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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 9, part. 1, H-Ho.djvu/63

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et frappés d’excommunication. En 1479, ils tarent cités devant le tribunal de Lausanne et défendus par un avocat de Fribourg. Après délibération, ils furent condamnés à quitter le territoire. L’histoire ne nous dit pas comment on fit exécuter la sentence rendue.

Le hanneton a un corps très-lourd ; pour en alléger le poids, il est obligé d’enfler son abdomen en y faisant pénétrer, par ses Stigmates, le plus d’air possible. Dans le même but, il élève et abaisse alternativement ses élytres, pendant quelques secondes, avant de s’envoler. Les enfants, quand ils voient cette manœuvre, disent que le hanneton o compte ses écus. «Plusieurs auteurs assurent que ces insectes dévorent les chenilles ; mais cette assertion est dénuée de fondement ; si le hanneton nuit à celles-ci, c’est qu’il leur enlève leur nourriture ; mais, à cet égard, il y a réciprocité. Dans tous les cas, nous ne saurions trop le répéter, le hanneton se nourrit exclusivement des feuilles des arbres.

Il nous reste maintenant à étudier l’histoire du hanneton à un point de vue malheureusement trop intéressant. Cet insecte, à l’état parfait et surtout à l’état de larve, est un des fléaux les plus redoutables de nos cultures. C’est par centaines de mille francs, par millions peut-être, qu’il faut chiffrer l’étendue des pertes qu’il cause à notre production agricole. Si, dans les années ordinaires, on s’aperçoit peu de ses ravages, il n’en est pas de même quand arrive ce qu’on a appelé 'année du hanneton, qui a lieu, avons-nous dit, tous les trois ou quatre ans. On s’est vivement ému de cet état de choses, et des moyens plus ou moins efficaces de destruction ont été proposés.

Occupons-nous d’abord de la larve. La femelle ayant l’instinct de déposer ses œufs dans les terrains les mieux cultivés et les

Ïilus riches en menues racines, les jeunes arves trouvent en naissant le couvert mis et une pâture abondante. Pendant les premiers jours, elles ne vivent, d’après Mulsant, que de parcelles de fumier et de débris végétaux. Jusqu’à l’âge de quatre à cinq mois, elles restent groupées en familles ; à cet âge arrive leur première mue, qui a lieu en hiver, et alors elles s’enfoncent en terre. Après cela, leur taille et leur appétit ayant grandi, il leur faut une nourriture plus copieuse, et elles commencent à se disperser en creusant leurs galeries dans tous les sens.

Les larves de hannetons restent trois ans sous terre, où elles commettent beaucoup de dégâts, en rongeant les racines des plantes herbacées et l’écorce de celles des arbres. Les vers blancs s’attaquent h toutes les plantes ; ils ont néanmoins une préférence marquée pour les laitues, les fraisiers, etc. Toutes les plantes herbacées délicates dont les racines sont attaquées ne tardent pas à périr ; il en est souvent de même des jeunes arbres. Les plantes à racines fortes ou nombreuses, ainsi que les grands arbres, souffrent et languissent plus ou moins, selon le nombre des ennemis qui les attaquent. On comprend donc aisément que cette larve soit la terreur des maraîchers et des pépiniéristes.

Elle dévaste ou détruit complètement des prairies, des luzernières, des champs de blé ou d’avoine, de jeunes plantations forestières. Son corps courbé en arc embrasse facilement les racines qu’elle veut dévorer ; quand celles-ci ont été rongées, les pousses aériennes qui leur correspondent pendent desséchées. On a trouvé jusqu’à près d’un décalitre de ces larves réunies autour de la souche des vieux arbres. Malheureusement, elles ont la vie très-dure et résistent à dos causes de destruction très-puissantes, telles que des inondations prolongées pendant un mois. Les gelées tardives d’avril et de mai les font périr, il est vrai ; mais, par contre, elles nuisent beaucoup aux arbres et aux plantes.

