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GRAA

GOZZl (le comte Charles), poète dramatique italien, frère du précédent, né à Venise en 1718, mort vers 1801. Il s’éprit d’abord de la littérature française, traduisit plusieurs comédies de Th. Corneille et de Piron, et même les Satires de Boileau ; mais, abandonnant bientôt cette voie, il demanda ses inspirations aux vieux Conte» des fées de l’Italie, et se mit à composer une fouie de pièces-féeries, toujours gaies, vives et brillantes, notamment : le liai cerf, la Dame serpent, VAmour des trois oranges, le Petit oiseau d’un beau vert, le Monstre bleu turquin, etc., qui firent pendant longtemps les délices du peuple de Venise. Il avait eu le soin de conserver les types populaires de Pantalon, de Tartaylia, de Jirighella, qui revenaient invariablement dans chaque pièce, mais dans des situations toujours nouvelles, toujours comiques. Sous ces bouffonneries, écrites d’un style élégant, facile et piquant, il y avait une fine critique de mœurs, de l’originalité, un cachet tout national. C’était une réaction contre la Gallomanie de Goldoni ; mais celui-ci finit par l’emporter. Gozzi était tombé dans un oubli profond, lorsque, bien plus tard, il fut revendiqué par l’école romantique comme un des créateurs du drame. Ses Œuvres ont été publiées à Venise (1772, 8 vol. in-8°), avec un Supplément (1791, 2 vol. in-8"). Outre ses comédiesféeries, elles contiennent des tragi-comédies : le Triomphe de l’amitié, Loris ou la Femme résignée, la Femme vindicative, la Chute de dona Elvire, reine de Navarre, Deux nuits pénibles, pièce tirée de Caldéron ; la Tartane charriée des influences pour l’année 1757, satire en deux chants qui eut à son apparition un succès d’enthousiasme ; la Marfisa bizzarra, épopée romanesque sur Charlemagne et sa cour, pleine des folies les plus étranges et souvent les plus gaies ; le ïtapl des vierges castiltanes, poème en deux chants, etc. Enfin, Charles Gozzi a publié les Mémoires de sa vie (Venise ; 1798).

GOZZOLI (Benozzo), peintre italien, né à Florence en 1406, mort à Pise en 147S. Élève de Kra Angelico, Gozzoli s’inspira également da Masaccio, et son œuvre rappelle tour à tour la sérénité radieuse, la poésie mystique des vierges du premier et le faire magistral du second. Après un long séjour à Florence, il se rendit à Rome pour se perfectionner dans l’étude de l’antique, et c’est là sans doute qu’il trouva ces merveilles d’architecture qui formèrent pi us tard les fonds de ses tableaux ; la eampngne romaine lui fournit aussi un grand nombre de paysages qu’il peignait avec une sûreté d’observation, un sentiment de la nature et de la couleur tout à fait inconnus de son temps. Nourri de ces fortes études, il débuta par des chefs-d’œuvre. Les fresques dont il décora l’église d’Ara-Cœli et celle de Sainte-Marie-Majeure, à Rome, furent, dès le x.ve siècle, une révélation de la grande peinture dont on vil au siècle suivant l’épanouissement complet ; malheureusement, il ne nous reste rien de ces travaux qui excitèrent l’enthousiasme des contemporains. Nous possédons, seulement les splendides fresques de l’église d’Urvieto, datées de 1447. Le choix tout mythologique des sujets : VEnlèvement de Proserpine, Orphée et Eurydice, Diane, Vénus, Hercule et les Centaures, la Descente d’Enée aux enfers, fait supposer naturellement que ce monument n’était pas, à cette époque, consacré au culte. Celles qu’il peignit dans l’église des Mineurs de Montefalco portent sa signature et la date de 1452 ; elles sont à fond d’or, comme les peintures de Giotto et de Cimabue, et représentent les principaux traits de îa vie do François d’Assise. Dix médaillons, offrant, chacun le profil d’un des personnages marquants de l’ordre des Franciscains, les.accompagnent ; trois autres médaillons isolés nous ont conservé les traits de Dante, de Giotto et de Pétrarque. Chacun d’eux est un chefd’oeuvre. Seize panneaux décoratifs, que l’on peut voir encore dans l’église Suint-Augustin de San -Gemignano, et représentant autant d’épisodes de la vie de l’évêque d’Hippone, inarquent l’apogée du talent de ce maître (U85) ; il peignit encore dans la même église un M lyre de saint Sébastien.

