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carrière théâtrale.

pour Racine. Il y avait chez l’auteur des Plaideurs une ironie et une finesse qui se tournaient en satire mordante, comme le prouvent tout ce que nous savons de son caractère, les deux lettres sur Port-Royal, de nombreux passages de la correspondance et les quelques épigrammes authentiques qui nous sont parvenues de lui, mordantes à plaisir. Il y avait aussi le don du rire franc, le sentiment des situations plaisantes, le trait vif, l’aptitude à la bouffonnerie la plus réjouissante. Mais, outre que la profondeur comique est absente des Plaideurs, on n’y trouve pas davantage le sérieux, la pitié, le sentiment des grands contrastes, qui sont une part, et la plus haute, de la comédie. Racine avait ces dons, mais il les réservait pour la tragédie, où il en trouvait un emploi plus conforme à sa nature, ironique à la surface, sérieuse au fond. Dès qu’il réfléchissait, le rire s’éteignait ; il voyait l’homme et la vie à la lumière de la morale austère que la nature et l’éducation avaient formée en lui, et qui, voilée par la vie mondaine, veillait au fond de son âme. Il tournait le comique en tragique, comme dans quelques traits de son Andromaque et de son Pyrrhus, dans les ruses effrayantes de Mithridate amoureux, dans l’attitude féline de Néron aux écoutes.

Autant Racine tenait à dire que les Plaideurs avaient été pour lui un divertissement sans importance, autant, lorsqu’il revenait à la tragédie, avec Britannicus, il s’empressait de déclarer pour sa nouvelle pièce qu’il s’était efforcé « de la rendre bonne ». Dans la seconde préface de la pièce, il déclarait : « Voici celle de mes tragédies que je puis dire que