Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/344

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directions ; les lettres de la poste saisies, et celles qui pouvaient donner des renseignements militaires, traduites et analysées ; toutes les mesures étaient prises pour former des magasins de subsistances, pour rafraîchir la troupe. Malheureusement Stengel avait la vue basse, défaut essentiel dans sa profession, qui lui devint funeste, et contribua à sa mort.

Après la bataille de Mondovi, le général en chef marcha sur Cherasque ; Serrurier se porta sur Fossano, et Augereau sur Alba.


VIII. Prise de Cherasque, 25 avril. — Ces trois colonnes entrèrent à la fois le 25 avril, dans Cherasque, Fossano et Alba. Le quartier-général de Colli était à Fossano, le jour même que Serrurier l’en délogea. Cherasque, à l’embouchure de la Stura et du Tanaro, était forte, mais mal armée et point approvisionnée, parce qu’elle n’était pas frontière. Le général français attachait une grande importance à sa possession. Il y trouva du canon, et fit travailler à force à la mettre en état de défense. L’avant-garde passa la Stura, et se porta au-delà de la petite ville de Bra.

Cependant la jonction de Serrurier nous avait permis de communiquer avec Nice par Ponte-di-Nava ; nous en reçûmes des renforts d’artillerie et tout ce que l’on avait pu préparer. On avait pris dans tous les différents combats beaucoup d’artillerie et de chevaux ; on en leva de tous côtés dans la plaine de Mondovi. Peu de jours après l’entrée à Cherasque, l’armée eut soixante bouches à feu approvisionnées ; la cavalerie fit des remontés de chevaux. Les soldats, qui avaient été sans distributions durant les huit ou dix jours de cette campagne, commencèrent à en recevoir de régulières. Le pillage et le désordre, suite ordinaire de la rapidité des mouvements, cessèrent ; on rétablit la discipline, et chaque jour l’armée changea de face, au milieu de l’abondance et des ressources qu’offrait ce beau pays. Les pertes se réparèrent. La rapidité des mouvements, l’impétuosité des troupes, et surtout l’art de les opposer toujours à l’ennemi, au moins en nombre égal, et souvent en nombre supérieur, joint aux succès constants qu’on avait obtenus, avaient épargné bien des hommes : d’ailleurs les soldats arrivaient par tous les débouchés, de tous les dépôts, de tous les hôpitaux, au seul bruit de la victoire et de l’abondance qui régnait dans l’armée. On trouva en Piémont de tous les vins : ceux du Montferrat ressemblaient aux vins de France. La misère avait été telle jusque-là dans l’armée française, qu’on oserait à peine la décrire. Les officiers, depuis plusieurs années, ne recevaient que 8 fr. par mois, et l’état-major était entièrement à pied. Le maréchal Berthier a conservé dans ses papiers un ordre du jour d’Albenga, qui accordait une gratification de trois louis à chaque général.