Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 7, part. 3, Erl-Ez.djvu/19

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nos actes intérieurs comme de nos actes extérieurs, et de nos pensées comme de nos mouvements. Toute paresse, toute néglifence, tout manque d’examen, tout défautattention, comme toute prévention, toute passion, constitue la mauvaise foi. Mais il n’est aussi que la mauvaise foi qui soit coufable ; et l’erreur qui ne serait pas le fruit de un de ces manquements, l’erreur que les théologiens appellent invincible, est innocente. L’enfant, dont le dénûment intellectuel est si grand et le discernement si faible, peut-il faire autre chose que d’admettre pour vrai tout ce que lui enseignent ses supérieurs ? Et combien d’hommes, qui n’ont ni les moyens ni le loisir de l’étude, ne sont toute leur vie, quant à l’intelligence, que des enfants ! Où en serait la société, si chacun de nous n’admettait jamais que ce qu’il sait par lui-même ? Croire à la parole, à l’enseignement de ceux qu’on a d’ailleurs de bonnes raisons d’estimer bien instruits, n’est pas croire à la légère, mais, au contraire, agir comme on doit agir : oportet discèntem credere. S’ils enseignent l’erreur, à eux la faute, non a celui qui les croit.

— Jurispr. Suivant l’article 1109 du code Napoléon, ('erreur dans laquelle a été induite une partie contractante, ou dans laquelle elle est-tombée spontanément, vicie le consentement donné par cette partie et rend la convention annulable par les tribunaux. Cet article, qui ne fait qu’exprimer un principe de tous les temps et une règle d’indéclinable justice, est conçu en ces termes : • 11 n’y a point de consentement valable si le consentement n’u été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. » Toute erreur cependant, notamment celle qui ne porterait que sur des détails d’une importance secondaire, n’a pas pour résultat de vicier le consentement et de rendre annulable l’engagement contracté. L’article llio du même code détermine quelles doivent être la nature et la gravité de l’erreur pour infirmer la convention. Cet article est ainsi conçu : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur* la substance même de la chose qui en est l’objet. — Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe quo sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins-que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention, ■

II importe de définir clairement ce que la loi entend ici par la « substance de la chose qui forme l’objet du contrat. » La substance ne signifie point, dans l’idiome du droit, l’identité matérielle de la chose, son individualité physique. S’il y avait erreur sur un tel point, le consentement.ne serait pas simplement vicié, il y aurait absence complète de consentement ; le contrat ne serait pas seulement annulable, il serait-actuellement nul de plein droit, ou plutôt il n’existerait pas de contrat. Ainsi, j’entends achètera Paul sa maison A ; Paul, au contraire, entend me vendre sa maison B. Ici, manifestement, il y a autre chose qu’un consentement vicié, il y a manque total de consentement Les volontés divergent au lieu de converger ; il y a entre elles désaccord au lieu d’accord, 11 est inutile de faire annuler un semblable contrat ; co contrat n’a même pas été formé. Il n’y a eu, en effet, d’une part, qu’une offre non acceptée, et d’autre part, qu’une acceptation d’une offre qui n’était point faite. Ce n’est pas du tout en vue d’une hypothèse de cette nature qu’a été édictée la disposition de l’article llio. Que faut-il donc entemlre par cette substance de la chose dont parle le même article, et par cette erreur tombant sur la substance, dont l’effet est de vicier la convention ? M. Mourlon, dans ses Répétitions écrites sur le code Napoléon (tome II, page 513) explique avec une clarté parfaite la pensée de la loi a cet égard. « La substance de la chose, dit ce jurisconsulte, est, en droit, ce sur quoi est intervenue la convention, la qualité principale que les parties ont eue en vue en contractant, qualité en l’absence de laquelle l’une d’elles n’eût point contracté ; en d’autres termes, le rapport principal sous lequel la chose a été envisagée dans le contrat. «

Suivant le point de vue auquel on se place, on distingue plusieurs sortes d’erreurs. Considérées par rapport à leur origine, les erreurs sont volontaires ou involontaires, invincibles ou non invincibles. Eu égard à

l’influence qu’elles exercent sur les actions ou les affaires des hommes, elles sont essentielles ou accidentelles.

