Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 9, part. 1, H-Ho.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ï

2’

HÏST

Ranke (Berlin, 1824). Tandis quo certains historiens se complaisent à mettre en relief la sourde hostilité des races germaniques et néo-latines, l’auteur s’efforce de démontrer, au contraire, que leur action simultanée doit former le point de départ de l’histoire moderne ; c’est leur fusion qui donne naissance au nouveau monde. Ce n’est point une race

ui en absorbe une autre pour la dépouiller

e son individualité, comme dans la société antique ; ce sont deux races qui, en dépit de leurs luttes séculaires, obéissent à une force inconnue pour accomplir une œuvre commune.

La tâche que s’est imposée ^historien, c’est de déterminer la situation respective des peuples à la fin du x.ve siècle, époque à laquelle s’inaugurent les grandes luttes européennes. C’est alors que les langues, la littérature, les arts, les inspirations de la conscience affranchie de toute contrainte, semblent creuser un abîme entre le midi et le nord de l’Europe. Mais Ranke ne perd pas de vue la pensée qui le dirige et qui l’éclairé, ( et, làoù des yeux moins clairvoyants n’aper- ; çoîvent qu’un antagonisme sans cesse grandissant et le démembrement de la société du moyen âge, il découvre une existence commune qui s’élabore secrètement. Ces conflits où tant de peuples sont engagés, qu’est-ce en effet, sinon une irrésistible aspiration vers l’équilibre européen, c’est-à-dire l’unité véritable dans la diversité, mais cette unité à la fois souple et puissante qui laisse ouverte une large carrière à toutes les formes du sentiment national ? C’est l’expédition de Charles VIII qui a ouvert la série des grandes luttes européennes, que l’historien met en relief avec la plus lumineuse précision. On voit

u’il a étudié dans leur vie intime la France e Charles VIII, l’Allemagne de Maximilion, l’Italie de Sforza et de Savonarole, l’Espagne de Ferdinand et d’Isabelle. Ranke procède par grands coups de pinceau ; il ne trace guère de portraits, et cependant ses héros vivent, tout remplis de mouvement, et l’originalité propre à chacun d’eux reste profondément gravée dans le souvenir.

En résumé, le noble idéal de l’auteur, c’est le libre développement des nations au sein de la république européenne. » C’est la gloire des races germanique et romane, dit-il, d’avoir formé une société politique sans s’être absorbées jamais dans une tyrannique unité. • Ce remarquable ouvrage a été traduit en

français par un écrivain suisse, Jacques Perchât, avec la collection complète des œuvres de Ranke.

Histoire secrète du gouvernement autrichien, publiée par M. Alfred Michiels avec ce sous-titre : Première histoire d’Autriche écrite d’après les documents authentiques, 1859. Au moment de la guerre d’Italie, et dans un but politique facile h comprendre, M. A. Michiels a essayé de mettre à nu l’invariable système de mensonges intéressés de la maison de Habsbourg. L’ouvrage repose sur des documents sérieux, sur le3 recherches des plus savants historiens de l’Allemagne moderne

malheureusement l’auteur a voulu le

faire coïncider avec la guerre de 1859, et ce qu’il a gagné sous le rapport de l’opportunité, il l’a perdu au point de vue de la mise en scène et de la précision.

Triomphe perpétuel de l’intolérance et de l’esprit de persécution, tel est le résumé de l’histoire de l’Autriche. La Réforme avait pris

