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produire, dont le participe passé bhavayata est le corrélatif exact au latin fœtus. V. femme). Physiol. Animal formé et vivant, mais non encore sorti du sein de la mère : Des hommes de génie peuvent tomber impunément dans quelques erreurs sur la formation d’un fœtus et sur celle des montagnes ; les femmes font toujours des enfants comme elles peuvent, et les montagnes restent à leur place. (Volt.)

Syn. Fœtus, embryon. V. embryon.

Encycl. On désigne sous le nom de fœtus le produit de la conception vers le troisième mois de la vie intra-utérine, alors que toutes les formes du corps sont parfaitement distinctes l’une de l’autre. Depuis le moment de la fécondation jusqu’à cette époque, le foetus porte le nom d’embryon. À la fin du troisième mois, lu. longueur du fœtus est de 0m,12 à 0m,15, et son poids de 100 à 125 gr. On distingue déjà le sexe ; les traits du visage sont bien dessinés, les téguments minces, transparents, rosés ; les ongles commencent à paraître sous forme de petites plaques. Un mois plus tard, le fœtus a doublé de poids. Les fontanelles et les sutures de la tête sont très-amples. On aperçoit quelques cheveux courts et blanchâtres, la bouche, les yeux, les narines sont formés. Les muscles se dessinent à travers la peau qui commence à se couvrir d’un léger duvet. Le fœtus peut exécuter des mouvements et vit même quelques heures lorsqu’il naît à cette époque. À cinq mois, le poids du corps varie entre 300 et 350 gr. ; sa longueur est d’environ 0m,25. La peau offre plus de consistance, moins de transparence, et la tête un grand nombre de petits cheveux argentins. Les ongles sont très-visibles ; le cordon ombilical s’insère un peu au-dessus du pubis ; et le méconium se trouve dans l’intestin grêle. À six mois, la longueur du corps est de 0m,30 à 0m,33 ; son poids de 400 à 500 gr. La peau présente quelques parcelles d’enduit sébacé et l’on peut distinguer le derme de l’épiderme. Les yeux sont fermés ; les paupières, minces, sont hérissées sur leur bord libre, ainsi que les sourcils, de petits poils très-fins. Les ongles sont solides ; les testicules sont encore dans la cavité abdominale ; mais le scrotum est formé, très-petit et à un rouge vif. Chez le fœtus femelle, les organes génitaux sont également développés ; les grandes lèvres, très-marquées, sont séparées par le clitoris. À sept mois, le fœtus acquiert une longueur de 0m,32 à 0m,36, les os du crâne sont saillants à leur partie moyenne ; tous les organes acquièrent plus de consistance et s’accroissent proportionnellement ; la peau est fibreuse, les cheveux plus longs ; les ongles entièrement développés ; les paupières entr’ouvertes. L’iris disparaît ; mais, selon Velpeau, cette membrane n’aurait pas encore existé. Elle se formerait, d’après le même auteur, par un simple anneau qui s’accroît d’une manière concentrique pour ne laisser, au bout de quelque temps, que l’ouverture pupillaire. Les testicules commencent à descendre dans les bourses. Le méconium se trouve presque exclusivement dans le gros intestin. Du septième au huitième mois, le fœtus s’accroît beaucoup plus en épaisseur qu’en longueur. Il n’a, en effet, au huitième mois, que 0m,40 ou 0m,45 de long, tandis qu’il pèse de 2 kilogr. à 2 kilogr. 500 gr. La peau est rouge, couverte de duvet et d’un enduit sébacé ou vernis caséeux. Le scrotum renferme un testicule, presque toujours celui du côté gauche. L’ombilic se trouve, à 0m,02 près, au point correspondant au milieu du corps. Enfin, au neuvième mois, à terme, le fœtus présente une longueur ordinaire de 0m,50 à 0m,60 ; il pèse 3 kilogr. ou 3 kilogr. 500 gr. Les os du crâne, sans être encore soudés, sont très-rapprochés les uns clés autres. Les poumons sont rouges, compactes, semblables au tissu du foie ; le cordon ombilical s’insère presque toujours au milieu de la longueur totale du corps. On a souvent exagéré le poids et la longueur des enfants à la naissance ; cependant, on en a vu qui pesaient jusqu’à 9 kilogr. En général, on peut dire que le fœtus s’accroît rapidement pendant les trois premiers mois de la grossesse, que cet accroissement se ralentit pendant les trois mois suivants, pour s’accélérer ensuite durant le dernier trimestre.