Pour détruire les vers blancs qui sont dans les racines, on peut arroser le sol avec une infusion de substances amères, telles que le brou de noix, les feuilles de no^er, d’absinthe, de rue, etc. Quelques horticulteurs répandent sur le sol du soufre, de la suie, de la chaux, des cendres et surtout des cendres de tourbe, du guano, ou mieux un compost de

fuano mélangé avec quatre fois son poids de onne terre, de sable ou de cendre, en ayant soin d’opérer par un temps pluvieux. Ces diverses substances procurent d’ailleurs au sol des engrais ou des amendements excellents ; mais leurs effets sont insuffisants, et leur emploi souvent coûteux. Pour préserver les semis, et notamment ceux des plantes pota* gères, on a conseillé d’enfouir avec les graines des rameaux épineux d’ajonc, des feuilles de châtaignier ou des copeaux de menuisier. La prétérence marquée que ces larves ont pour certaines plantes fournit un excellent moyen, sinon de les détruire, du moins d’en diminuer le nombre. Ainsi, dans les jardins fruitiers ou dans les planches de fraisiers, on sème à la volée de la graine de laitue dans l’intervalle des plants. Cette opération se fait au commencement de juillet. Un mois après environ, les vers blancs commencent à attaquer les racines de cette plante, dont ils sont très-friands. Dès qu’on voit quelques pieds do laitue jaunir et se faner, on lès enlève d’un coup de bêche, et l’on est sûr d’y trouver une ou plusieurs larves ; ou arrive ainsi à en détruire le plus grand nombre. Dans les massifs

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de dahlias ou de rosiers, on emploie les fraisiers dans un but analogue.

On a observé que les vers blancs ont une grande répugnance pour legoudron de houille ; on les éloigne des jeunes arbres en jetant dans les trous disposés pour la plantation quelques feuilles de chêne sèches trempées dans ce goudron. Les pelouses qui sont ravagées par ces larves peuvent être arrosées avec de l’huile lourde de gaz très-étendue d’eau. On obtient aussi de bons résultats des matières fécales pralinées avec un peu de chaux ou de plâtre.

Toutes les crucifères enterrées vertes au moment de leur floraison tuent le ver blanc. Si l’on place un de ces animaux sur une feuille de chou ou de colza en décomposition, il y meurt en quelques secondes. La destruction du ver blanc peut donc s’opéjer sur une très-vaste échelle, par l’enfouissement d’une récolte de colza en fleur, procédé qui donne en outre à la terre un engrais végétal peu coûteux et très-actif.

La recherche des larves est un procédé plus difficile, mais plus efficace. On profite pour cela des labours faits en hiver, à la charrue ou à la bêche, et même on en fait un en mai dans ce seul but. Si les larves sont encore jeunes, elles périssent par le fait seul de leur exposition à l’air. Dans tous les cas, on peut les ramasser et les écraser, ou bien les donner aux porcs ou aux oiseaux de bassecour.

Quant à l’insecte parfait, quoique bien moins nuisible que sa larve, il commet néanmoins des dégâts qui forcent à s’occuper de lui. Il ronge les feuilles de presque tous les arbres, et, quand il a dépouille ceux d’un canton, il passe à un autre. Souvent, à la fin du •printemps, on voit les arbres fruitiers et forestiers ainsi dénudés. Il en résulte que la surabondance de la sève, qui devait servir au développement du fruit, est employée par l’arbre à produire de nouvelles feuilles, ce qui nuit également à sa ’ croissance et à la production fruitière.

Les intempéries atmosphériques font périr souvent un grand nombre de hannetons ; ils ont d’ailleurs des ennemis nombreux dans les diverses classes d’animaux ; tels sont surtout le hérisson, la taupe, le blaireau, la fouine, la belette, le renard, etc., parmi les mammifères, et, parmi les oiseaux, les rapaces diurnes et nocturnes, la pie-grièche, l’engoulevent, les pies, les corbeaux, les poules, les dindons, etc. Mais ces moyens naturels ne suffisent pas. La prodigieuse multiplication de cet insecte force le cultivateur à.déployer la plus grande activité ; c’est ici surtout que des mesures générales, énergiques, continuées pendant plusieurs années, seraient nécessaires pour arriver à nous débarrasser de cet ennemi. On le détruit par une chasse active ; tous les matins, on secoue ou on gaule les arbres ; l’insecte, encore engourdi par le froid de la nuit, tombe, et on le ramasse en abondance. II ne faut pas l’écraser, car les œufs des femelles fécondées échapperaient, en partie du moins, à la destruction. A plus forte raison doit-on se garder d’enterrer dans le fumier les hannetwis récoltés ; ce serait, a-t-on dit avec raison, comme si l’on semait de la graine de hanneton. Il est préférable de les brûler ou de les faire périr dans l’eau bouillante.

