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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 4, Gile-Gyz.djvu/78

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GNOM GNOM GNOS GNOS


la hauteur du soleil de la longueur de l’ombre du style. Comme il est difficile de fixer exactement l’extrémité de l’ombre d’un corps, le stvle se termine ordinairement par une petite ouverture qui laisse passer un rayon de soleil : de cette manière, l’ombre se mesure depuis le pied du style jusqu’au point lumineux formé par le rayon.

On commence par tracer, sur une surface


horizontale bien plane, une ligne droite qui coïncide avec la méridienne du lieu. Sur cette ligne on pose le pied du gnomon, maintenu vertical. Au moment du midi vrai, c’est-à-dire lorsque le soleil est dans le méridien et que l’ombre du gnomon se projette sur la méridienne, on mesure cette ombre.

Soient PH un gnomon (fig. l) dont nous représenterons la hauteur par A, et AP l

Fig. 1.


la longueur de son ombre, lorsque le soleil est en S. La hauteur de l’astre au-dessus de l’horizon est indiquée par l’angle HAP, ou A, et l’on a pour mesure de cette hauteur

tang A A / l

À une autre époque, le soleil sera en S’et l’ombré sera PA’= L’. On aura une hauteur différente,

tang A’ A / l’

Lorsqu’on connaît ainsi, pour une année, la plus grande et la plus petite hauteur du soleil, il est aisé d’en déduire la latitude λ du lieu et l’obliquité de l’écliptique ω. En effet, soient (fig. 2) ZSES’E’ le méridien du lieu,

Fig. 2.

Z le zénith, EE’ l’intersection du plan de l’équateur avec le plan méridien, S la position au solstice d’été. S' sa position au solstice d’hiver ; on a évidemment

ZS' ZS SE ES’,
ZS ZS’ 2ZS 2SE,
1/2 (ZS + ZS') ZS + SE ZE 1.

Ainsi, la latitude 1 est égale à la demi-somme des distances zénithales du soleil. Or, comme on peut le voir dans la figure 1, la distance zénithale SHZ = AHP est le complément de la hauteur A. du soleil ; elle est donc donnée par le gnomon. Pareillement on aurait

ω SE 1/2 (ZS’ - ZS),

c’est-à-dire que l’obliquité de l’écliptique est égale à la demi-différence des distantes zénithales du soleil considéré dans les deux, solstices.

C’est en évaluant ainsi, tous les jours, la hauteur méridienne du soleil, que Pythéas, 350 ans avant notre ère, détermina, à Marseille, le jour du solstice d’été auquel correspond la hauteur maximum du soleil. Ces mesures ont suffi pour faire reconnaître la diminution, progressive de l’obliquité de l’écliptique.

La méthode du gnomon paraît avoir été en usage chez les Chinois, les Égyptiens et les Péruviens. Les gnomons ont du être d’ailleurs, dit Lalande, les premiers instruments astronomiques qu’on ait imaginés, parce que la nature les indiquait, pour ainsi dire, aux hommes : les montagnes, les arbres, les édifices sont autant de gnomons naturels, qui ont fait naître l’idée des gnomons artificiels, qu’on a ensuite employés partout.

On ne cite guère, dans les temps modernes, que deux gnomons qui aient eu quelque célébrité, moins à cause des soins, pourtant minutieux et intelligents, apportés à leur construction, que par les observations précieuses qu’ils procurèrent aux astronomes ; ce sont :


le gnomon de l’église Sainte-Pétronne, à Bologne, construit, en 1653. par J.-D. Cassini, et celui de l’église Saint-Sulpice, à Paris. Celui-ci, établi par Lemonnier en 1742, a 7 mètres de hauteur. La plaque percée est adaptée à la partie supérieure du portail latéral du sud, et la trace du méridien, passant par le trou de la plaque, est figurée sur le pavé de l’église par une ligne de cuivre qui traverse l’édifice dans sa plus grande largeur.

GNOMONIQUE adj. (ghno-mo-ni-ke — rad. gnomon). Qui a rapport à l’art de tracer des cadrans solaires : Science gnomonique. || Colonne gnomonique, Cylindre sur lequel les heures sont marquées par l’ombre que projette un style ; obélisque dont l’ombre servait anciennement à marquer les heures. || Polyèdre gnomonique, Polyèdre sur les différentes faces duquel on a tracé des cadrans solaires.

— s. f. Art de construire des gnomons et des cadrans solaires.