Le fœtus, dans le sein de la mère, est ordinairement placé la tête en bas et les pieds en haut. « Il est recourbé, dit Cazeaux, sur sa partie, antérieure, de manière que la tête est le plus souvent fléchie ; le menton appuie sur la partie antérieure et supérieure de la poitrine, et, suivant Dubois, le cou est si court, qu’il suffit, pour qu’il en soit ainsi, d’un léger degré de flexion de la tête ; les pieds sont relevés sur le devant des jambes ; celles-ci, fortement fléchies sur les cuisses, qui sont elles-mêmes appliquées contre la face antérieure de l’abdomen ; les genoux sont écartés, les talons rapprochés l’un de l’autre et appliqués contre les fesses ; les bras sont appliqués sur les côtés du thorax, les avant-bras fléchis et croisés sur le devant du sternum, comme pour loger le menton entre les deux mains. Le fœtus, ainsi replié sur lui-même, forme un tout à peu près ovoïde, dont le plus grand diamètre est de 0m,28 environ, dont la grosse extrémité, représentée par l’extrémité pelvienne, est tournée vers le fond de la matrice, et la petite, constituée par l’extrémité céphalique, regarde en bas. Cette attitude accroupie ne peut être l’effet de la pression exercée par les parois utérines sur l’enfant, puisque celui-ci est dans une cavité beaucoup plus grande que son volume total. » Cette position de l’enfant dans la poche qui le renferme est due à deux causes principales : la première, c’est que, le fœtus nageant dans un liquide et présentant, dans les premiers mois de la vie intra-utérine, une tête beaucoup plus volumineuse et plus dense que les autres parties du corps, il tend, en vertu du poids spécifique de l’extrémité céphalique, à prendre cette position renversée qu’il conserve durant tout le temps de la gestation. La seconde cause, c’est que la matrice se développe d’abord aux dépens de son fond. Elle est très-évasée à sa partie supérieure, tandis que, au contraire, elle est très-étroite du côté du col. Le fœtus, en se pelotonnant, présente une extrémité pelvienne plus volumineuse que l’extrémité céphalique ; et, par suite des mouvements auxquels il est soumis, il se place de façon que la partie la plus volumineuse se trouve dans le point le plus élargi de l’organe qui le contient.

Fonctions du fœtus. Nutrition. Tout le monde admet que la nutrition du fœtus se fait aux dépens des liquides maternels ; mais on n’est pas d’accord sur la manière dont s’effectue la transmission des principes nutritifs. Selon les uns, la face interne de l’utérus sécrète un liquide particulier qui se répand dans la cavité amniotique, où le fœtus vient le puiser ; selon les autres, le placenta maternel est le seul organe destiné à fournir les matériaux de la nutrition, et le cordon ombilical est l’unique voie de transmission. Ces deux opinions contiennent l’une et l’autre une partie de la vérité, mais aucune d’elles ne doit être exclusive. En effet, dans les premiers jours de la conception, alors que le placenta ni le cordon ne sont encore formés, l’ovule ne peut être alimenté que par une espèce d’endosmose qui se fait à travers ses parois. De plus, en abandonnant la vésicule ovarienne, l’œuf se trouve enveloppé de granulations proligères, et celles-ci servent évidemment à sa nutrition pendant son passage à travers les trompes de Fallope. Il en est de même du liquide albumineux qui humecte la membrane vitelline. Arrivé dans la cavité de l’utérus, l’œuf se trouve en rapport avec la muqueuse de cet organe ; il est entouré de villosités, qui aspirent les produits de la sécrétion utérine, pour les faire pénétrer dans son intérieur, comme les radicules d’un arbre absorbent les principes nutritifs répandus dans le sol. Dès que le placenta et le cordon sont organisés, les villosités choriales s’atrophient et la nutrition commence alors à s’opérer d’une autre manière. Le liquide amniotique, sécrété par l’organe maternel, contient des principes nutritifs, de l’albumine, de l’osmazome et des sels. On a pu nourrir, dit Cazeaux, pendant quinze jours, des veaux-nouveau-nés avec de la liqueur amniotique fraîche. Le fœtus puise une partie des éléments de sa nutrition dans les liquides de l’amnios par l’absorption cutanée et par celle du canal intestinal. Pour certains auteurs, le placenta de la mère est le principal agent de la nutrition du fœtus. Sans admettre, en effet, de communication directe entre les vaisseaux de la mère et ceux du fœtus, on peut croire que, par suite du contact étendu qui existe entre l’appareil vasculaire des deux placentas, il se fait une transsudation de la partie la plus liquide du sang maternel, laquelle est absorbée et mêlée au sang fœtal ; que ce fluide transsudé et chargé d’oxygène vient à la fois hématoser le sang du fœtus et lui fournir des matériaux dénutrition (Van Huevel). Ces matériaux, une fois mélangés avec le sang, sont destinés au développement des organes. Lee pense qu’ils doivent subir une certaine élaboration, d’abord dans le foie, puis dans l’intestin. « Ainsi, dit Tarnier, portés par la veine ombilicale dans le foie énorme du fœtus, ces éléments y subissent des modifications pour former un composé nouveau, albumineux, nutritif, qui est versé avec la bile dans le duodénum ; là, ce mélange est partagé en partie récrémentitielle, qui est reprise par les vaisseaux absorbants, comme chez l’adulte, et en partie excrémentielle, chargée de carbone, qui constitue le méconium. » La nutrition du fœtus est complétée par la fonction glycogénique du placenta découverte par Claude Bernard.