Il a été question d’un procédé nouveau pour extraire du corps des hannetons la matière grasse qui s’y trouve en abondance, pour la faire servir à des usages économiques, notamment à graisser les essieux des voitures. D’après Mulsant, on serait également parvenu à utiliser pour la peinture le liquide noirâtre que renferme l’œsophage de cet insecte. Si ces deux industries prenaient de l’extension, ce serait un service indirect, mais réel, rendu à l’agriculture.

Les primes distribuées à quiconque aurait ramassé une certaine quantité de ces insectes pourraient être ici d un grand secours. Ce système a été appliqué, croyons-nous, pour la première fois, en 1834, par Romieu, préfet de la Sarthe, qui lui a dû une petite célébrité assez plaisante. Néanmoins, cet exemple a été suivi par d’autres préfets, qui ont cru rendre ainsi un véritable service à l’agriculture.

On a essayé de manger le ver blanc du hanneton, et on a même prétendu qu’il formait un mets délicieux. Nous avons lu*quelque part que des savants, des membres de 1 Institut, se sont réunis un jour et se sont dit : Faciamits experimentum, mangeons une friture de vers blancs. Mais on ajoutait qu’après s’être recueillis, ces savants déclarèrent à l’unanimité... qu’ils aimaient mieux une friture de goujons.

On a fait de l’huile à brûler avec les hannetons ; on en a même tiré une espèce de farine qui sert à nourrir les jeunes faisans. Mais la meilleure manière d’utiliser le hanneton, c’est de le faire servir à la fabrication d’un engrais, selon le procédé indiqué par M. Lucien Rousseau d’Angervilie et que nous allons rapporter.

Après avoir tué les hannetons par uhe immersion de quelques instants dans l’eau bouillante, on les met dans des tonneaux pour les transporter à la fabrique. On se les procure aisément au prix de 20 centimes le décalitre. L’atelier de fabrication doit être dehors, et autant que possible éloigné dos habitations, car cette cuisine a une odeur siti generis, qui ne peut être du goût de beaucoup

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de gens. L’atelier so compose d’une chaudière économiquement mise sur un fourneau provisoire. Les hannetons placés dans la cliuuy dière sont cuits jusqu’à ramollissement ; pour que la cuisson soit égale dans les diverses parties de la masse, on les remue dans tous les sens avec une fourche, de façon à mettre en dessous ceux qui d’abord étaient en dessus, puis à ramener au milieu ceux des bords. Pendant que s’opère la cuisson, on prépare une couche de terre ou d’autres matières pulvérulentes légèrement sèches. Cette couche doit avoir de 0’",10 à 0™, 12 d’épaisseur ; les haitnctons cuits sont étendus sur cette couche ■de terre, sur une épaisseur de om,12 à 011,15. Au-dessus des hannetons on mettra le dixième en poids d’un mélange de phosphaté fossile et do plâtre, dans la proportion de deux tiers de plâtre pour un de phosphate. On pourrait remplacer le plâtre par de la chaux, qui est bien plus énergiquo. On continue les superpositions jusqu’à ce qu’il y ait trois rangs de couches alternées ; on recouvre alors le silo, qui a 0",80 à om,90 de hauteur, avec de la terre bien tassée et assez épaisse pour empêcher toute émanation et perte de gaz. Après un mois, on recoupe et on mélange parfaitement. Pour employer à l’automne, il faut faire ces recoupages très-souvent, afin de provoquer la fermentation qui avance l’engrais. . < L’engrais fait par moi au printemps de 1S68, dit M. Lucien Rousseau, m’a semblé trop vert à l’automne pour être employé ; je l’ai laissé passer l’hiver en tas, dehors, en le faisant remuer deux ou trois fois. Voulant savoir si cette longue conservation a été avantageuse à mon engrais, je l’ai fait analyser une seconde fois par M. Gaucheron. Tels sont les résultnts de son analyse : humidité, 20 pour 100 ; matières organiques, 10 ; phosphates, 9,80 ; résidus, SI ; carbonates et sels, 29,20. Les résidus sont les terres ajoutées aux hannetons au moment de la fabrication : azote état normal, o, G8 ; azote état sec, 0,85 ; azote des nitrates, 0,48. D’après M. Gaucheron, 100 kilogr. d’engrais de hannetons ont une valeur égale à 250 kilogr. de fumier do ferme ; sa valeur réelle en argent est 0 fr. 035 le kilogr. Ainsi, ajoute M. Lucien Rousseau, avec 178 francs dépensés, j’ai fait 15 mètres cubes d’engrais, le mètre cube pesant 820 kilogr. ; j en ai donc 12,300 kilogr., ce qui représente, au prix indiqué plus naut, 430 fr. 50. Les 12,300 kilogr. ayant coûté Seulement 178 fr., la différence entre cette somme et le prix ou la valeur réelle de l’engrais est assez considérable pour que cette fabrication ne tarde pas à être d’un usage général parmi les cultivateurs. «Ajoutons que ce serait là un moyen de diminuer de plus en plus la production de ces redoutables insectes, qui pullulent aujourd’hui au grand détriment de toutes les cultures. M. Lucien Rousseau constate qu’en 1863 les hannetons ayant servi k la confection de ses 12,300 kilogr. d’engrais ont diminué la population future d’au moins 86 millions d’individus.