L’erreur est aussi quelquefois commune. Elle a ce caractère, quand un fait faux, mais présentant d’ailleurs toutes les apparences de la vérité, a été longtemps regardé comme vrai par un grand nombre de personnes. Bien que, suivant le droit strict, on pût déclarer nuls les actes basés sur cette espèce d’erreur, il a paru conforme à l’équité et à l’intérêt public de les valider. De la est venu l’adage : Error communis facit jus, dont nous trouvons l’application dans plusieurs textes de droit romain ; cette maxime a été également adoptée sous la législation nouvelle.

La principale distinct’on est celle qu’on établit entre les erreurs d ? fait et les erreurs de droit. Il y a erreur de droit quand on se trompe sur ce que la loi otd îaue, permet ou

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défend. Toute autre erreur est une erreur de fait..

—r- De l’erreur de droit. « Nul doute, dit Rolland de Villa.’gue, que l’erreur qui tombe sur un point de droit dont l’ignorance a seule déterminé le consentement des parties annule la convention tout aussi bien que l’erreur de fait... Le code civil ne distingue point lorsqu’il dit ■ qu’il n’y a point de consentement valable s’il na été donné que par erreur. • Cette expression est générique : elle s’applique à toute espèce a erreur, à l’erreur de droit comme à l’erreur de fait. Et, en effet, comment admettre ici une distinction sans blesser la raison ? S’il est vrai, comme disent les lois elles-mêmes, que celui qui erre est sans volonté, elle doit annuler la convention. Vainement objecterait-on qu’il n’est permis à personne d’ignorer la loi : Nemini jus ignorare decat. Cet adage ne veut être pris à la lettre que lorsqu’il s’agit de lois criminelles ou de lois de police qui obligent impérativement tout le monde, sans en excepter les étrangers résidant transitoirement sur le territoire. Il y a, pouf cette nature de dispositions, d’indéclinables nécessités d’ordre public qui ne supportent pas qu’on admette l’excuse de l’ignorance de la loi. Mais, dans les matières de pur droit privé, l’erreur de droit, lorsqu’elle est déterminante, est, de même que -1 erreur matérielle ou de fait, une cause suffisante pour délier la partie de ses engagements.

Ainsi donc l’adage cité plus haut est inapplicable au cas où un particulier, stipulant sur des intérêts privés, a, dans l’ignorance de la loi, fait abandon d’un droit qu’elle-lui conférait. Ajoutons que la déchéance d’un droit est "une peine qui doit être prononcée par un texte précis. Cette doctrine était admise par le droit romain, et nos jurisconsultes les plus estimés l’adoptent également.

Cependant la règle que l’erreur de droit annule la convention lorsqu’elle en a été le principal fondement reçoit quelques exceptions. La première est relative aux transactions, qui, d’après l’article 2052 du code civil, ne peuvent être attaquées pour erreur de droit. Le doute qui a déterminé une transaction a pu, en effet, porter aussi bien sur le droit que sur le fait. Une seconde exception a trait à l’aveu judiciaire, qui no peut être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit.

De l’erreur de fait. On distingue l’erreur sur le motif, l’erreur sur la personne et l’erreur sur la chose.

L’erreur sur le motif n’annule point ordinairement la convention. Il est, en effet, difficile de pénétrer les motifs qui ont déterminé la volonté des hommes ; les parties contractantes ne sont point, d’ailleurs, dans l’usage de se les demander. Comment savoir alors que, sans ces motifs, le contrat n’aurait point eu lieu ? On doit donc admettre en principe^que les contractants n’ont point entendu subordonner leur volonté à la réalité de ces motifs comme à une condition sine qua non, à moins toutefois qu’ils ne s’en soient formellement expliqués. Ainsi, une personne, supposant qu’une succession est avantageuse, 1 accepte ; elle ne sera pas admise à revenir contre cette acceptation, car elle a pu être déterminée par un autre mobile que celui de profiter de l’actif de l’hérédité.