Respiration. La respiration du fœtus est bien différente de celle de l’adulte, puisque l’air atmosphérique ne saurait arriver jusqu’à lui. Cependant le sang du premier éprouve une modification analogue à celui du second. Cette modification aurait lieu, d’après Béclard, dans les poumons, où le liquide amniotique arriverait par les voies aériennes ; selon Geoffroy Saint-Hilaire, le fœtus absorberait de l’air ou un gaz vivifiant par des espèces de trachées répandues à la surface du corps, comme chez les insectes, ou bien encore par de petites fissures que portent les jeunes embryons sur les parois latérales du cou. On a comparé ces fissures à l’appareil branchial des poissons, et on leur a donné, à cause de cette analogie, le nom de fissures branchiales. Tel serait le mode de respiration des premiers jours d’existence de l’embryon ; mais, plus tard, après le développement de l’allantoïde, dit Cazeaux, les villosités choriales, devenues vasculaires, se trouvent immédiatement en contact avec les vaisseaux hypertrophiés de la muqueuse, et, dès lors le sang fœtal peut puiser dans ce contact des éléments d’hématose. À mesure que ce contact devient plus intime et plus multiplié, le placenta s’organise et constitue une masse compacte qui devient le siège d’une respiration placentaire. Ce placenta est, en effet, organisé tout entier de manière à établir un rapprochement aussi grand que possible entre le sang de l’embryon et le sang de la mère. Ce contact médiat, par suite duquel les deux fluides sont séparés par des membranes fines, établit entre le sang du fœtus et celui de la mère le même rapport qui existe, dans le poumon de l’adulte, entre le sang veineux et l’air atmosphérique. Dans les poumons, le sang est mis en rapport avec l’air inspiré ; dans le placenta, il n’y a point d’air, mais il y a une très-grande quantité de vaisseaux de la mère, dont les parois excessivement fines sont en contact avec les radicules ombilicales, dont les parois sont aussi minces et transparentes. Si donc le sang du fœtus est tellement en rapport avec celui de la mère, qu’il n’y ait que des parois subtiles et minces qui les séparent, il est très-vraisemblable qu’il se passe des phénomènes analogues à ceux qui s’opèrent à travers les parois des vaisseaux pulmonaires entre le sang veineux de l’adulte et l’air atmosphérique.

Circulation. L’appareil circulatoire du fœtus diffère de celui de l’adulte : 1o par le trou de Botal qui existe chez le premier, tandis qu’il est oblitéré chez le second ; 2o par la présence du canal artériel, qui fait communiquer largement l’artère pulmonaire avec l’artère aorte du fœtus ; 3o par l’artère ombilicale presque complètement oblitérée chez l’adulte ; 4o par la veine ombilicale qui se divise pour former d’abord le canal veineux et plus loin le canal de réunion. V. circulation.