3uelques racines dans l’empire, lorsque Ferinand II, élève des jésuites, se fait leur docile instrument. Il a juré, entre les mains de Clément VIII, ■ de rétablir, au péril de sa vie, la foi catholique dans ses États héréditaires, et, s’il le peut, dans toute l’Allemagne. ■ M. Michiels nous montre par quelle série de mesures implacables il fait honneur à son serment. Soumis tout entier à la puissance sacerdotale, Ferdinand courbe avec lui toute la nation sous le même joug. « Si je rencontrais ensemble un prêtre et un ange, je saluerais d’abord le prêtre, ■ dit le roi. Des révoltes tour à tour victorieuses et comprimées, des proscriptions sans nombre, des exécutions a mort continuelles, les massacres, la confiscation des biens, enfin un ensemble de moyens atroces jusqu’au délire, tels furent les préludes de la guerre de Trente ans. La domination des Habsbourg en Hongrie est une (tes parties les plus sombras de l’histoire secrète de l’Autricho. Le livre de M. Michiels l’éclairé d’un jour sinistre, mais il subordonne peut-être trop le côté politique au côté religieux. Il ne montre pas assez cette généreuse nation hongroise luttant seule contre les Turcs et sauvant la chrétienté par son héroïsme, que l’Autriche ne seconda jamais, mais dont elle profita toujours. Il fait voir cette malheureuse Hongrie asservie, ruiuée, puis convertie, suivant le mot d’un de ses bourreaux, le cardinal primat Colonitz ; il retrace les massacres organisés pendant près d’une année (février-décembre 1687) par ordre de Léopold, le génie de l’extermination, et par les soins d’Antoine Caraffa, l’un des plus infâmes ministres d’une pensée monstrueuse. Sous Charles VI et Marie-Thérèse, le gouvernement devient plus doux sans que la politique autrichienne nbandonne son œuvre, la fusion forcée des races les plus diverses. Joseph II et son ministre KauuiU luttent contre le pape et accomplissent des réformes ecclésiastiques, niais ils

HÏST

enlèvent aux peuples leurs dernières libertés nationales.

Le présent est digne du passé. M. Michiels retrace les massacres récents de Galicie, de Lombardîe, de Vénétie, de Bohême, de Hongrie. Il expose l’esprit, la lettre et les résultats du concordat de 1855 et démontre que la monarchie des Habsbourg n’a jamais abandonné le système terrible des Léopold et des Ferdinand IL

Histoire romaine, par Tite-Live. V. DBCALIKS.

Histoire ancienne des Juif» OU Antiquité» Judaïque*, par Flavius Josèphe. V. antiquités.

Histoire des Goths OU des Calai (Historia

getica). V. Jornandés.

Histoire contre les païens (Historiarum advenus paganos libri VU), par Paul Orose. Cet ouvrage, divisé en sept livres, est dédié à saint Augustin. C’est moins une histoire qu’un plaidoyer historique contre les païens. Ils prétendaient que les défaites et les hontes qui avaient accablé l’empire romain étaient des signes de la colère des dieux, qui se vengeaient ainsi d’être abandonnés. Orose entreprit de leur montrer que, depuis la création, le monde était le théâtre de désastres sou* vent plus épouvantables, qui n’avaient point pour compensation l’espérance de la vie future. Son Histoire est donc un recueil des calamités humaines, cataloguées par ordre de dates, depuis la création jusqu’à l’année 417. Orose puise dans Justin, Euirope, et autres annalistes de seconde main, et dispose les faits à la suite les uns des autres sans choix et sans critique. Le style d’Orose n’est pns dépourvu d éloquence et d’éclat, mais il tombe souvent dans la déclamation, il exagère les défauts de ses modèles, saint Cyprien et Tertullien. Le plus grave reproche qu’on puisse lui adresser, c’est de n’être pas remonté aux sources et d’avoir négligé les historiens grecs, ce qui le fait tomber dans des erreurs grossières. Son ouvrage n’a que la valeur d’un monument de la langue et de l’éloquence du ve siècle.

Certains manuscrits de VHistoire de Paul Orose portent ce singulier titre : Ormista ou Hormesta, qui a beaucoup intrigué les commentateurs : les uns ont voulu lire Hormisdas, et ont prétendu y voir le véritable nom de l’auteur ; d’autres ont cru à une abréviation, Or. m. ista, qu’ils ont lue Orosii mundi istoria. Les deux conjectures sont également hasardées.

L’Histoire d’Orose a été publiée pour la première fois en 1471 (Augsbourg, in-fol.). Elle a été depuis très-souvent imprimée et traduite dans toutes les langues. La traduction française attribuée à Claude de Seissel (Paris, 1491, in-fol.) est recherchée par les amateurs, moins cependant que la traduction anglo-saxonne attribuée à Alfred le Grand (xi« siècle).

Histoire sacrée de Sulpice-Sévère, écrivuin latin du vo siècle. On a flatté singulièrement cet auteur en le surnommant le S<tlluste chrétien ; il faut reconnaître, cependant, que son Histoire sacrée, résumé de l’histoire universelle, est écrite avec pureté, chose rare et presque merveilleuse au vo siècle. Son abrégé d’histoire sainte remonte à la création du monde et, après avoir retracé la vie de Jésus-Christ, raconte les faits les plus saillants de l’Église pendant les trois premiers siècles du christianisme. Sulpice - Sévère était évêque d’Agun ; aussi l’esprit du christianisme éclatet-il partout dans son ouvrage.

