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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

haite que ce qu’on m’a dit ne soit pas vrai ; mais si vous êtes assez malheureux pour n’avoir pas rompu un commerce qui vous déshonore devant Dieu et devant les hommes, vous ne devez pas penser à nous venir voir.

Au point de vue de la stricte morale chrétienne, la sœur Agnès avait raison, et ce langage lui était un devoir. Mais une douleur poignante se mêlait au sentiment d’horreur éprouvé par la religieuse : on avait tant aimé « le petit Racine » à Port-Royal et on avait fondé sur lui de si pieuses espérances ! En outre, le scandale causé par le petit-fils de Marie des Moulins et le neveu de la sœur Agnès était une honte pour la maison.

La lettre de sa tante dut être pour le jeune homme un coup terrible, mais un de ces coups qui, en creusant un abîme, rendent les résolutions définitives, par l’impossibilité d’un accommodement. Racine s’engagea donc plus fortement dans « les fréquentations abominables », qu’au fond du cœur il jugeait telles, car la foi et la raison n’étaient pas mortes en lui : la jeunesse et de l’ambition en dominaient la voix, sans l’étouffer. Dans ce cœur, la sœur Agnès avait enfoncé un aiguillon qui n’en sortira plus et, le moment venu, lui fera retrouver la voie chrétienne.

En attendant, un nouvel avertissement de Port-Royal, qui ne partait plus d’une main sous laquelle le respect familial obligeait Racine à s’incliner sans répondre, provoquait de sa part une riposte sans ménagements. Nicole n’était ni un parent, ni une femme, ni une religieuse ; ce n’était qu’un ancien maître. Un an et demi après la Théhaïde, le 4 décembre