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les caractères.

tout, « invisible et présent ». C’est lui qui pousse Athalie vers l’abîme et se révèle comme celui dont la volonté mystérieuse a formé ces créatures de passion et de souffrance, d’inconscience et d’orgueil.

À égale distance des amantes et des ambitieuses, aussi noble qu’Andromaque dans un rôle plus effacé, figure d’une rare originalité dans le groupe des épouses et des mères, la douce Josabeth étend le sentiment maternel sur un enfant qu’elle n’a point porté et l’épure ainsi de tout égoïsme. Avec cela, courageuse et habile dans sa tendresse inquiète, elle est la digne compagne d’un prêtre comme Joad ; elle oppose sa grâce touchante à la majesté terrible d’un tel époux.

Avec une telle place donnée aux femmes, le rôle des hommes est souvent secondaire. Il n’y a pas une pièce de Racine, de la première, Andromaque, où se trouve Oreste, jusqu’à la dernière, Athalie, où se trouve Joad, qui ne montre les femmes au moins égales aux hommes par l’importance que leur prête le poète et l’intérêt qu’elles obtiennent des spectateurs. Si les hommes sont amoureux, surtout s’ils sont aimés, il passent au second plan. Par eux-mêmes, ils dénotent un don de vérité et de création égal à celui dont Racine a fait preuve dans ses caractères de femmes ; mais, par la nature même des passions enjeu et des situations qu’elles provoquent, la comparaison est toujours redoutable, parfois écrasante pour eux.

Comme les femmes, ils ont leurs caractères généraux, qu’ils reçoivent du temps où vivait Racine et