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nis, Charlemagne envoie des moines en Palestine. » Une révolution s’opère, mais sourdement, lentement ; on se préoccupe bien plus à cette époque de ce qui se passe au ciel que de ce qui se passe sur la terre. Nulle relation du VIIIe ni du IXesiècle ne nous fait clairement comprendre si l’on a quelques idées nouvelles sur l’histoire naturelle de l’Europe. Les Grecs n’ont pas perdu tout souvenir de la science réelle. Grâce à la peinture, on a quelques idées sur la forme des animaux sauvages ; l’histoire naturelle de ces siècles d’ignorance se réfugie chez les peintres bien plus que chez les philosophes. Les pieux dessinateurs de manuscrits, au milieu de leurs fantaisies dépourvues de règle, font preuve parfois d’un véritable esprit d’observation. Quand l’esprit d’étude se révèle, il prend d’abord une fausse direction. On n’étudie la nature que dans les livres. Les idées empruntées à Aristote et aux autres auteurs anciens, ou plutôt à leurs traducteurs infidèles, les traditions bibliques, les légendes orientales incomplètement connues, et par-dessus tout les efforts d’une imagination féconde et désordonnée s’associent d’une manière bizarre, et il en résulte le plus singulier amalgame de doctrines. C’est alors que nous voyons apparaître cette foule d’animaux et de végétaux fabuleux, qui peuplent, non-seulement les manuscrits, mais les façades des cathédrales, Bon nombre d’entre eux ont traversé les âges, et, malgré le progrès de la science, passent encore pour avoir une existence réelle aux yeux des populations ignorantes de quelques provinces.

Les croisades rapportèrent de l’Orient quelques espèces animales et végétales inconnues jusqu’alors. Mais les progrès accomplis à cette époque sont à peine sensibles. Albert le Grand lui-même, à qui ses vastes connaissances ne pouvaient manquer d’attirer une réputation de sorcellerie, ne nous apparaît que comme une brillante individualité scientifique, dont l’influence n’a pas été assez puissante pour dissiper les ténèbres générales. Il fallait pour cela d’autres événements, le réveil des études en Italie, les poèmes de Dante, les voyages des Portugais, la prise de Constantinople par les Turcs, qui fit refluer les savants vers l’Occident, l’invention de l’imprimerie, la découverte de l’Amérique, qui terminent l’ère du moyen âge.

La belle époque de la Renaissance ouvre de nouveaux horizons ; tandis que Bélon et Rondelet répandent un jour nouveau sur le règne animal, qu’Olivier de Serres fonde l’agriculture moderne, Bernard Palissy jette les premiers fondements de la géologie et de la paléontologie rationnelles. On cesse alors d’étudier la nature dans les livres des anciens ; on veut observer directement les faits. Chaque jour amène un progrès. Les Bauhin, tes Gesner, les Morison, les Perrault, les Tournefort et bien d’autres encore font pénétrer de plus en plus les méthodes scientifiques dans l’étude des êtres.

Avec Linné, l’histoire naturelle semble atteindre son apogée. Ce savant, qu’on peut appeler avec raison l’Aristote des temps modernes, a été le législateur de cette science ; le premier, il a tracé un tableau méthodique de tous les êtres des trois règnes connus de son temps ; et, si des études plus approfondies ont fait modifier ses systèmes, son génie, sa méthode, sa nomenclature sont restés comme une direction à suivre, un modèle à imiter. Linné suffirait seul à la gloire du XVIIIe siècle, et ce siècle a produit encore des naturalistes tels que Buffon, Jussieu et Pallas.

Le siècle actuel, qui commence moralement en 1789, est une dernière et brillante époque pour l’histoire naturelle. Comment rappeler tous les noms qui se sont illustrés ? Qu’il nous suffise de citer Geoffroy-Saint-Hilaire, Cuvier, Lamarck, De Candolle, Blainville, Haüy, Latreille, Duméril, etc., etc. Mentionnons surtout les voyages et les expéditions scientifiques, la création de nombreuses sociétés savantes, de jardins botaniques et zoologiques, les applications agricoles, les perfectionnements apportés à l’élève des races animales et végétales.

Pour compléter ce rapide aperçu, nous ne pouvons que renvoyer aux articles spéciaux où l’histoire naturelle se trouve, pour ainsi dire, détaillée : minéralogie, géologie, botanique, zoologie, mammalogie, ornithologie, entomologie, malacologie, , etc., etc.

