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RACINE.

il nous donne cette grande leçon que, lorsqu’en punition de fautes précédentes, Dieu nous abandonne à nous-mêmes et à la perversité de notre cœur, il n’est point d’excès où nous ne puissions nous porter, même en les détestant. » Après cette déclaration, l’auteur pouvait venir lui-même, et Louis Racine raconte ainsi la réconciliation : « Boileau, charmé d’avoir si bien conduit sa négociation, demanda à M. Arnauld la permission de lui amener l’auteur de la tragédie. Ils vinrent chez lui le lendemain, et, quoiqu’il fût en nombreuse compagnie, le coupable, entrant avec l’humilité et la confusion peintes sur le visage, se jeta à ses pieds ; M. Arnauld se jeta aux siens ; tous deux s’embrassèrent. » On songe à la scène fameuse de Tartufe, mais pour remarquer combien, par la différence des sentiments, un même acte, de ridicule, peut devenir touchant.

Dès lors, le divorce de Racine avec le théâtre était consommé. « Il résolut, dit Louis Racine, non seulement de ne plus faire de tragédies, et même de ne plus faire de vers ; il résolut encore de réparer ceux qu’il avait faits, par une rigoureuse pénitence. La vivacité de ses remords lui inspira le dessein de se faire chartreux. » Son confesseur « trouva ce parti trop violent » et lui conseilla « de rester dans le monde et d’en éviter les dangers, en se mariant à une personne remplie de piété ». Il suivit ce conseil, et, le 1er juin 1677, par l’entremise de « sages amis », il épousait Catherine de Romanet.

« L’amour ni l’intérêt n’eurent aucune part à son choix, continue son fils ; il ne consulta que la raison pour une affaire si sérieuse. » C’était, en effet, un