arguin et de Gorée, ainsi que les comptoirs de Rufisque, de Portudal et de Jaal. Le 7 décembre, il mouilla devant Tabago, dont il s’empara sans rencontrer d’obstacle sérieux. La garnison se rendit prisonnière de guerre. Après ce premier succès, d’Estrées voulut enlever Curaçao, la dernière île que possédassent les Hollandais aux Antilles ; mais son opiniâtreté et son inexpérience maritime amenèrent une catastrophe épouvantable. Les dix-sept vaisseaux qui formaient son escadre touchèrent pendant la nuit, au mois de mai 1678, sur les rochers des îles d’Aves, Un seul vaisseau, une flûte de charge, deux brûlots et l’hôpital de l’armée échappèrent au naufrage. Ils servirent à recueillir les équipages, avec l’aide du célèbre flibustier Grammont, qui survint fort à propos. Toutefois, 300 hommes périrent dans ce naufrage. Malgré cette déplorable catastrophe, le vainqueur de Tabago fut nommé, trois ans après le glorieux traité de Nimègue, en 1681, maréchal de France. Il est le premier marin français qui ait été revêtu de cette dignité ; il n’en garda pas moins celle de vice-amiral du Ponant, dont il obtint même la survivance pour son fils, Victor-Marie d’Estrées.

En 1686, le maréchal d’Estrées reçut l’ordre de bombarder Tripoli de Barbarie, comme Duquesne l’avait fait d’Alger. Les Tripolitains demandèrent bientôt la paix. D’Estrées exigea d’eux qu’ils payassent les frais de la guerre et rendissent les esclaves chrétiens. Il alla ensuite menacer Tunis, qui demanda la paix et rendit aussi les chrétiens enlevés par les corsaires de cette ville. Enfin, en 1688, les Algériens ayant recommencé les hostilités, d’Estrées fut envoyé contre eux au mois de juin et bombarda la ville. Ce fut sa dernière expédition. Nommé chevalier du Saint-Esprit et vice-roi d’Amérique, titre, du reste, purement-honorifique, d’Estrées fut enfin chargé du gouvernement de Bretagne. Plusieurs lettres du duc d’Estrées ont été publiées par M. Monmerqué à la suite des Mémoires du marquis de Villette.


ESTRÉES (César, cardinal D’), prélat et diplomate français, frère du précédent, né à Paris en 1628, mort en 1714. Très-jeune encore, il fut nommé évêque de Laon, et gagna le chapeau de cardinal (1674) en négociant avec habileté, entre le pape et les coryphées des jansénistes, la trêve connue sous le nom de paix de l’Église. En 1676, il assista au conclave où fut élu le pape Innocent XI et contribua beaucoup à cette élection ; puis il fut chargé d’une mission diplomatique en Bavière, se démit de son évêché de Laon (1680), et retourna à Rome pour négocier l’affaire de la régale. Bien que prince de l’Église, le cardinal d’Estrées se montra fort dévoué aux intérêts de la France, défendit avec chaleur contre le pape les prérogatives de son souverain, et conclut, en 1693, un traité avantageux à son pays. Chargé, en 1700, d’accompagner Philippe V en Espagne, il s’attira l’antipathie de la princesse des Ursins, qui obtint son rappel au bout de trois ans. De retour en France, en 1704, il fut pourvu de l’abbaye de Saint-Germain des Prés. D’Estrées était depuis 1656 membre de l’Académie française, bien qu’il n’eût jamais rien publié, ce qui n’a pas empêché Ménage de le faire « docteur au Parnasse entre les premiers. » Les vers de la Violette, dans la Guirlande de Julie, sont de lui ou de Desmarets. On lui doit aussi quelques épigrammes, recueillies par Colletet. D’après d’Alembert, il écrivit des vers galants pour Mme de Maintenon, lorsqu’elle fut devenue la favorite du roi.