L’erreur sur la personne avec laquelle on contracte n’annule point, en principe, la convention. Cette règle est formulée par le § 2 de l’article 1110 du code civil, aux termes duquel l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »

D’après Pothier, il suffirait que la considération de la personne entrât pour quelque chose dans le contrat pour le faire annuler. Cette doctrine n’est admise que d’une"* manière restreinte par le code civil ; l’erreur sur la personne n’annule la convention que lorsque là considération de cette personne en est la cause principale.

Dans le mariage, par. exemple ; la considération de la personne est toujours réputée la cause principale du contrat. Aussi l’erreur sur la personne rend-elle le mariage nul de plein droit.

Dans les contrats de bienfaisance, la considération de lajiersonne en faveur de qui ils sont faits est souvent la cause principale. Aussi lorsque, croyant donner à Jules, je donne à Paul, le contrat est nul.

Dans les contrats à titre onéreux, il est rare que la considération delapersonnesoitla cause principale : c’est le plus souvent la chose ou le prix qui est la cause principale de la convention. Il peut exister néanmoins des contrats à titre onéreux dans lesquels la considération de la personne est regardée comme la cause principale du contrat ; par exemple, lorsque la célébrité ou l’industrie de la personne est le motif de la convention. Supposez que, croyant m’adresser à un peintre célèbre, je lui commande un tableau moyennant telle somme : il se trouve que je parlais à un barbouilleur ignorant qui portait le même nom que lui. Le marché est nul, faute de consentement ; je n’ai, pour le rompre, qu’à prouver mon erreur. Je ne dois même aucune indemnité, si le tableau n’est pas encore commencé ;

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mais s’il est commencé ou achevé, je dois une indemnité à dire d’experts, pourvu que celui avec lequel j’avais traité n’eût point connu mon erreur ; je n’en dois aucune, s’il l’a connue.

La personne est encore regardée comme la cause principale du contrat dans les transactions. Ainsi, une transaction peut être rescindée lorsqu’il y a erreur dans la personne.

L’erreur sur la chose n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet, comme nous l’avons dit plus haut.

Il y a cependant des qualités qui sont considérées comme formant la substance de la chose. J’achète une montre la croyant en or j au lieu de ce métal, je ne trouve que du cuivre doré : la convention est nulle, quand bien morne le vendeur n’aurait pas eu le dessein de me tromper, et qu’il aurait été dans la même erreur que moi. IJ existe, au contraire, des qualités qui semblent former la substance de la chose et dont cependant le défaut n’annulerait pas la convention pour cause d’erreur. J’achète une maison que je croyais bâtie en pierre ; il se trouve que les murs ne sont qu en terre ou en bois : la vente ne peut être annulée. J’ai dû voir la maison, ’elle in’a convenu dans l’état où je l’ai vue ; c’est donc la maison telle qu’elle est que j’ai voulu acheter : mon erreur n’était ni invincible, ni occasionnée par le dol du vendeur.

Erreurs déplume. Les erreurs de plume ne nuisent point : Error librarii in transcribendis verbis non nocet. Aussi, les erreurs qui se glissent dans la date des actes peuventelles être rectifiées.

Erreurs de rédaction dans les actes notariés. Non-seulement dans les actes les plus substantiels de la procédure, mais encore dans ceux-qui touchent à la conservation et à la translation de la propriété, tels que les inscriptions hypothécaires et les testaments, l’erreur de la somme, de la date, ne vicie point l’acte, si cette erreur peut être manifestement corrigée par d’autres actes qui s’y rattachent, et principalement par les divers éléments de l’acte même qui est incriminé.

Dans l’interprétation d’un acte, on doit

Ïilutot rechercher l’intention des parties que e sens littéral des termes dont on s’est servi. Ainsi, l’erreur qui se serait glissée dans la citation d’un acte précédent en vertu duquel le nouvel acte serait passé ne pourra vicier celui-ci, si cette erreur ne tombe pas sur la substance des conventions et si, dans le cas où elle eût été connue au moment du nouvel acte^elle n’était pas de nature à en empêcher la passation.