Do 14G8 à 1173, il exécuta la part immense qui lui revient dans la décoration du Campo-Santo de Pise, et qui ne comporte pas moins de vingt-sept tableaux (v. Campo-Santo). Il est probable qu’il se fit aider dans cette œuvre gigantesque, la plus étonnante production du xvfc siècle, et qu’on ne peut comparer qu’aux Loges de Raphaël ou à la chapelle^Sixtine de Michel-Ange. L’illustre Florentin termina sa glorieuse carrière par la Vie de saint Dominique, dont on voit encore quelques panneaux dans l’ancien couventdesdominicainsdePise.

Le Louvre possède une des plus belles pages de Gozzoli, le l’riomphe de saint Thomas d ?Aquin. La Vierge aux sain/s (musée de Florence), les Prodiges de saint Hyacinthe (Vatican) sont d’un aspect plus sévère, mais n’en donnent pas moins une haute idée de la personnalité de ce maître. Ce que Ton montre

comme de lui dans les autres galeries de l’Europe n’a aucune authenticité.

GBAA ou GRAH (Louis de), missionnaire et jésuite portugais du xvne siècle. Il se rendit en 1549 au Brésil, prit part à la fondation du

frand collège de Saint-Paul, succéda à Norega comme provincial de son ordre, contribua à l’expulsion des Français qui voulaient s’établir dan» la baie de Rio-Janeiro, et orga GRAA

nisa des missions dans toute l’Amérique portugaise. Il s’est signalé par des actes d une odieuse cruauté. Ayant appris un jour l’arrivée au Brésil d’un nommé Jean Bolès, homme d’une grande instruction et de tous points recommandable, il le fit arrêter parce qu’il appartenait à la religion protestante et le fit brûler à San-Salvador, en présence des missionnaires.

GKAAURRG ou GRABERG D’HEMSOE (Jacques), écrivain suédois, né dans l’île de GotKland en 1776, mort en 1847. A l’âge de seize ans, il s’embarqua pour l’Angleterre, servit ensuite plusieurs années dans la marine anglaise, fit plusieurs voyages en Italie, en Allemagne et en Hongrie et devint successivement vice-consul à Gênes (lSU) et à Tanger, puis consul à Tripoli (1S23) ; delà, il se rendit, en 1828, à Florence, où il résida jusqu’à sa mort. Tous ses loisirs furent consacrés à l’étude de la géographie, de la statistique, de l’histoire, de la numismatique et des langues vivantes. Il a écrit, en différentes langues, un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Sur les Scaldes (1811), Théorie de statistique (1821), tous les deux en italien ; la Scandinavie vengée (1822), en français, écrit dans lequel il prouve l’existence d’une civilisation réelle dans les pays du Nord à l’époque de la migration des peuples ; Géographie et statistique de l’Algérie (1834) et Géographie et statistique du Maroc (1835), en allemand, etc. Graaberg était membre de plus de soixante^ sociétés savantes, et son cabinet de numismatique, de camées et d’autres antiquités comptait parmi les plus riches collections particulières de l’Europe.

GRAAF (Nicolas de), voyageur hollandais, né au commencement du xvnû siècle, mort dans un âge avancé. Il parcourut, en qualité de chirurgien de marine, les mers de l’Europe, de la Chine et de l’Inde. Il a composé, en hollandais, un récit de ses longues explorations, qui a été traduit en français sous le titre de Voyages de Nicolas de Graaf aux Indes orientales et en d’autres lieux de l’Asie, etc. (Amsterdam, 1719, in-12).

GKAAF (Régnier de), médecin et physiologiste hollandais, né à Schoonhoven, près d’Utrecht, en 1641, mort à Delft en 1673. 11 vint terminer ses études médicales en France, se fit recevoir docteur à Angers (1GG5) et, da retour dans sa patrie, pratiqua avec succès son art à Delft. Graaf a laissé des ouvragés où l’on trouve un grand nombre de faits bien observés et quelques découvertes intéressantes. Il a fait mieux connaître le sac pancréatique, a découvert les ovules qui portent son nom, et a établi que les vivipares, aussi bien que les ovipares, naissent d un œuf. Il soutint, sur ces diverses questions, une vive polémique contre Swammerdam. Ses deux ouvrages capitaux ont pour titre : Disputulio medica de natura et usu sacci pancreatici (Leyde, 1663, in-12) ; De mulierum organis générationi inservieutibiis iractatus novits, demonstrans homiues et animalia, cœteia omnia quse vivipara dicuntur, haud minus quam ovipara, ab ovo originem ducere (Leyde, 1672, in-8<"). Ses ouvrages ont été réunis et publiés à Leyde sous le titre de : Opéra omnia (1677, in-8").