ESTRÉES (Victor-Marie, duc D’), maréchal de France et vice-amiral, ministre d’État, fils du maréchal et vice-amiral Jean d’Estrées, né à Paris en 1660, mort dans la même ville en 1737. Après avoir fait des études brillantes dans un collège de jésuites et avoir montré, dès son enfance, une rare aptitude pour les lettres et pour les sciences, il fit sa première campagne comme simple volontaire dans le régiment de Picardie, fut nommé, en 1678, enseigne-colonel dans le même régiment, et assista à trois sièges dans l’armée du maréchal duc de Créqui. L’année suivante, Victor-Marie d’Estrées eut l’honneur de voir Louvois et Seignelay se disputer ses services. Le dernier lui ayant offert immédiatement le grade de capitaine de vaisseau et, en perspective, la survivance de la vice-amirauté au Ponant, d’Estrées opta pour la marine ; il n’avait pas alors plus de dix-huit ans. Le jeune capitaine débuta sous les ordres de son père et fit avec lui diverses campagnes dans les mers d’Amérique. En 1682 et 1683 il servit sous les ordres du grand Duquesne, et prit part aux deux bombardements d’Alger, en août et en septembre 1682, et en juin, juillet et août 1683. Quand les hostilités menacèrent de recommencer avec la maison d’Autriche, après la paix da Nimègue, d’Estrées fut chargé, avec trois vaisseaux dont on lui donna le commandement, d’aller au-devant d’une flotte marchande qui revenait du Levant, et pour laquelle on craignait quelque coup de main de la part des forces navales ennemies. Il passa, à son retour, au milieu de celles-ci et ramena son convoi intact.

En 1684, bien qu’il n’eût encore que vingt-quatre ans, d’Estrées reçut la survivance de la charge de vice-amiral du Ponant, que possédait son père, ainsi que le grade de lieutenant général, mais à condition qu’il servirait encore deux ans comme capitaine et trois autres années comme chef d’escadre. En 1688, il commanda une division dans l’armée navale du comte de Tourville. Il fit voile pour Alger avec cet amiral et le maréchal de Châteaurenault, et prit part au combat que Tourville livra au vice-amiral Papachim, par le travers d’Alicante. Le vice-amiral Papachim avait avec lui 2 vaisseaux de guerre espagnols, dont l’un avait 65 canons et 500 hommes d’équipage, et l’autre 54 canons et 300 hommes. Tourville, Châteaurenault et d’Estrées n’avaient que leurs trois vaisseaux, tous trois de forces très-inférieures ; le principal, que montait Tourville, était de 54 canons ; celui de d’Estrées n’en avait que 38. Tourville ayant fait demander le salut au vice-amiral Papachim, selon l’ordre formel du roi, qui enjoignait à tous les officiers de la marine royale d’obtenir, de gré ou de force, le salut des vaisseaux espagnols, et celui-ci l’ayant refusé, le combat s’engagea. Pendant que Tourville et Châteaurenault réduisaient le principal vaisseau espagnol à capituler, d’Estrées attaquait seul le second, l’abordait avec une décision héroïque et l’enlevait l’épée à la main. Dans cette extrémité, le vice-amiral Papachim salua le pavillon français de 9 coups de canon comme préliminaires de paix.

Après ce combat, d’Estrées s’en fut rejoindre son père, avec qui il prit part au troisième bombardement d’Alger. La guerre ayant été déclarée à l’Allemagne sur ces entrefaites, d’Estrées demanda à suivre, comme volontaire, le dauphin au siège de Philippsbourg (1688), et assista, dans cette campagne, aux opérations de l’illustre Vauban. En 1690, il reçut le commandement de l’avant-garde de la flotte du comte de Tourville. Cette flotte, qui avait ordre d’aller chercher et de combattre les forces navales combinées d’Angleterre et de Hollande, appareilla de Brest le 23 juin. D’Estrées rencontra la flotte ennemie le 10 juillet, à la hauteur de Beachy-Head, sur les côtes d’Angleterre. Le combat s’engagea à dix heures du matin. D’Estrées, qui commandait l’avant-garde, eut à répondre au feu de l’amiral hollandais Herbert, comte de Torrington. Une des divisions d’Herbert, que commandait l’amiral bleu Russel, s’attacha avec acharnement aux bâtiments les plus faibles de l’arrière-garde française et réussit un moment à en faire plier quelques-uns : mais les autres, animés par la présence et l’exemple de d’Estrées, repoussèrent vivement les Anglais et rétablirent le combat. À trois heures, la flotte anglo-hollandaise était en fuite. Dans son rapport, daté du lendemain de la bataille, Tourville fit le plus grand éloge de la conduite de d’Estrées.

Voulant profiter de sa victoire pour aller jeter la terreur sur les côtes d’Angleterre, Tourville détacha de sa flotte plusieurs vaisseaux qu’il envoya croiser sur le littoral d’Irlande et dans le pas de Calais, et se dirigea avec le reste sur les côtes d’Angleterre pour