— Allus. littér. Et voilà justement comme on écrit l’histoire, Vers tiré d’une pièce de Voltaire intitulée Charlot. Henri IV est attendu dans un château, qu’il honore de sa visite. Les gens de la maison, échelonnés sur la route pour annoncer son arrivée, donnent une fausse alerte, et l’intendant dit à la châtelaine :

Ils se sont tous trompés, selon leur ordinaire.

Tout le monde a crié ; le roi ! sur les chemins ;
On le crie au village et chez tous les voisins ;
Dans votre basse-cour on s’obstine à le croire ;
Et voilà justement comme on écrit l’histoire.

Ce vers est devenu proverbial, et sert à caractériser un récit inexact, infidèle.

« Froide et impassible aux yeux de sa cour
et de toute l’Europe, on ne voit en Catherine
qu’un grand politique, un conquérant, un roi
législateur ; c’est la raison, la philosophie sur
le trône ! et Voltaire l’appelle un sage. Ah !
s’il avait été à ma place, il saurait à quoi s’en
tenir…. Et voilà comme on écrit l’histoire.
Ah ! que de fois j’ai maudit l’empire du jupon ! »
                     E. Scribe.

« On a tort de plaindre les détenus politiques.
M. Dufaure a pris la peine de les visiter ;
ils sont fort gais, et ne se doutent pas
des barbaries qu’on vient dénoncer à la tribune.
Il y a bien, il est vrai, un mémoire signé
par huit cents détenus ; mais il ne faut pas
s’en inquiéter ; ces huit cents signatures ont
été extorquées par trois mauvais garnements
sans cesse en révolte contre le régime paternel
des pontons…. Voilà comment se fait l’histoire à la tribune !  »
              Louis Blanc.

« Quant aux jardins de l’Alcazar, malgré
ma bonne volonté de voyageur, je ne saurais
retrouver la magnificence qui a inspiré aux
auteurs de la Favorite ce morceau de poésie
si populaire :
   
   Jardins de l’Alcazar, délices des rois maures,
   Que j’aime à promener sous vos vieux sycomores
   Les rêves amoureux dont s’enivre mon cœur !

Les jardins de l’Alcazar, considérablement
diminués sans doute, me sont apparus comme
d’honnêtes petits potagers sans prétention.
Et voilà justement comme on écrit…. la musique. »
            Ch. Monselet.

Histoires, par Hérodote, composées à Thurium, en Italie, probablement de 445 à 405 av. J.-C. Cet admirable et naïf monument des anciens âges mérite d’être étudié en détail ; aussi lui consacrerons-nous une assez longue analyse. Les Histoires sont divisées en neuf livres, auxquels les Grecs, dans leur admiration, ont donné le nom des neuf Muses. Il faut considérer cette œuvre comme une épopée en prose, dans laquelle l’immense variété des épisodes se coordonne et se groupe autour d’un fait principal, d’un fait unique qui lui sert de centre, et d’où rayonne, comme un jet de lumière, un enseignement sérieux, un conseil profitable aux générations à venir. La guerre de Troie était, aux yeux des anciens, une des phases de la lutte, non encore terminée, que des antipathies profondes et incessantes avaient provoquée et prolongeaient entre l’Orient et la Grèce ; les guerres médiques, qui composent le fond même de l’ouvrage d’Hérodote, ne sont qu’une suite, un acte de ce duel à jamais mémorable dans les annales des peuples civilisés. Le récit propre d’Hérodote, c’est l’invasion de la Grèce par les lieutenants de Darius et par Xerxès, depuis la révolte des Ioniens, soulevés à la voix d’Aristagoras (496), jusqu’à la prise de Sestos (478). Mais, de même que la colère d’Achille et le retour d’Ulysse suffisent à Homère pour remplir les vingt-quatre chants de chacun de ses deux grands poèmes, de même le cadre, en apparence restreint, où se meut l’histoire d’Hérodote, s’étend, grâce au génie du narrateur, au delà des limites qu’il semble d’abord s’être fixées. Les quatre premiers de ses neuf livres, Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, qui embrassent dans leur ensemble une période de deux cent vingt ans, sont une sorte de préparation épisodique au magnifique tableau qui se déroule dans les cinq derniers, Terpsichore, Erato, Polymnie, Uranie et Calliope.