L Histoire sacrée se divise en deux livres dont le premier s’arrête à la mort de Jésus-Christ. La valeur de cetto première partie est a peu près nulle ; on y trouve même de singulières assertions pour un évêque.

Le second livre comprend la mort de Jésus-Christ, la destruction du temple de Jérusalem, la captivité des Juifs, les persécutions des chrétiens, la paix de l’Église, ses agitations intestines et ses troubles domestiques causés par les hérésies, surtout par celle des gnostiques. Cette dernière partie est fort importante et renferme des documents très-précieux pour l’histoire ecclésiastique du ve siècle.

Le style de l’Histoire sacrée est pur, élégant et énergique : c’est ce qui explique le surnom de Sailuste chrétien donné k Sulpice-Sévère par l’enthousiasme exagéré de ses contemporains.

Histoire ecclésiastique, par Eusèbe, évoque de Césarée. L’importance de cet ouvrage est incontestable, et son utilité très-grande pour la connaissance des trois premiers sicclés de l’Église, dont Eusèbe est presque le seul historien, ou du moins le seul sérieux ; ce qui lui a valu le titre de Père de {’histoire ecclésiastique.

Eusèbe est généralement exact ; il semble avoir recherché la vérité avec beaucoup de soin et assez de discernement ; mais souvent sa foi a égaré sa bonne foi. Ainsi, on peut lui reprocher d’avoir reproduit certaines fables, qu’à coup sûr il n’a pas inventées lui-même, mais qui ont été manifestement imaginées par quelques-uns de ses frères en Jésus-Christ, pour les besoins de leur cause. Nous choisissons un fait entre mille, comme preuve à l’appui de iiotre assertion. Eusèbe nous raconte très-gravement qu’un certain Abiigurus, roi d’uuu ville au delà do l’Eu HIST

phrate, écrivit à Jésus une lettre très-flatteuse, dans laquelle il lui donnait le titre de Dieu ou de fils de Dieu et le priait de venir le guérir d’une maladie dont il souffrait depuis longtemps. • Tu es heureux, lui répondit Jésus, d’avoir cru quo j’étais le fils de Dieu. Aussitôt que je serai remonté à ta droite de mon père, je t enverrai quelqu’un qui te guérira. • Effectivement, quelques années après la mort du Christ, saint Thomas se rendit à Edesse, la capitule du royaume d’Abagarus, le guérit et le convertit lui et tous ses sujets.

On peut encore reprocher à Eusèbe d’avoir trop noirci les ariens, dont il avait cependant longtemps partagé les doctrines. Eusètje, évêque de Césarée, personnage officiel, a dû sans doute tenir dans son histoire ce langage, si différent de celui qu’il avait tenu à Nicée, lorsqu’il repoussait le mot de consubstantiel appliqué au Christ. C’était bien assez que les apôtres d’un Dieu de tolérance fissent brûler ceux qui ne croyaient pas le Fils consubstantieï au Père, sans ajouter la calomnie h. la cruauté, en les traitant de malfaiteurs publics. Ces aménités orthodoxes ne datent pas, on le voit, de M. Veuillot, dont Eusèbe semblo un maître avec plus de science et moins de talent. Ce n’est pas, en effet, un écrivain. Son style, assez médiocre, est celui de son époque et de la majeure partie des écrivains religieux de tous les temps, une énergie barbare qui dégénère souvent en invectives de mauvais goût.

Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France, depuis 1 nu 15*4 jusqu’en 150» (Anvers-Genève, 1580, 3 vol. in-8o). C’est un des principaux ouvrages de Théodore de 13èze. On croit que le ministre Des Gallars a collaboré à ce travail ; mais la meilleure part en revient à de Bèze. Ces annales se composent d’une ample quantité de mémoires sur l’histoire de chaque église réformée de France, prise isolément, ce qui forme une suite de récits plutôt qu’une histoire générale, et ce qui donne lieu à des répétitions fréquentes et à de la confusion. On y rencontre, d’ailleurs, les détails les plus minutieux : fondation de chaque église, conférences ecclésiastiques, mesures de la cour et actes des parlements, martyrs de la Réformation, récits des moindres escarmouches militaires, etc. ; aucun fait n’est omis, même ceux qui n’ont qu’une importance médiocre. On y trouve aussi un nombre considérable de documents, de pièces officielles ou secrètes des princes ou des Églises. Au début de son récit, l’auteur traverse rapidement la période qui s’écoule entre 1523 et 1560, et la plus grande partie de l’ouvrage est consacrée aux événements de 1560 à 1563. Cette inégalité n’étonnera pas si l’on se souvient de l’importance de cette période, qui fut l’époque des dernières tentatives de conciliation de L’Hôpital, des indécisions de Catherine, du colloque de Poissy, du massacre de Vassy, do la prise d’armes des calvinistes sous le commandement d’un prince du sang, etc. Tous ces détails que de Bèze a entassés dans son récit eussent été sans lui perdus pour l’histoire, et c’est à cette source que Sismondi et tous les historiens ont puisé, pour cette époque orageuse.

On ne peut espérer trouver dans ce travail une froide impartialité-, l’auteur avait pris une part trop active aux événements pour en parler avec indifférence. Aussi déclare-t-il, dès le début, qu’il appartient à lu cause de la religion. Mais on subit l’ascendant de son caractère et l’on croit à sa sincérité quand il prend solennellement Dieu en témoignage qu’il n’a rien forgé du sien et qu’il n’a écrit que la vérité pure.

Cette histoire est un mâle plaidoyer en faveur de la constance des opinions, un encouragement aux Églises do France à persévérer dans leur foi, malgré les malheurs et les persécutions. Il est difficile do lire sans attendrissement et sans indignation le récit de tant de souffrances et de luttes héroïques. De Bèze, d’ailleurs, avec cette sincérité qui est un des traits les plus imposants des chefs de la Réforme, ne dissimule pas les fautes et les excès de son parti.

On remarque surtout, dans Y Histoire ecclésiastique, le récit du massacre des Vaudois de Cabrières et de Mérindol, le tableau saisissant d’un assaut donné par les catholiques de Paris à une maison où les réformés étaient rassemblés pour entendre le prêche, une

fiage vive et pittoresque où l’auteur décrit a désolation de Paris sous François II, au fort des persécutions contre les protestants, enfin des traits satiriques pleins do vigueur et des portraits esquissés avec finesse et vérité, entre autres celui de Catherine de Médicis.

Histoire ecclésiastique, par l’abbé Fleury (20 vol. in-4o). Cet ouvrage, auquel l’auteur travailla pendant trente ans, embrasse l’histoire de la religion chrétienne depuis les apôtres jusqu’en 1414. C’est ce qu’on a écrit de plus complet sur cette matière. Fleury se distingue de tous les autres écrivains ecclésiastiques par une critique excellente. Le3 extraits qu’il donne des saints Pères sont ce qu’on admire le plus. Il est impossible d’analyser avec plus de précision. Son style est simple, quelquefois négligé, mais presque toujours pur, élégant, concis et dans le goût de T’E<-riiuie sniiuo. Aussi los ultrainontains

HIST

309

Fi

ont-ils fait un crime à l’auteur, et les gallicans un mérite, d’avoir sacrifié tout le moyen âge aux six premiers siècles, après lesquels

« les beaux jours de l’Église sont passés. > L’historien de l’Église n’accepte pas d’un cœur résigné le spectacle de la papauté souveraine, prétendant à l’empire sur les princes temporels. • À force de vouloir relever la puissance du pape, dit-il en parlant des ultramontains, ils la rendent odieuse, l’élevant au-dessus de toutes les puissances temporelles, non-seulement quant à l’excellence et à la dignité, mais aussi quant au pouvoir effectif d’ériger, transférer ou supprimer les empires et les royaumes, d’établir, corriger ou déposer les souverains ; en sorte que, selon leur système, il n’y a dans le monde qu’un souverain, qui exerce la puissance spirituelle par lui-même et par les clercs auxquels il en commet quelques parties, et la temporelle par les laïques, sur lesquels il veut bien s’en décharger. Ce n’est pas là le système de l’Évangile, ni la tradition des premiers siècles. » Fleury ne se contente pas d’attaquer le système de Grégoire Vil et d’Innocent III ; il ne considère pas comme infaillible le chef visible de l’Église. La papauté ne lui inspire

as une confiance absolue ; ce centro de unité catholique ne lui parait pas être le trône des vertus et des saintetés. Ses opinions sur ce point démontrent donc l’indépendance et la sagacité de sa raison.