Erreurs judiciaires. Il est difficile de parler sans émotion des erreurs de la justice criminelle ; quelques-unes ont laissé une trace sanglante dans nos annales judiciaires, et cependant il a été fait un tel abus des spectres de Calas et de Lesurque dans les péroraisons des avocats de cour d’assises ; ces poignants souvenirs sont devenus le texto de tant de déclamations extravagantes, de tant de chimériques utopies de réforme pénale qu’il conviendrait d’aborder une fois au moins la question de sang-froid et sans parti pris.

Disons tout de suito que nous n’allons pas nous livrer à des discussions de fait rétrospectives. L’innocence de Calas, celle même de Lesurque ont, on le sait, rencontré récemment encore des sceptiques dans la presse. Nous n’aimons pas ces polémiques ; les légendes populaires sont vénérables ; quand elles consacrent une douleur, un attendrissement, une pitié éternelle, il convient de s’incliner, et.-nous aurions, pour notre compte, de la répugnance à nous ranger parmi les douteurs. Dune nous croyons —franchement Lesurque pur de l’assassinat du courrier de Lyon ; nous ne doutons pas davantage que Calas ne fût innocent de la mort de son fils Marc-Antoine. Le théâtral plaidoyer de Loyseau de Manléon, avec son étalage de sensibilité artificielle, jette bien, il est vrai, un certain froid dans le terrible drame de Toulouse ; mais un arrêt du conseil a cassé le jugement^ du parlement toulousain et solennellement rénabilité la mémoire de Calas ; et puis, répétons-le, la légende a passé’par là ; elle a consacré l’innocence du supplicié et flétri le jugement. On ne touche pas à.ces immenses verdicts du peuple. /

Nous éprouverions, il faut l’avouer, .plus de scrupule à l’endroit des trois paysans champenois condamnés à la roue par le bailliage de Chaumont, et que la défense de Dupaty a rendus célèbres. Dupaty plaida accessoirement pour ses trois clients ; il fit par-dessus tout, il fit avec une ironie et une véhémence incomparables le procès à l’abominable législation criminelle de l’époque. Le succès fut étrange et doublement.émouvant. Le conseil cassa l’arrêt de condamnation et acquitta les accusés. En même temps, il condamna le mémoire de Dupaty à être brûlé par la main du bourreau. Cette critique amère, cette ardente philippique contre la procédure criminelle occulte, fut qualifiée par le cpnseil de libelle diffamatoire et de pamphlet. Un pamphlet en effet, mais un vrai pamphlet éternel ! Les accusés acquittés et le mémoire du défenseur livré aux flammes expiatoires !

Dupaty triomphaitdeux fois. Cependant, il y

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a un épilogue au procès des trois hommes condamnés à la roue : une annotation dos arrétistes nous informe que ces mêmes individus, rendus à la liberté, à quelque temps de là, se firent de nouveau condamner pour un méfait de même genre, quoique entouré de circonstances moins graves. Ils avaient encore perpétré de compagnie, paraît-il, ce dernier délit : ces bonnes gens faisaient tout à trois. Voilà, convenons-en, un post-scriptum singulièrement réfrigérant quand on sort de lire les pages frémissantes de Dupaty.