Le but que se propose Hérodote, c’est de montrer l’opposition du monde oriental et du monde occidental, et le triomphe définitif de l’Europe sur l’Asie. L’unité de son ouvrage est dans cette opposition fondamentale ; mais le caractère particulier de cette unité, si claire et si nette dans son principe et dans ses applications, c’est d’admettre une diversité infinie de pièces de rapport, vu que tout ce qui touche de près ou de loin aux cités grecques ou à l’empire des Perses, légendes, traditions, mœurs, usages, coutumes, religion, géographie, tout cela rentre dans le domaine que s’est tracé et approprié le narrateur. Ainsi, son premier soin est d’examiner si, d’après les savants perses et phéniciens, les provocateurs de la lutte entre l’Orient et l’Occident ont été des Grecs ou des barbares. Il remonte, par suite, aux enlèvements d’Io, de Médée et d’Hélène, qu’il regarde comme la cause première de ces sanglantes rivalités. Seulement, ces faits appartiennent plus ou moins à la légende. Il y a un caractère historique plus marqué dans les entreprises iniques du roi Crésus contre la liberté des Grecs, qu’il assujettit à un tribut. En conséquence, c’est de ce point que part réellement son récit et la série des événements qui remplissent son premier livre. Suivant la méthode qu’il applique à tout son ouvrage, comme le nom de Crésus lui rappelle les liens de parenté qui unissent ce prince à ceux qui l’ont précédé, l’historien raconte en détail ce qui a trait aux trois dynasties qui ont régné successivement sur la Lydie et à la destinée entière du peuple lydien. L’épisode le plus curieux est celui de Gygès et du roi Candaule ; mais, quel que soit l’intérêt de cette anecdote, c’est autour de Crésus que se groupent les faits qui attirent le plus l’attention. La mort, du jeune Atys est la partie la plus touchante du récit ; la célèbre entrevue de Crésus et de Solon, où s’encadrent l’épisode de Cléobis et Biton et celui de Tellus, offre une sorte de drame moral, dont le dénoûment terrible, qui est la prise de Sardes, sert de leçon aux princes trop fiers de leur fortune. Cependant le conseil que Crésus a reçu de l’oracle delphique, de rechercher l’amitié des Grecs, lui fait prendre des renseignements sur ce peuple, et cette information sert de transition à l’historien pour parler de l’état où se trouvaient alors les deux grandes cités grecques, Athènes et Sparte. Hérodote dit, à ce propos, quelques mots des Pélasges, race errante, dont le nom se rencontre au point de départ des principales nations de l’Europe occidentale, et il explique leur fusion avec les peuplades helléniques, race stationnaire et née, suivant la tradition, du sol même où s’est développée son histoire. Après quoi, il jette un coup d’œil sur la situation d’Athènes, où dominait Pisistrate, et sur celle de Sparte, qui préludait à sa grandeur future par une obéissance héroïque aux lois de Lycurgue. Viennent alors les démêlés de Crésus et de Cyrus, qui conduisent naturellement Hérodote à parler des Mèdes, de l’origine de leur domination et de leur absorption dans l’empire des Perses. L’histoire de Cyrus se déroule, en cet endroit, avec une abondance de détails pleins d’intérêt, lors même que la certitude peut en paraître suspecte. L’histoire de Cyrus amène des digressions, qui nous font connaître l’histoire des colonies grecques en Asie Mineure, ainsi que celle de la destruction de l’empire des Assyriens, où s’enclavent de longs et précieux documents sur Babylone, les mœurs des Chaldéens, les travaux gigantesques de Sémiramis et de Nitocris, la navigation de l’Euphrate et autres particularités dont la mention ne se rencontre que dans ce précieux récit. La campagne de Cyrus en Scythie, contre les Massagètes, et la mort tragique du conquérant terminent le premier livre.