GR iAF (Abraham de), géomètre hollandais contemporain de Descartes. On a de lui un Cours de mathématiques en hollandais (Amsterdam, 1679), remarquable pour le temps.

GRAAF-REVNET, village de l’Afrique australe, dans la colonie anglaise du Cap de Bonne-Espérance, sur le Zondag, à 6S6 kilom. N.-E. do la ville du Cap, ch.-l. d’un district de même nom ; 1,000 hab. Le district de Graaf-Reynet touche à l’Hottentotie et à la Cafrerie ; sa superficie est d’environ 22,000 kilom. carrés, avec une population de 15,000 hab. Élève de bestiaux.

GRAAH (Pierre-Hersleb), jurisconsulte danois, né à Copenhague en 1750, mort en 1830. Il fut successivement secrétaire de chancellerie (1774), juge provincial (1777), bailli et conseiller de justice à Bornholm (1778), assesseur du tribunal supérieur (1784), et enfin conseiller d’État (1802). Graah a publié, entre I autres ouvrages : Pensées d’un paysan au sujet des droits et devoirs des propriétaires et des fermiers (1785) ; Essai d’un abrégé de statistique pour les écoles (1798) ; Législation rurale du roi Christian Vil (1797-1809) ; Contes' historiques concernant la bravoure et la fidélité des anciens dans les guerres de terre et de mer (1803) ; le Navigateur bien instruit (1800).

GRAAH (Guillaume - Auguste), voyageur danois, né en 1793. A vingt ans, il entra dans l’état-major de la marine et fut nommé, en 1832, membre de la direction du commerce du Groenland et des lies Féroe. M. Graah a fait, de 1828 à 1831, un voyage d’exploration sur la côte du Groenland, au sujet duquel il a publié un ouvrage à Copenhague (1832, in-4<>, avec planches). Il a publié, en outre, une Description^ de la carte des eûtes occidentales du Groenland (1825, in-4<>).

GRAAL s. m. (gra-al — du bas latin gradalis, gradalus, sorte de vase, dont l’origine est inconnue. Diez, cependant, se demande si l’étymologie ne serait pas le latiu crater, coupe, pour lequel on a dit cratus, et d’où serait provenue une forme dérivée cralale, cratiale).’ Vase à boire. Il Vieux mot.

— Ilist. litt. Saint-Graal, Vase mystique

GRAÂ

dont il est parlé dans les romans de chevalerie.

— Encycl. Le Graal ou Saint-Graal est un vase qui fut célèbre au moyen âge, mais dont il est assez difficile de fixer l’usage et d’établir même l’existence. Selon les uns, ce fameux vase avait contenu l’agneau pascal que Jésus mangea avec ses douze disciples, dans la dernière cène ; selon d’autres, le vin lui-même sur lequel le Sauveur prononça les paroles qui sont devenues depuis celles de la consécration du calice. Une légende, que nous racontons plus loin, ajoutait que c’était dans ce vase mystérieux que Joseph d’Arimathie avait recueilli le sang qui avait coulé des plaies du Sauveur. Ce vase aurait ensuite été transporté dans la Grande-Bretagne. Toutefois, un Saint-Graalse trouvait aussi en Normandie, dans l’abbaye de Fécamp : c’était une fiole de cristal, renfermant quelques gouttes coagulées du précieux sang ; mais celui-ci aurait été recueilli par Nieodème, qui embauma le corps de Jésus-Christ. Naturellement, le Saint-Graal opérait ries miracles. Cette sainte relique, après avoir été vénérée en terre sainte, à Rome et dans la Grande-Bretagne, semblait à jamais perdue, lorsqu’elle fut retrouvée tout à coup, en 1102, dans le sac de la ville de Césarée. Alors, le Graal devint la propriété des Génois, et, pendant plusieurs siècles, il fut montré aux fidèles dans l’église cathédrale de Gênes, sous le nom de Sacro Catino. À l’époque des guerres et conquêtes de la Révolution, on examina le Saint-Graal, et l’on démontra sans difficulté qu’il n’était pas, comme on l’avait affirmé jusque-là, taillé dans une gigantesque émeraude, mais qu’il était tout simplement-fait de verre, et la forme que lui donne la planche publiée à cette époque démontre d’une manière irréfutable que le Saint-Graal appartenait à l’antiquité païenne.

