Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/308

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davantage, et n’a rien détaillé. « Le succès à la guerre, a-t-il continué, tient tellement au coup d’œil et au moment, que la bataille d’Austerlitz, gagnée si complètement, eût été perdue si j’eusse attaqué six heures plus tôt. Les Russes s’y montrèrent des troupes excellentes qu’on n’a jamais retrouvées depuis : l’armée russe d’Austerlitz n’aurait pas perdu la bataille de la Moscowa.

« Marengo, continuait Napoléon, était la bataille où les Autrichiens s’étaient le mieux battus ; leurs troupes s’y étaient montrées admirables, mais leur valeur s’y enterra : on ne les a plus retrouvés depuis.

« Les Prussiens n’ont pas fait à Iéna la résistance qu’on attendait de leur réputation. Du reste, les multitudes de 1814 et de 1815 n’étaient que de la canaille auprès des vrais soldats de Marengo, d’Austerlitz et d’Iéna : »

L’Empereur disait avoir couru le plus grand danger la veille d’Iéna ; il eût pu disparaître, pour ainsi dire, sans qu’on connût bien sa destinée : il s’était approché, durant l’obscurité, des bivouacs ennemis pour les reconnaître ; il n’avait avec lui que quelques officiers. L’idée qu’on se faisait de l’armée prussienne tenait chez nous tout le monde en alerte ; on croyait les Prussiens disposés surtout aux attaques de nuit. L’Empereur, en revenant, reçut le feu de la première sentinelle de son camp ; ce fut un signal pour toute la ligne, si bien que Napoléon n’eut d’autre ressource que de se jeter à plat ventre, jusqu’à ce que la méprise fût reconnue ;