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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/128

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RACINE.

les actrices pour jouer dans sa chambre, devant le Roi, avec leurs habits ordinaires ».

Au rapport de Mme de Caylus, « cette pièce est si belle que l’action n’en fut pas refroidie ». En tout cas, l’admiration que méritait l’incomparable chef-d’œuvre n’eut aucun écho hors de Saint-Gyr et de la chambre du roi. Lorsque, au mois de mars suivant, la pièce fut imprimée, elle ne provoqua que d’ineptes épigrammes. Même les plus intimes amis de Racine n’en sentirent pas tout le prix. Le grand Arnauld l’approuvait fort, mais il lui préférait Esther, comme plus édifiante. Seul Boileau jugea bien. Racine, dit son fils, « étonné de voir que sa pièce, loin de faire dans le public l’éclat qu’il s’en étoit promis, restoit presque dans l’obscurité, s’imagina qu’il avoit manqué son sujet ; et il l’avouoit sincèrement à Boileau, qui lui soutenoit au contraire qu’Athalie étoit son chef-d’œuvre : « Je m’y connois, lui disait-il, et le public y reviendra ».

Il y revint, en effet, et aussi la cour, mais le poète était mort. En 1702, Athalie était jouée à Versailles, cette fois « avec tous les ornements et les chœurs mis en musique depuis longtemps par M. Moreau, qui avoit fait ceux d’Esther », mais non plus avec les élèves de Saint-Cyr. La pièce avait été distribuée aux plus grands seigneurs, entourant la duchesse de Bourgogne, qui faisait Josabeth. En 1716, le 3 mars, les comédiens la jouaient à Paris avec l’autorisation du Régent, qui, en 1702, avait tenu le rôle d’Abner. Malgré la suppression des chœurs, il semble qu’elle eut un succès digne d’elle ; du moins, les acteurs furent seuls l’objet de jugements contradictoires. À