Mais ne discutons pas ; à quoi bon discuter d’ailleurs ? N’est-il pas trop certain que la faillibilité est inhérente a la justice des hommes comme à toutes choses humaines ? N’est-il pas malheureusement avéré que des erreurs ont été commises ? Un point même fixe douloureusement l’attention : c’est que les méprises de la justice criminelle se sont reproduites, à des dates relativement récentes, tout près de nous, et depuis les grandes réformes de notre législation qui semblaient avoir assuré l’entière franchise de la défense, la plénitude de la liberté et de lu lumière dans les débats. Les noms do Philippi, do Lesnier, de la femme Doize sont dans toutes les. mémoires. Ici l’erreur a été irréfutablement démontrée ; le jury, la justice du pays avait prononcé des condamnations ; des arrêts, de révision ont donné un éclatant démenti aux verdicts des jurés. Voilà qui déconcerte et consterne ; et pourtant encore, nous croyons qu’il faut se rendre maître de l’émotion et ne pas conclure d’un accident, d’une anomalie, à l’incertitude de toute jusr tice. Une chose d’abord rassure la conscience : aucune de ces condamnations qui sont venues frapper Philippi, Lesnier, la femme Doizei n’était, grâce à Dieu, irréparable. Le jury qui prononça dans le procès de la femme Doize éprouva certainement quelques troubles secrets, malgré l’apparente, malgré la presque irrésistible évidence de la culpabilité. Cette hésitation inavouée se traduisit par l’admission des circonstances atténuantes, heureux correctif, qui préserva la vie de l’accusée et laissa à la justice la possibilité de réparer son erreur. Ajoutons qu’il n’y a vraiment pas moyen de faire le procès au jury qui condamna la femme Doize. Ce fut une sorte de fatalité, un concours, un, accord sans exemple de circonstances accusatrices. Cette femme était inculpée de parricide. Son passé était odieux. Nature brutale, presque sauvage, la femme Doize s’était maintes fois livrée à des voies de fait sur son vieux père ; elle avait dit et répété publiquement que ce vieillard périrait de sa main. Un jour ce malheureux est trouvé assassiné dans son lie. La ■rumeur publique désigna sa fillo comme l’auteur du crime ; la femme Doize est arrêtée ; elle proteste d’abord de son innocence ; puis, mise au secret, elle avoue, elle avoue explicitement qu’elle a commis le parricide ! Cet arveu est réitéré dans plusieurs interrogatoires consécutifs. L’accusée, il est vrai, ré- ■ tracta à l’audience ces déclarations accablantes ; le terrible aveu restait acquis, et quel moyen de supposer avec quelque vraisemblance qu’elle se fût gratuitement accusée d’un parricide qu’elle n’aurait point commis ? Lé jury condamna, et une seule choso étonne, c’est qu’il admit des circonstances atténuantes que tout semblait exclure, que tout semblait repousser dans ce lamentable procès. La femme Doize n’était pas coupable ! Le vrai meurtrier fut découvert et convaincu. Et cependant la fille de la victime s’était accusée elle - même. Pourquoi cet aveu étrange, cet aveu mensonger ? Envoici l’explication, telle que l’ont révélée le3 débats do la révision de l’arrêt. La femme Doize était enceinte au moment de sa mise au secret. Sa grossesse encore récente n’était point apparente et était peut-être ignorée d’elle-même à l’époque de l’arrestation. Elle la reconnut, elle sentit les premiers tressaillements de l’enfant qu’elle portait dans l’humide et noir cachot de la mise au secret. Cette femme perverse était mère ; cette nature inculte et- tout instinctive redevint humaine, presque sublime, le sens supérieur de la maternité la transforma. Pour se délivrer du cachot, pour préserver la vie de son enfant en lui rendant un peu d’espace et d’air pur, elle livra au juge d’instruction ce que ce magistrat attendait d’elle. Elle fit l’aveu « d’un parricide qu’elle n’avait pas commis ! Ceci n’est point un roman-, c’est le simple exposé d’un procès qui date de quelques an- ■ nées à peine et qui s’est déroulé devant la ’ cour d’assises du département du Nord. Un tel exemple d’erreur judiciaire a de quoi épouvanter^-mais convenons aussi que, par un côté, à rassure. Ce concours, ce croisement sinistre et inouf de circonstances qui accablent un accusé semble un de ces phénomènes qui ne peuvent pas se présenter deux fois dans les annales de la justice. Ce n’est même pas une exception, c’est une anomalie.

Il n’importe : la justice peut srrer ; la faillibilité est, nous le répétons, inséparable de la condition humaine ; la supprimer est uno chimère ; il s’agit simplement d’arriver à en prévenir les conséquences. Où se trouve le moyen réparateur, où se rencontre Je remède ? Ici, les opinions et les doctrines s’entre-choquent ; nous nous bornerons à exposer

sommairement les théories les plus saillantes, et sous n’exprimerons en finissant notre Ben-