Notre article serait évidemment incomplet si, en finissant, nous ne considérions pas le hanneton dans ses rapports avec les enfants. À une certaine époque do l’année, on voit partout de petits industriels de dix à quinze ans se faire marchands de hannetons. Quand il y avait encore des liards, ils criaient :

Vlà d’sTuuinetonJ, d’s’hannelons pour un yard.

Et tous les enfants s’empressaient d’en acheter pour attacher un fil a une de leurs pattes et s amuser à les faire voler, sans se préoccuper des souffrances du pauvre insecte. Et cependant, quel autre animal que le hanneton serait plus digne de trouver grâce devant les cœurs les plus endurcis ? Quelle allure calme et digne I quelle physionomie débonnaire 1 Quel excellent caractère 1 Jamais vous ne surprendrez chez lui le inoindre signe de colère ou même d’impatience, excepté peut-être lorsqu’il est renversé sur le dos. Là, ses pattes vont et viennent dans tous les sens ; il semble parfois les lever au ciel comme pour implorer du secours. Mais qu’une main compatissante lui tende la perche de salut, nous voulons dire un brin de paille, une barbe de plume, il s’y accroche aussitôt avec l’énergie d’un noyé qui se cramponne au rivage. Sauvé, mon Dieu ! et le voilà qui rentre tout aussitôt dans ses habitudes de douceur et de gravité ; il n’a pas conservé la moindre rancune contre le méchant espiègle qui lui avait fuit prendre cette position, la plus désagréable, la plus insupportable pour un hanneton. Il recommence à aller de droito ou do gauche, à reculer ou à marcher en avant au gré de son possesseur, et cela avec une patienco, une résignation qu’on ne saurait trop admirer et que beaucoup d’hommes devraient prendre pour exemple. On ne se figure pas de combien de manières l’écolier sait tirer parti d’un hanneton, à quel degré d’éducation il peut le conduire, jusqu’à lui faire exécuter des dessins, jusqu’à lui apprendre à signer son nom. Voilà qui est incroyable, dira-t-on ; en bien, nous allons rappeler ici cette charmante page des Nouvelles genevoises, où Topffer décrit avec tant de charme les merveilles étonnantes accomplies par un hanneton : ■

t C’était le temps des hannetons. Ils m’avaient bien diverti autrefois ; mais je commençais à n’y prendre plus de plaisir. Comme 011 vieillit ! Toutefois, pendant que, seul dans ma chambre, je faisais mes devoirs avec un mortel eut"", je ne dédaignais pas la couipa HANN

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gnie de quelqu’un de.ces animaux. À la vérité, il ne s’agissait plus de l’attacher à un fil pour le faire voler, ni de l’atteler à un petit chariot : j’étais déjà trop avancé en âgij pour m’abandonner à ces puériles récréations ; mais penseriez-vous que ce soit là tout ce qu’on peut faire d’un hanneton ? Erreur grande ; entre les jeux enfantins et les études sérieuses du naturaliste, il y a une multitude do degrés à parcourir., :

" » J’en tenais un sous un verre renversé. L’animal grimpait péniblement les parois pour retomberbientôt et recommencer sans cesse et sans fin. Quelquefois il retombait sur le dos : c’est, vous le savez, pour un hanneton un très-grand malheur. Avant de lui porter secours, je contemplais sa longanimité à promener lentement ses six brus par l’espace, dans l’espoir toujours déçu de s’accrocher à un corps qui n’y est pas. C’est vrai que les hannetons sont bêtes 1 me disais-je.