Une autre légende raconte que le vase dans lequel Jésus-Christ célébra la cène avec ses disciples la veille de sa passion avait été emporté et gardé par les anges dans le ciel, jusqu’à ce qu’il se trouvât sur la terre une lignée de héros dignes d’être préposés à sa garde et à son culte. Le chef de cette lignée fut un prince de race asiatique, nommé Pérille, qui vint s’établir dans la Gaule, où ses descendants s’allièrent par la suite avec les descendants d’un ancien chef breton. Titurel fut celui de l’héroïque lignée à qui les autres apportèrent le Graal pour en fonder le.culte. Le prince élu pour ce grand et mystérieux office fit bâtir, sur le modèle du temple de Salomon à Jérusalem, un magnifique temple dans lequel fut déposé le Graal. Il y avait dans la forme extérieure du Graal quelque chose de mystérieux et d’ineffable, que le regard humain ne pouvait bien saisir, ni une langue humaine décrire complètement. Du reste, pour jouir de la vue même imparfaite du saint vase, il fallait avoir été baptisé ; il était absolument invisible aux païens et aux infidèles. Les biens spirituels attachés à la vue et au culte du Graal se résumaient tous en une certaine joie mystique, avant-coureur de celle du ciel. Les biens matériels, effets de la présence du saint vase, étaient toute nourriture terrestre et tout ce que pouvaient souhaiter ses adorateurs de rare et d’exquis. Il les maintenait dans une jeunesse éternelle et leur assurait encore bien d’autres privilèges non moins merveilleux. Il existait une milice guerrière instituée pour la garde et la défense du Graal. <

Les membres de cette milice se nommaient les templistes, c’est-à-dire les chevaliers ou les gardiens du temple. Us étaient sans relâche occupés, soit à des exercices chevaleresques, soit à combattre les intidèles. Pour être admis dans l’ordre des chevaliers du Graal, la première condition était de rester chaste de corps et d’esprit. Tout amour sensuel et le mariage lui-même étaientlnterdits. Par contro, le ciel, était assuré à tout chevalier du Graal, et, sur la terre même, dans les combats qu’il était constamment obligé de livrer, il

! jouissait de privilèges surnaturels. S’il combattait

le jour même où il avait vu le Graal, il ne pouvait être blessé ; s’il combattait dans un intervalle de huit jours, à partir de celui où il s’était trouvé en présence du vase saint, il pouvait être blessé, mais non tué.

Nous n’entrerons pas dans de plus longs détails sur cette chevalerie idéale, sur laquelle les chroniqueurs s’en sont donné à cœur joie. Rien n’égale les miracles de valeur qu’accomplirent les mystérieux chevaliers du saint vase. Les romans relatifs à leur histoire forment presque tout un cycle littéraire, qu’il nous reste à examiner rapidement. Ils se distinguent en deux parties : ceux qui se passent dans la Gaule, et ceux qui ont lieu dans la Grande-Bretagne, Les principaux de ces romans sont au nombre de quatre : le roman du Graal proprement dit, celui de Merlin l’enchanteur, celui de Lancelot du Lac et celui de Tristan et Isolde ou Yscult. Nous n’avons à nous occuper ici que du roman du Graal proprement dit.

Ce roman existe sous une double forme, en vers et en prose. Quoi qu’on en ait dit, le roman en vers parait incontestablement plus ancien ; mais à quelle époque remonte-t-il et quel en est l’auteur ? voilà ce qu’on n’a pu découvrir. Le fragment qui existe, et qui se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris, manuscrit unique, ne nous

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1415

donne aucun renseignement là-dessus. Les manuscrits du roman en prose sont plus nombreux. C’est au xn« siècle que Gautier Map, chapelain du roi d’Angleterre Henri II, rédigea en latin le roman du Saint-Graal. Son travail fut mis en français par Robert de Borron. En voici l’analyse :

Le jour où le Sauveur fut crucifié, il se trouva à Jérusalem un des guerriers et vassaux d’Hérode, du nom de Joseph d’Arimathie ; il était converti à la foi chrétienne, mais sans oser le témoigner publiquement, dans la crainte d’être persécuté. Quand Joseph eut vu le divin Maître sur la croix, il se transporta chez Simon le Lépreux, auquel il acheta l’écuelle dont le Sauveur et ses douze apôtres s’étaient servis pour la Cène. Il ne s en tint pas là ; il voulut rendre à Jésus-Christ les honneurs de la sépulture. À cet effet, il alla trouver Hérode, lui demanda, pour récompense de ses services, et obtint sans difficulté le corps du crucifié. Ayant ce corps en son pouvoir, il le mit dans le sépulcre, après avoir recueilli le sang des plaies dans l’écuelle achetée par lui. Les Juifs, courroucés contre Joseph, l’enlevèrent de nuit et le conduisirent à cinq lieues de Jérusalem, dans une obscure prison. Le Sauveur, après sa résurrection, vint le visiter et lui apporta le vase dans lequel avait été recueilli le sang divin. Joseph d’Arimathie resta dans cetté prison pendant quarante-deux ans, sans prendre aucune nourriture. La quarante-deuxième année de son emprisonnement, il arrivn que Titus, fils de 1 empereur Vespasien, devint lépreux, et fut guéri par la vertu miraculeuse d’une pièce de toile où la face de Jésus-Christ était miraculeusement empreinte. Titus fit vœu alors d’aller à Jérusalem venger la mort de Jésus-Christ sur tous ceux qui y avaient eu part. Il tint parole et fit brûler tons les meurtriers et persécuteurs du Messie. Dans cette occasion, il apprit la captivité de Joseph d’Arimathie et le fit mettre en liberté.