C’est dans les huit Discours, d’abord intercalés dans l’Histoire de l’Église, puis réunis en un volume, que Fleury met le plus de hardiesse à signaler les abus, à stigmatiser les désordres. Voltaire disait de ces discours

« qu’ils sont presque d’un philosophe. » En effet, ils renferment plusieurs passages qu’on pourrait prendre pour des pages de l’Essai sur les mœurs des nations.

« Il est honorable pour le christianisme, dit La Harpe, que ce soit un prêtre qui ait fait l’Histoire de l’Église, et qu’il l’ait faite en vrai philosophe et en vrai chrétien. Ces deux titres, loin de s’exclure, se rapprochent et se fortifient l’un par l’autre dès qu’ils sont pris dans leur vrai sens, et l’abbé Fleury en est la preuve. On n’a pas une piété plus vraie ni plus éclairée ; plus il aime la religion, plus il sépare dans son histoire ce qui est de Dieu et ce qui est du monde ; et on lui rend ce témoignage, que chez lui le prêtre n’a jamais nui à l’historien. ■

L’Histoire de l’Église a été continuée dans le même esprit, quoique avec moins de talent, par le P. Fubre. L’ouvrage complet, y compris la suite du continuateur, se compose de 36 volumes in-t°.

Histoire religieuse (iîtudes d’), par M. Ernest Renan (1857, in-8« ; 7e édition, 1864). Ces études se composent de dix fragments, qui avaient paru d abord dans des recueils périodiques. Ils ont été réunis en un volume a cause de leur importance et aussi du succès qu’ils avaient obtenu auprès du public. • Si 1 homme, dit M. Renan dans la première étude, intitulée : les Jteligions de l’antiquité, vaut quelque chose, c’est parce que, s’élevant au-dessus de la vulgarité de la vie, il atteint, par ses facultés inorales et intellectuelles, un monde d’intuitions supérieures et de jouissances désintéressées. La religion, c’est la part de l’idéal dans la vie humaine ; elle est toute en ce mot : l’homme ne vit pas seulement de pain. Il est, je le sais, une autre puissance qui prétend, elle aussi, résumer la vie spirituelle de l’humanité, et le moment serait mal choisi pour en médire : mais ce n’est pas nier la philosophie, c’est lui rendre sa véritable place, la seule où elle soit grande, forte, inattaquable, que do dire qu’elle n’est pas faite pour le grand nombre. Sublime, si on la considère dans le cénacle des sages, dont elle a été l’aliment et l’entretien, la philosophie n’est qu’un fait imperceptible si on l’envisage dans l’histoire de l’humanité. On compterait les âmes qu’elle a ennoblies, on ferait, en quatre pages, l’histoire de la petite aristocratie qui s est groupée sous ce signe ; le reste, livré au torrent de ses rêves, de ses terreurs, de ses enchantements, a roulé pêlemêle dans les hasardeuses vallées de l’instinct et du délire, ne cherchant sa raison d’agir et de croire que dans les èblouissements de son cerveau et les palpitations de son cœur. >

Cette page est remarquable sous quelque aspect qu’on la considère. L’auteur ne s’explique pas très-catégoriquement ; mais on sent à chaque pns, à mesure qu’on parcourt ce morceau, qu’il n’hésite point à so ranger dans le petit groupe da ceux qui ont planté leur tento dans la champ do la philosophie. En un mot, c’est un aristocrate de la penséo. La philosophie est donc fuite pour une petita élite d’hommes vivant, sinon au-dessus de l’humanité, au moins à part du mouvement qui l’entraîne.

M. Renan estime la religion bien plus utile à étudier que l’histoire, attendu qu’elle tient une place beaucoup plus grande dans le passé du genre humuin. « L’histoire d’un peuple, dit-il, ne lui appartient pas tout eutière ; elle renfenno.uno part fortuite ou fatale qui ne dépend pus de la nation, qui parfois la contrarie dans son développement naturel ; mais la légende religieuse est bien l’œuvre propre et exclusive du génie de chaque race. L’Inde, par exemple, ne nous a pas laissé une page d’histoire propremnnt duo ; les érudits le rogrettent et payeraient au