Encycl. La gnomonique est la théorie de la construction des cadrans solaires. Notre but n’est pas de traiter ici de cette construction ; cette question, beaucoup trop simple pour arrêter aujourd’hui les moindres géomètres, a été suffisamment traitée aux articles cadran et gnomon ; mais la gnomonique ayant été pour l’antiquité et le moyen âge une des sciences pratiques les plus importantes, son histoire n’est pas sans intérêt. C’est cette histoire que nous allons exposer le plus rapidement possible.

Suivant Diogène Laerce, ce serait Anaximandre, le successeur de Thalès, qui aurait le premier établi un gnomon en Grèce, et ce serait à Sparte que cette invention aurait été inaugurée. Le gnomon d’Anaximandre était simplement une pyramide dont l’ombre, par sa direction, indiquait le milieu du jour. Anaximène ajouta, quelque temps après, les lignes d’ombre correspondant aux autres heures de la journée.

D’après Hérodote, au contraire, la connaissance de la hauteur du pôle et l’art de construire des cadrans solaires auraient été importés en Grèce par un Chaldéen nommé Bérose, qui était venu fonder à Cos une école, environ 30 ans avant l’époque où Hérodote écrivait. Jusque-là les Grecs n’avaient guère eu d’autre moyen de connaître l’heure que par la grandeur de leur ombre. On disait : L’ombre a dix pieds ; combien de pieds a l’ombre ? et ces expressions ont subsisté encore longtemps après qu’on a eu construit des cadrans solaires.

Vitruve nous a conservé les noms des différents genres de cadrans solaires employés chez les anciens, ainsi que ceux de leurs inventeurs. Il attribue, d’après Hérodote, à Bérose le cadran appelé hémicycle, que l’on croit être un demi-cylindre creux, ayant ses génétrices parallèles à la ligne des pôles et portant un style perpendiculaire à cette ligne, fixé en un point de la génératrice inférieure. La pointe de ce style étant supposée sur l’axe idéal du cylindre, l’ombre qu’elle portait sur la cavité du cylindre dessinait chaque jour une section transversale du cylindre, et la division du cadran se réduisait au tracé, sur chacun des côtés de la cavité, de six génératrices équidistantes entre elles à partir de la génératrice inférieure.

Le scaphé fut imaginé par Aristarque de Samos. C’était une demi-sphère creuse, portant un style dont la pointe marquait le centre. L’ombre projetée par cette pointe décrivait encore chaque jour un cercle, mais ce cercle décroissait de l’équinoxe au solstice. La division du cadran s’obtenait par le tracé de grands cercles équidistants et dont les plans se coupaient suivant la ligne des pôles. On a retrouvé plusieurs de ces cadrans dans les


ruines d’une maison sise à Tusculum, à Castel-Nuovo et à Pompéi. Le disque est aussi attribué à Aristarque de Samos. On croit que le tableau suivant les lignes d’ombre y était plan.

Eudoxe de Cnide imagina l' arachné, dont nous ne connaissons pas la construction ; Scopas de Syracuse, le plinthe ; Parménion, le pros-ta-istoronmena ; Théodore, le pros-panclinia ; Patrocle, le pélécinon ; Diouysidore, le cône, et Apollonius, le carquois, qui ne nous sont pas connus davantage. Vitruve cite encore le gonarché, l’eugoniaton et l' antiboreum. Les anciens avaient aussi des cadrans portatifs à suspension, dont a retrouvé quelques types. On peut consulter, pour connaître, autant que cela se peut, tous ces genres de cadrans, le Traité des horloges solaires des anciens, par Martini. Les modernes, à mesure que l’astronomie exigeait des observations plus exactes, ont cherché les moyens de rendre leurs cadrans plus justes ; mais la théorie en est si simple qu’ils avaient naturellement fort peu à y ajouter. La prodigieuse multiplicité des traités de gnomonique tient donc beaucoup plus à la généralité de l’usage qu’on en faisait qu’à la difficulté de la matière. Toutefois un grand nombre d’auteurs se plaisaient à multiplier les indications de toutes sortes que l’on peut joindre sur le cadran aux plus indispensables. Outre les arcs des signes, propres à indiquer les passages du soleil par les points de division du zodiaque, les lignes des heures comptées à partir du lever du soleil, etc., on traçait encore souvent sur le même cadran les ligues des heures relatives à certaines villes, comme Rome, Jérusalem, etc.