Le second, tout entier consacré à l’histoire de l’Égypte, doit être considéré comme un épisode ; mais il est fertile en renseignements. On y trouve tous les longs et précieux détails qui ont fourni à Bossuet la matière d’un des plus beaux chapitres de son Histoire universelle, et dont l’authenticité, suspectée par l’antiquité elle-même, a été confirmée d’une manière éclatante par les investigations et les travaux de la géographie et de la philologie modernes. Ses pérégrinations dans la haute Égypte ont la valeur d’un journal d’explorateur contemporain. Cependant la curiosité redouble quand le narrateur nous fait pénétrer dans les mœurs intimes du peuple dont il raconte l’histoire. Les monuments authentiques dus aux recherches des Champollion, des de Rougé, des Mariette démontrent la parfaite vérité de ces observations écrites depuis plus de deux mille ans. Les usages de la vie quotidienne, les rites religieux, la religion elle-même, les descriptions zoologiques, les pratiques médicales, l’art d’embaumer les cadavres, la préparation du lotos, du lis fluvial et du byblos comme substances alimentaires, la pêche et la conservation des poissons dont vivent les habitants des marais, composent une série de peintures calquées sur le vif, qui provoquent l’attention et la tiennent en éveil.

Le troisième livre raconte l’invasion de Cambyse. Hérodote montre Psamménit, fils et successeur d’Amasis, attendant Cambyse, lui livrant bataille, après avoir égorgé les fils de Tharsès, guide de l’armée perse, et fuyant devant les forces victorieuses de son ennemi. Là se trouve l’épisode le plus touchant peut-être de toute l’histoire d’Hérodote, la scène attendrissante où l’on voit Psamménit, vaincu, enchaîné, abreuvé d’outrages, qui regarde passer, froid, impassible, sa fille en costume d’esclave et réduite à d’infimes travaux ; son fils conduit au supplice, la corde au cou, le mors à la bouche.

Les folies de Cambyse servent de texte à la fin du récit.

Après une courte digression sur Polycrate, tyran de Samos, et sur Périandre, tyran de Corinthe, l’historien, rentrant dans son sujet, raconte les événements qui précipitent du trône de Perse le faux Smerdis, successeur de Cambyse, et y élèvent Darius fils d’Hystaspe.

Le quatrième s’ouvre par l’expédition de Darius contre les Scythes (513). Fidèle à sa coutume, Hérodote décrit minutieusement les mœurs du nouveau peuple qu’il met en scène, les traditions des différentes tribus dont il se compose, leurs aliments, les variations de leur climat et quelques-unes de leurs pratiques religieuses.

Il avait entraîné son lecteur à l’extrémité septentrionale du monde connu des anciens ; l’expédition du satrape Aryande, laissé par Darius en Égypte, contre les Barcéens le ramène à l’extrémité méridionale.

Quelques détails sur les mœurs des habitants de la Thrace servent de préambule au cinquième livre ; mais il est surtout plein des préparatifs de la grande lutte qui va s’engager entre les Grecs et les Perses, lutte causée par l’antipathie radicale des deux peuples, et dont le prétexte est la révolte de l’Ionie, excitée par Aristagoras (500). La situation d’Athènes, affranchie du joug des Pisistratides par le meurtre d’Hipparque et par la fuite d’Hippias, fournit à Hérodote la matière d’une digression intéressante sur l’état général de la Grèce européenne. La campagne désastreuse de Mardonius, l’expédition plus redoutable, mais tout aussi stérile, de Datis et d’Artapherne, que termine la victoire de Marathon, sont les tableaux qui se succèdent dans le sixième livre. On peut dire qu’ils vivent dans toutes les mémoires, sans qu’il soit besoin d’en faire ressortir l’importance et l’intérêt ; c’est le nœud même du drame que l’historien s’est proposé d’écrire ; c’est la partie animée, actuelle de son récit. Les digressions s’y montrent à peine ; les faits qui se déroulent sous les regards de l’écrivain absorbent trop son attention pour qu’il la laisse s’égarer sur des détails épisodiques et pour qu’il songe à distraire le lecteur, tout entier au spectacle de la lutte engagée.

