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CARRIÈRE THÉÂTRALE.

nouvellement mariée, est précieux pour l’histoire de la tragédie au xviie siècle :

Le lieu qui devoit servir de théâtre étoit préparé dans l’ancien salon. Des paravents d’une grande beauté, entre lesquels étoient des guéridons d’argent, portant des girandoles garnies de bougies, faisoient la décoration de ce théâtre. Entre chaque guéridon on voyoit des pots remplis de toutes sortes de fleurs avec des vases et des cuvettes d’argent. Au fond du théâtre, il y avoit une manière d’amphithéâtre dressé dans la grande croisée qui regarde Paris. Cet amphithéâtre étoit plein de girandoles garnies de bougies, de vases et d’autres ouvrages d’argent remplis de fleurs.

Dans une page fameuse, Taine a marqué le rapport qui existe entre la pompe élégante de la tragédie racinienne et le luxe royal au milieu duquel elle était jouée. Pour saisir ce rapport au complet, il suffit de parcourir les gravures d’Israël Silvestre et de Lepautre, représentant les fêtes de Versailles. Mais cette vue ingénieuse n’accorde-t-elle pas trop d’importance au cadre que la tragédie classique recevait à la cour ? Le même genre s’accommodait aussi des salles misérables du Marais et de l’Hôtel de Bourgogne, ces salles en forme de rectangle, avec leurs décors élémentaires, la scène encombrée de spectateurs, les loges incommodes, le parterre debout, l’éclairage de chandelles fumeuses. L’élégance et la pompe étaient surtout dans l’esprit du poète et de son public.

Avec Mithridate, Racine n’avait pas réussi seulement, comme dans Britannicus, à reproduire la grandeur de l’histoire. Il avait fait parler l’héroïsme de manière à rivaliser avec Corneille. La grandeur d’âme de Louis XIV trouvait particulièrement à se