Les Arabes nous ont laissé un grand nombre de traités de gnomonique, dont la plupart sont restés manuscrits. Le premier qui ait été imprimé en Europe est celui de Jean Schoner, astronome du xvie siècle ; il a pour titre : Horarii cylindri canones ; ensuite viennent ceux de Munster et d’Oronce Fuia. Le premier parut à Bâle en 1531, sous ce titre : Compositio horologiorum in piano muro, truncis, annulo, etc. ; le second fut imprimé à Paris en 1532, et est intitulé : De horologiis solaribus et quadrantibus libri quatuor. Nous citerons encore : Degli horolagj solarj, du chartreux Vico Mercati ; De horoiogiorum descriptione, de Commandin ; De linea horariis, de Maurolicus de Mussim (1575), De compositione et usu multiformium horologiorum, de Jean de Padoue ; De gnomonum uni umbrarumque solarium usu, de Benedictis (1574) ; Gnomici libri octo, de Chavius (1531) ; Ars magna lucis et umbræ, du P. Kircher (1646) ; Perspectiva horaria sive de horologiographia tum theorica, tum practica, du P. Maignan (1648) ; Description and use of a great universal quadrant, de J. Colhns (Londres, 1658) ; la Méthode gnomonique d’après Desargues, par Bosse ; la Gnomonique de de La Hire, enfin celle d’Ozanara.

GNOMONI5TE s. m. (ghno-mo-ni-sterad. gnomon). Celui qui s’occupe de gnomonique, qui écrit sur cet art.

GNOPHOS s. m. (ghno-foss — mot gr. qui signifie ténèbres). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, de la tribu des phalénites.

Encycl. Les lépidoptères nocturnes qui composent le genre gnophos étaient rangés autrefois parmi les phalènes. Ils sont caractérisés par leurs antennes, simples dans les deux sexes, et par leurs ailes, surtout les inférieures, plus ou moins dentelées et entièrement grises, avec des lignes dentelées ou ondulées. Les chenilles ont le corps cylindrique, assez court, une peau lisse, et deux petites pointes charnues situées sur le onzième anneau et inclinées vers l’anus. Elles ont une couleur sombre et une roideur dont on s’assure surtout en les touchant ; elles ressemblent à de petits rameaux de bois sec faisant partie de la branche où elles se trouvent. Elles s’enfoncent en terre et ne forment pas de coque pour se métamorphoser en chrysalides. On en connaît une douzaine d’espèces, dont plusieurs habitent la Erance.

GNOPHRIE s. f. (ghno-frl— du gr. gnophéros, obscur, noir). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, voisin des lithosies.

GNORIME s. m. (ghno-ri-me — du gr. gnurimus, connu, célèbre). Entom. Genre d’insectes coléoptères de la famille des lamellicornes, comprenant six espèces, dont trois habitent l’Europe.

GNORISTE s. f. (ghno-ri-ste — du gr. gnoristês, qui connaît). Entom. Genre d’insectes diptère ? némocères, de la famille des tipules, dont l’espèce type habite la Prusse.

GNOSE s. f. (ghno-ze — du gr. gnàsis, connaissance). Philos. Science supérieure aux croyances vulgaires ; connaissaueii, savoir par excellence ; se dit particulièrement en théologie : On a voulu introduire une fausse gnose à la place de la véritable. (Boss.) — Hist. relig. Doctrine des gnostiques, gnosticisme.

GNOSIMAQUE s. m. (ghno-zi-ma-ke — du gr. gnôsis, science ; mukê, combat). Hist. relig. Nom donné à certains sectaires chrétiens, 3uj prétendaient que Dieu ne demande que es bonnes œuvres, etpointdu tout de science religieuse ou’autre.

GNOSSE, ancienne ville de l’île de Crète. V. CNOSSE.


GNOSSIEN, IENNE s. et adj. (ghnosinin, iè-ne). Géogr. anc. Habitant de Gnosse ; qui appartient à Gnosse ou à ses habitants : —Les Cretois ou Gnossikns. La population gnos- SIKOTlï.

— Astron. Couronne ou Étoile gnossienne. Ancien nom de la couronne d’Ariane.

GNOSTICISME s. m. (ghno-sti-si-smerad. gnostique). Philos. Système de philosophie dont les partisans prétendaient avoir une connaissance sublime de la nature et des attributs de Dieu. Paul fut amené à la christoloyie par le gnosticisme. (Rev. german.).