Le plus souvent, je le tirais d’affaire en lui présentant le bout de ma plume, et c’est ce qui me conduisit à la plus grande, h la plus heureuse découverte ; de telle sorte qu’on pourrait dire, avec Berquin, qu’une bonno action ne reste jamais sans récompense. Mon hanneton s’était accrocha aux barbes de. la plume, et je l’y laissais reprendre ses sens pendant que j’écrivais une ligne, plus attentif à ses faits et gestes qu’à ceux de Jules César, qu’en ce moment je traduisais. S’envolerait-il, ou descendrait-il le long de la plume ? À quoi tiennent pourtant les choses 1 S’il avait pris le premier parti, c’était fait do ma découverte, je ne l’entrevoyais même pas. Bien heureusement il se mit à descendre. Quand je le vis qui approchait do l’encro, j’eus des avant-coureurs, j’eus des pressentiments qu’il allait se passer de grandes choses. Ainsi Colomb, sans voir la cote, pressentait son Amérique. Voici, en effet, le hanneton qui, parvenu à l’extrémité du bec, trempe sa tarière dans l’encre. Vite un feuillet blanc... C’est l’instant de la plus grande attente 1

La tarière arrive sur le papier, dépose l’encre sur sa trace, et voici d’admirables dessins. Quelquefois le hanneton, soit génie, soit que le vitriol inquiète ses organes, relève sa tarière et l’abaisse tout en cheminant : ilen résulte une série de points, un travail d’une délicatesse merveilleuse. D’autres fois, changeant d’idée, il se détourne ; puis, chanfeant d’idée encore il revient : c’est un S !... cette vue un trait de lumière m’éblouit.

Je dépose l’étonnant animal sur la première page de mon cahier, la tarière bien pourvue d’encre ; puis, armé d’un brin de paille pour diriger les travaux et barrer tes passages, je le force à se promener de telle façon qu’il écrive lui-même mon nom. Il fallut deux heures ; mais quel chef-d’œuvre !

La plus noble conquête que l’homme ait jamais laite, dit Buffon, c’est.... c’est bien certainement le hanneton.

Pour diriger cette opération, je m’étais approché du jour. Nous achevions la dernière lettre lorsqu une voix appela doucement : « Mon ami ?... «

Après cet entretien, je retournai à mon hanneton.

Je suis certain que je dus pâlir. Le mal était grand, irréparable. Je commençai par saisir celui qui en était l’auteur, et je le jetai par la fenêtre. Après quoi, j’examinai avec terreur l’état désespéré des choses.

« On voyait une longue trace noire oui, partie du chapitre iv De Bello gallico, allait droit vers la marge de gauche ; là, l’animal trouvant la tranche trop roide pour descendre, avait rebroussé vers la marge de droite ; puis, ’étant remonté vers le nord, il s’était décidé à passer du livre sur le rebord de l’encrier, d’où, par une pente douce et polie, il avait glissé dans l’abîme, dans la géhenne, dans 1 encre, pour son malheur et pour tu mien,

Là, le hanneton, ayant malheureusement compris qu’il se fourvoyait, avait résolu do rebrousser chemin ; et, en deuil de lu tête aux pieds, il était sorti de l’encre pour retourner au chapitre tv De Belto galtico, où je la retrouvai qui n’y comprenait rien.

■ C’étaient des pâtés monstrueux, des lacs, des rivières, et toute une suite de catastrophes sans délicatesse, sans génie.... un spectacle noir et affreux I

Or, ce livre, c’était l’EIzévir de mon maître. Elzévir in-4<>, Elzévir rare, coûteux, introuvable, et commis à ma responsabilité avec les plus graves recommandations. Il est évident que j’étais perdu. »

Et maintenant, y aura-t-il encore des gens assez naïfs pour croire que l’animal qui inspire de pareilles pages n’est qu’un vulgaire insecte destructeur ?

Mais ce n’est pas seulement au point ’de vue de ses aptitudes que le hanneton est étonnant, c’est bien plus encore par les relations intimes de sa nature avec les goûts de l’écolier. Que ne fait-on point en classe avec un simple hanneton ? De quel secours précieux n’est-il pas pour égayer la monotonie et l’aridité d’une leçon de grammaire ou d’arithmétique ? Comme il semble comprendre les

ennuis de son maître et comme il so prête à toutes ses fantaisies 1 11 n’est pas seulement entre ses mains un objet de plaisir, de distraction ; il se transforme à son gré en un re» doutablu instrument do vengeance qui fait trembler dans leur chaire les maîtres les plus sévères. Et, à ce sujet, qu’on nous permette