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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

critiques s’élevèrent, et surtout on vit naître cet antagonisme de deux générations qui va s’exercer jusqu’au bout autour des pièces de Racine. Celle de la Fronde reste attachée à Corneille, qui a charmé sa jeunesse ; celle de Louis XIV marque sa préférence pour le poète en qui elle se reconnaît. Entre les deux se forme un public mêlé de jaloux, d’esprits faux, de « zoïles ». Presque toutes les pièces de Racine lui vaudront d’acerbes critiques.

Avant la représentation, Racine était allé soumettre sa pièce à Corneille. Les débutants ne manquent guère à cet hommage envers leurs illustres devanciers, mais il est rare qu’ils en obtiennent l’effet espéré. Corneille avait fait à son jeune confrère de grands éloges sur son talent pour la poésie en général, mais en l’assurant qu’il n’était point propre à la poésie dramatique. De telles erreurs sont inévitables. Un créateur ne voit guère que sa poétique et n’en admet pas d’autre. Or, Alexandre contenait en germe le système dramatique de Racine, et, malgré quelques imitations visibles de son devancier, — comme le souvenir des imprécations de Camille dans celles d’Axiane et la recherche, çà et là, de la coupe cornélienne dans le dialogue, — il apparaissait déjà que ce système, en conservant la forme extérieure de la tragédie cornélienne, allait en changer le fond.

Parmi les tenants de Corneille, un des plus considérables était Saint-Évremond, exilé en Angleterre, mais toujours attentif à la littérature française et fort consulté par ses amis de Paris. Il écrivait une Dissertation sur l’Alexandre. C’est un