Encycl. Le gnosticisme est un ensemble de doctrines mystiques et philosophiques, qui lient une place considérable dans l’histoire intellectuelle et morale des premiers siècles de notre ère. Le mot gnose (gnàsis) doit être compris comme l’opposé de pistis, foi. La foi avait pour objet des faits historiques ou la simple exposition du dogme ; elle constituait la science vulgaire de la masse des chrétiens. La gnose, au contraire, était faite pour un petit nombre d’élus ; son objet était de creuser les idées, de remonter aux principes, de créer en un mot, la philosophie du christianisme.

On se tromperait néanmoins en croyant que la gnose est essentiellement un fait chrétien. Par son origine, son but et ses efforts, elle est beaucoup plus large qu’une religion quelconque n’aurait pu l’être ; c’est la libre pensée cherchant à expliquer à la fois le monde, la société, les croyances et les mœurs, le tout à l’aide de la tradition ; ce qui montre qu’il ne faut pas confondre ici libre pensée avec rationalisme. L’esprit de la gnose aux 1er et au iie siècle de notre ère existait dans les sanctuaires du polythéisme grec, dans les écoles philosophiques, chez les chrétiens, chez les Juifs, chez les Égyptiens.

La lutte entre les simples chrétiens et les gnostiques commença dès le début. Les gnostiques étaient forts de leur supériorité intellectuelle ; il y avait néanmoins chez eux une cause d’infériorité sous l’influence de laquelle ils devaient succomber : ils avaient fait de la libre pensée le premier principe de leur doctrine ; de fait, la libre pensée les tua. Chacun de leurs chefs eut un système personnel. La lutte des systèmes entre eux et les transformations successives dues à l’intervention continuelle de l’esprit personnel firent en peu de temps du gnosticisme un labyrinthe inextricable. Il existe entre le bouddhisme et le mouvement mystique des premiers siècles de notre ère des points de ressemblance, pour le fond et la forme, qui semblent indiquer que le gnosticisme est venu de l’Inde. Le fond du bouddhisme et des doctrines de l’ancienne Perse était de réagir contre le principe du mal ou la matière, car le dualisme est le thème commun des systèmes et des religions de l’Orient. Tel est aussi le caractère éminent du gnosticisme. Il ne s’occupe pas seulement de l’origine du mal, comme le pensent en France plusieurs historiens, parmi lesquels M. Matter (Histoire critique du gnosticisme, Paris, 1828, 3 vol. in-8o) ; il a en vue la lutte des deux principes, le bien et le mal, ou, si l’on veut, la matière et l’esprit, autre mode sous lequel les deux principes se manifestent. Il s’efforce de montrer partout le parallélisme du monde supérieur des esprits et du monde inférieur des corps.

Selon les gnostiques, Dieu est un être surnaturel et invisible ; il se manifeste par voie d’emanation. Les émanations de Dieu sont une longue série de génies (les éons — εωνιζ. C’est un de ces génies qui a créé la terre et l’homme, d’où lui vient le nom de démiurge (architecte de la création). Malheureusement il a créé le monde avec le concours de génies hostiles au bon principe. Pourquoi ? Le gnosticisme ne l’explique pas. Il constate un fait : c’est que le bien et le mai se coudoient dans la nature ; et que, par conséquent, le mauvais principe a participé à cette œuvre. Il espère qu’un génie ou éon supérieur viendra délivrer l’humanité du joug de la matière. N’est-ce qu’une simple espérance ou est-ce un pressentiment du progrès ? Il est difficile de le savoir. Mais le progrès, ou l’action lente de l’éon sauveur, doit être aidé par les efforts de l’homme. Cette conception philosophique, d’ailleurs, la gnose ne la donne pas comme une opinion acquise par elle au spectacle de ce qui se passe dans la nature. C’est une tradition apostolique ; car, suivant les docteurs de la secte, les apôtres avaient transmis à un petit nombre d’initiés une doctrine secrète et le moyen d’interpréter l’Écriture sainte selon cette doctrine.

La gnose ne fut point une hérésie chrétienne, mais bien la philosophie du christianisme lui-même. Si elle n’a pas survécu, au moins a-t-elle servi à la destruction des cultes sur les ruines desquels le christianisme a établi sa domination. Elle finit par le compromettre ; mais auparavant elle lui avait frayé le chemin. Elle venait à une époque de dissolution universelle des croyances et des idées. Elle put dire au polythéisme ; « Vous n’avez plus de religion ni de philosophie ; vous n’avez plus que de la mythologie et du scepticisme ; » aux Juifs : « Votre révélation n’est pas de l’Être suprême ; elle est l’œuvre d’une divinité secondaire, d’un démiurge ; vous ne connaissez donc ni l’Être suprême ni sa loi ; une preuve de ce fait est que vous attendez