Innervation. « La plupart des fonctions de l’encéphale, dit Jacquemier, restent dans un état complet d’inactivité pendant la vie intra-utérine. » Cependant, chez le fœtus un peu âgé, la sensibilité est très-développée ; On peut facilement s’en convaincre en comprimant les parois de la matrice ; le fœtus exécute aussitôt des mouvements pour s’y soustraire. Une expérience plus concluante encore consiste à ouvrir le ventre d’une hase pleine, de manière toutefois à respecter les parois de la matrice qui laisse voir par transparence le fœtus qu’elle contient. Si l’on saisit alors avec une pince la patte d’un des petits lapins, on le voit immédiatement s’agiter pour échapper à la douleur. Les fonctions du système nerveux chez le fœtus, dit Cazeaux, sont, comme chez l’adulte, soumises à une intermittence d’action ou à une périodicité d’où résultent la veille et le sommeil. A ce point de vue, le fœtus est encore comparable à l’enfant nouveau-né. Quand celui-ci dort, il suffit, pour l’éveiller, de l’exciter un peu vivement et à plusieurs reprises avec le bout du doigt, et, au moment de son réveil, il exécute presque toujours des mouvements brusques. Même chose a lieu, sans aucun doute, pendant la vie intra-utérine, et quand on cherche à provoquer des mouvements actifs du fœtus en comprimant l’utérus, on le tire probablement du sommeil pour le faire passer à l’état de veille. C’est à ce moment qu’il exécute des mouvements perçus par la main appliquée sur l’abdomen.

Sécrétions. Les principales sécrétions du fœtus sont celles de la bile, du méconium et de l’urine. Le foie est le viscère le plus volumineux du fœtus. À trois mois, il n’offre pas encore la structure granulée, et la vésicule du fiel consiste en un filament blanchâtre renflé à son extrémité inférieure. À cinq mois, le tissu du foie est plus ferme, la vésicule du fiel est très-apparente, et la bile commence à être sécrétée, À sept mois, la vésicule biliaire est remplie, et le liquide se trouve même en assez grande quantité dans l’intestin. Le méconium est un mélange de bile avec le produit de la sécrétion muqueuse intestinale. Dans les premiers temps de la vie fœtale, le tube digestif est simplement humide ; mais, vers le troisième mois, commence une sécrétion plus abondante, et, jusqu’au cinquième, le méconium se trouve dans l’intestin grêle ; ce n’est que plus tard qu’il passe dans le gros intestin, et ; vers la fin de la grossesse, il se concentre dans le rectum. L’urine est expulsée dans l’amnios par le canal de l’urètre, à mesure qu’elle est sécrétée, et cette sécrétion commence de bonne heure, dès que les reins se sont développés. V. viabilité et superfétation.

FOFFA s. f. (fo-fa). Chorégr. Danse portugaise très-libre.

FOGARAS, ville d’Autriche, dans la Transylvanie. V. Fagaras.

FOGAHASSY (Jean), jurisconsulte, grammairien et lexicographe hongrois, né à Kasmark en 1801. Il fit ses études à Saros-Patak, fut admis au barreau en 1829, et remplit divers emplois publics avant, pendant et après la révolution de 1848-1849, entre autres celui de conseiller au ministère des finances. M. Fogarassy est auteur d’un assez grand nombre d’ouvrages de jurisprudence et d’économie politique : Principes du droit privé hongrois (Pesth, 1839) ; Droit d’échange et de commerce hongrois (Pesth, 1840) ; Dictionnaire de commerce (1845, 2 vol.) ; Banque hongroise (1848) ; mais il doit surtout sa réputation à ses travaux de linguistique sur la littérature de son pays. Le plus important de ces derniers ouvrages est son Esprit de la langue hongroise (Pesth, 1845). Citons en outre : Métaphysique de la langue hongroise (Pesth, 1834) ; Lexique hongrois-latin pour l’étude du droit et de l’économie politique (Pesth, 1835) ; Dictionnaire hongrois-allemand (Pesth, 1836, 2 vol.).

FOGEL (Martin), médecin allemand, né à Hambourg en 1632, mort dans cette ville en 1675. Il passa son doctorat à Padoue, puis devint professeur de logique et de métaphysique au gymnase de sa ville natale. Outre plusieurs ouvrages manuscrits, on a de lui : Joachini Jungii præscipuæ opiniones physicæ passim receptæ, etc. (Hambourg, 1679, in-4o).

— Charles-Jean Fogel, fils du précédent, fut avocat à Hambourg. Il publia quelques écrits et laissa deux fils : Théodore-Jacques et Jean-Henri Fogel, qui ont publié : Indication sur trois cents enfants de la ville de Hambourg (1735, in-8o) ; Liste des Hambourgois qui sont parvenus à des dignités ecclésiastiques dans les pays étrangers (1738, in-4o).