Le Sauveur apparut ensuite à Joseph d’Arimathie, lui commanda de se faire baptiser ; et d’aller vers l’Euphrute pour prêcher la foi nouvelle. Avant de partir pour cette expédition, Joseph persuada à Titus lui-même de recevoir le baptême avec tous les siens. Joseph rassembla ensuite tous ses parents, leur donna également le baptême, puis, se mettant à leur tête* il s’achemina vers l’Euphraté ! Le reste de ce livre n’est plus qu’une série dd miracles opérés par le saint vase. Les anachronismes et les invraisemblances n’embarrassent nullement l’auteur. Il fait vivre Joseph d’Arimathie jusqu’à l’invasion des Saxons dans la Grande-Bretagne, et il conduit son récit jusqu’à la mort de Lancelot Ier, grand-père de Lancelot du Lac.

Dans le second livre, l’auteur raconte que l’évêque Joseph, fils de Joseph d’Arimathie, avait établi la table du Saint-Graal en réservant une place vide, pour figurer celle que Jésus occupa le jour de la sainte Cène. 11 avait prévenu tous ceux qui venaient s’asseoir à cettenable que nul ne pourrait, sans péril ; occuper cette place vide, jusqu’à ce que Dieu eût suscité un chevalier de la race de Joseph d’Arimathié, .qui s’appellerait Galaad. Ce Galaad ne se présenta qu’au temps d’Artus, roi de la Grande-Bretagne, qui in■ stitua les chevaliers de la Tablé-Ronde, précisément à l’instar de celle qu’avait instituée Joseph, l’évêque, avec réserve aussi d’une place vide pour le Saint-Graal. Mais il manquait à cette table le Saini-Grâal même, qui était gardé à la cour du roi pêcheur, et pour la conquête duquel Lancelot du Lac, Galaad son fils, Perceval et Boort, tous chevaliers de la Table-Ronde, s’armèrent et firent de grandes prouesses. Ce sont ces exploits qui remplissent le second livre en entier. On y trouve encore les hauts faits d’Artus, de Gauvain et de son neveu, de Meliot de Logres, de Melians de Danemarck, de Perlevaulx, etc.

Nous avons supposé plus haut que l’auteur du roman en vers était inconnu, sans ignorer pourtant qu’il a été attribué à Christian do Troyes. Le provençal Guiot, qu’on suppose avoir vécu vers 1160 ou 1180, en fit le sujet d’un poëme qu’il composa dans la langue française du nord. Comme sources auxquelles il aurait puisé, il indique un manuscrit d’un Arabe qu’il nomme Flegelantis, manuscrit qu’il trouva à Tolède, et une chronique latine du pays d’Anjou. Wolfram d’Eschenbaels, le plus célèbre des minnesingers d’Allemagne, eut connaissance de l’histoire de Parcival dans l’œuvre de Guiot et en fit le sujet de son magnifique poème, qu’il compléta, plus tard, par celui de Titurel. Il y rattacha la légende do Klingsor et celle de Lohengrin, et fit arriver le Graal chez le prêtre Jean, alors que d’autres postes prétendaient que le vase sacré était re^ tourné au ciel. Il existe aussi une version anflaise, écriteparHenri Lomelich, sous le règne e Henri IV, qui contient l’histoire de Joseph d’Arimathie et celle de Merlin. Le roman du Graal, rajeuni, fut imprimé à Paris en 1516, par Jehan Petit, Galiot du Pré et Michel le Noir, en 1 vol. petit in-fol. Philippe le Noir en donna à Paris, en 1523, une réimpression qui est aussi rare que l’édition originale. Francisque Michel en a donné une excellente édition d’après le manuscrit de Paris. Au moyen âge enfin-, cette histoire a fourni le sujet d’une tapisserie appartenant au roi Charles V, et qui, dans 1 inventaire des richesses royales, fut désignée par ces mots î Tappis à ynwges du Saint-Graal.