Marathon porte au cœur de Darius un coup si rude et si violent, qu’il demande à toutes les satrapies de son royaume des soldats, des chevaux, des navires, des barques, des vivres. Pendant trois années, l’Asie est en mouvement et se prépare à se jeter sur l’Europe pour anéantir la Grèce. Mais Darius meurt au milieu même de ces préparatifs, et il laisse son trône et sa place sur la scène historique à son fils Xerxès, héritier de sa couronne et de ses projets belliqueux. Xerxès est le grand acteur des guerres médiques ; en lui se personnifient l’humeur capricieuse et fantasque, l’ambition aveugle des rois de Perse et l’humiliation infligée par la valeur des Grecs à la vanité de leurs gigantesques desseins. Aussi, dès que Hérodote l’a introduit sur son théâtre, il concentre sur lui tous les détails de sa narration. Entretiens de Xerxès avec ses conseillers, songes et visions qui troublent le sommeil du roi, réunion de la plus formidable année que jamais la Perse eût mise sur pied, percement du mont Athos, pont de bateaux jeté sur le détroit qui sépare l’Asie de l’Europe, dénombrement pittoresque de tous les peuples qui marchent à la suite de Xerxès, entrée du roi sur le territoire grec, passage des Thermopyles, résistance et mort héroïque de Léonidas, tels sont les faits qui se succèdent dans le septième livre et que le huitième livre ne fait que continuer. Celui-ci est comme un hymne de triomphe en l’honneur de la Grèce, et surtout d’Athènes. La bataille de Salamine et la grand nom de Thémistocle y répandent un éclat qui ne s’est pas affaibli à travers les âges. C’est un des effets magiques du pinceau d’Hérodote, que cette éternelle jeunesse des faits qu’il raconte ; il semble y avoir si profondément gravé l’impression qu’il en a reçue, que le temps n’en a point altéré la vivacité. Le lecteur voit se mouvoir les personnages et se dessiner la perspective de la scène où ils agissent ; tout est animé, vivant, présent. Le poëte Eschyle, qui écrivait la tragédie des Perses, après avoir assisté à la bataille de Salamine, n’a pas d’accents plus saisissants, de tableaux plus dramatiques.

Enfin on assiste, dans le neuvième livre, au dénoûment de la lutte, c’est-à-dire à l’entière expulsion des barbares du sol hellénique. Mardonius, laissé en Grèce par Xerxès pour recueillir les débris de l’armée, se décide à combattre à Platée et meurt en vaillant soldat. Le même jour, Léotychide et Xanthippe, chefs de la flotte grecque, livrent à Artaycte, général de la flotte perse, le combat de Mycale, où périssent les restes de la formidable armée que Xerxès avait lancée sur l’Europe. Ainsi s’achèvent les guerres médiques et le récit de l’historien qui en a transmis le souvenir à la postérité.

On voit, par cette analyse, que l’histoire d’Hérodote est, suivant la remarque de l’abbé Geinoz, une vaste épopée, une dans son plan et dans son but, quoique variée et multiple dans les détails. Il en résulte que le génie de l’historien, moins créateur que celui d’Homère, embrasse cependant plus de choses et d’espace. Homère est comme confiné sur un point de l’Asie et de la Grèce ; lors même qu’il raconte ce qui se passe à Troie et devant Troie, ce sont les dieux de la Grèce, les héros de la Grèce, les mœurs de la Grèce qu’il met en scène dans son poème national. La muse historique d’Hérodote se répand par tout le monde connu des anciens ; aucun des pays alors accessibles n’est fermé à l’intrépide et ingénieux voyageur ; il voit, il étudie, il dessine la physionomie des contrées et des peuples qui passent sous ses regards. Il arrache, suivant une fine remarque, le voile qui couvrait l’univers aux yeux des Grecs, trop prévenus en leur faveur pour chercher à connaître les autres nations ; et, ainsi que le proclame Lucien, il est de tout pays, de toute patrie, ne donnant rien à la prévention, n’ayant d’autre passion que celle du bien, d’autre amour que celui de la vérité.

La meilleure édition des Histoires d’Hérodote est celle de J. Schweighœuser (Strasbourg, 1816), avec traduction latine. Walckenaer, Wesseling, Larcher, Creuzer ont donné d’excellents commentaires sur les points les plus importants du récit de l’historien grec. Les meilleures traductions sont celles de Beloe en anglais, de Jacobi en allemand, de Larcher, de Miot et de Giguet en français. Malgré la valeur incontestable de ces deux dernières interprétations, surtout de celle de Miot (édition Didot), on a regretté qu’Hérodote n’eût pas eu, comme Plutarque, un Amyot pour traducteur. C’est ce qui a engagé M. Eugène Talbot à rajeunir une vieille traduction qui n’est pas sans mérite, celle de