FOGELBERG (Rengt-Erland), célèbre sculpteur suédois, né à Gothembourg le 8 août 1786, mort en 1854. Son père, habile fondeur en cuivre, le destina d’abord à lui succéder et lui fit apprendre son état. Mais le jeune Fogelberg, que poussait une vocation plus élevée, employait tous ses moments libres à dessiner, à modeler, à dévorer tous les livres d’art et d’histoire qui lui tombaient sous la main. Bientôt l’atelier paternel lui devint trop étroit ; la ville de Gothembourg elle-même ne lui offrit plus assez de ressources pour ses études de prédilection il exprima le désir de se rendre à Stockholm. Ce désir affecta péniblement son père, qui voyait s’évanouir ainsi sa plus chère espérance ; il y céda, néanmoins, sans trop d’opposition ; et bientôt Fogelberg, alors âgé de dix-huit ans, entra comme élève dans l’atelier de Rung, ciseleur de la cour. Là, ses progrès furent rapides ; il suivait, en même temps, les cours de l’Académie des beaux-arts, près de laquelle il ne tarda pas à être nommé agrégé. L’illustre Sergel, qu’une vieillesse maladive empêchait de fréquenter l’Académie, ayant témoigné le désir de voir les travaux du jeune artiste, celui-ci porta dans son atelier tous les modèles en plâtre et en terre qu’il avait exécutés. Sergel les examina avec attention ; puis indiquant du doigt une esquisse d’une statue de Philoctète, « Je garde celle-ci, » dit-il. Cette parole, jointe aux encouragements que lui prodigua le grand maître, décida de l’avenir de Fogelberg. Il se livra dès lors, tout entier à la statuaire.

À cette époque (1814), une agitation extraordinaire régnait en Suède, dans le monde des intelligences. Une lutte semblable à celle des romantiques et des classiques en France y partageait les esprits en deux camps. Les novateurs, sous le nom de phosphoristes, jetaient hardiment l’anathème à ces importations de l’étranger qui pendant si longtemps, avaient encombré la littérature nationale et entravé son essor ; ils voulaient que l’inspiration ne relevât plus désormais que de la nature, des mœurs et des traditions de la patrie ; et, pour aider à la propagation de leurs doctrines, ils fondèrent une société, dite Société gothique. Ce mouvement ne devait point se borner à la littérature ; il réagit aussi sur l’art. Ou proclama que les types de la mythologie et de l’histoire du Nord valaient bien ceux de la mythologie et de l’histoire de Rome et d’Athènes ; qu’ils valaient mieux surtout que les fantaisies énervées et faussement sentimentales de l’école de Boucher, dont les ateliers de Stockholm se repaissaient alors presque exclusivement. En conséquence, une société artistique fut fondée, sur le modèle de la Société gothique, dans le but d’initier les disciples de l’art à l’esthétique nouvelle et de le régénérer dans ses diverses manifestations. Fogelberg fut un des premiers à s’associer à ce mouvement et à en provoquer l’application pratique. La Société gothique ayant organisé une exposition, il y envoya trois statues, représentant les principaux dieux de la mythologie Scandinave : Odin, Thor et Frey. Ces trois statues excitèrent l’admiration générale, et contribuèrent plus que toutes les théories à rallier le public à la cause des phosphoristes. L’Académie, il est vrai, en sa qualité de corps officiel et constitué, protesta, résista ; mais enfin, comme il arrive toujours, le calme succéda peu à peu à la lutte violente ; les deux partis sacrifièrent, chacun de leur côté, leurs doctrines trop exclusives, et, sans que le passé perdît rien de ce qui méritait en lui d’être conservé, l’innovation s’acclimata insensiblement et jouit en paix de la place qu’elle avait conquise au soleil.

Fogelberg poursuivit ses travaux avec un succès toujours croissant. Cependant le désir de visiter l’Italie, désir naturel à tout artiste, s’était depuis longtemps emparé de lui, et il songea à le satisfaire. Sergel, d’ailleurs, qui ne cessait de lui faire de ce pays les descriptions les plus enthousiastes, lui avait dit sur son lit de mort, en l’exhortant à aller à Rome : « Un sculpteur ne peut vivre et travailler ailleurs qu’en Italie. » Soutenu par un subside de l’Académie, Fogelberg quitta la Suède en 1820, c’est-à-dire à l’âge de trente-quatre ans, et se rendit d’abord à Paris, où il fréquenta, pendant une année, les ateliers de Bosio et de Guérin ; puis, ce dernier ayant été nommé directeur de l’École française à Rome, il l’y suivit sans plus tarder.