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RACINE.

coteries. Un portrait des plus dénigrans, recueilli par un envoyé de l’électeur de Brandebourg, Spanheim, le peignait ainsi :

M. de Racine a passé du théâtre à la cour, où il est devenu habile courtisan, dévot même. Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu l’esprit de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages. Ou il complimente avec la foule, ou il blâme et crie dans le tête-à-tête, ou il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui ; il tâche toujours de tenir à ceux qui en sont le chef.

L’excès de cette critique en diminue la portée. Il y aurait plus de vérité dans un mot de Louis XIV sur une amitié de Racine : « Cavoie avec Racine se croit bel esprit ; Racine avec Cavoie se croit courtisan. »

Au total, la vraie définition de Racine à la cour se trouve dans le jugement de Saint-Simon, qui n’a jamais péché par excès de bienveillance : « Rien du poète dans son commerce, et tout de l’honnête homme et de l’homme modeste. » L’éloge semble d’autant plus mérité qu’il s’accorde avec une des règles de conduite auxquelles Racine s’attachait le plus exactement. Il disait à son fils Jean-Baptiste : « Ne croyez pas que ce soient mes pièces qui m’attirent les caresses des grands. Sans fatiguer les gens du monde du récit de mes ouvrages, dont je ne leur parle jamais, je les entretiens de choses qui leur plaisent. Mon talent avec eux n’est pas de leur faire sentir que j’ai de l’esprit, mais de leur apprendre qu’ils en ont. »