Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/346

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Toulon, vous présageâtes l’immortelle campagne de 1793, vos victoires actuelles en présagent une plus belle encore.

« Les deux armées qui naguère vous attaquaient avec audace fuient épouvantées devant vous. Les hommes pervers qui riaient de votre misère et se réjouissaient, dans leurs pensées, des triomphes de nos ennemis, sont confondus et tremblants. Mais, soldats ! il ne faut pas vous le dissimuler, vous n’avez rien fait, puisqu’il vous reste encore à faire. Ni Turin ni Milan ne sont à vous ! Les cendres des vainqueurs de Tarquin sont encore foulées par les assassins de Basseville. Vous étiez dénués de tout au commencement de la campagne ; vous êtes aujourd’hui abondamment pourvus. Les magasins pris à vos ennemis sont nombreux, l’artillerie de siège et de campagne est arrivée. Soldats ! la patrie a droit d’attendre de vous de grandes choses ! Justifierez-vous son attente ? Les plus grands obstacles sont franchis sans doute ; mais vous avez encore des combats à livrer, des villes à prendre, des rivières à passer. En est-il entre nous dont le courage s’amollisse ? En est-il qui préféreraient retourner sur les sommets de l’Apennin et des Alpes, essuyer patiemment les injures de cette soldatesque esclave ? Non, il n’en est pas parmi les vainqueurs de Montenotte, de Millésimo, de Dégo, de Mondovi. Tous brûlent de porter au loin la gloire du peuple français. Tous veulent humilier ces rois orgueilleux qui osaient méditer de nous donner des fers. Tous veulent dicter une paix glorieuse, et qui indemnise la patrie des sacrifices immenses qu’elle a faits. Amis, je vous la promets cette conquête ; mais il est une condition qu’il faut que vous juriez de remplir, c’est de respecter les peuples que vous délivrez ; c’est de réprimer les pillages horribles auxquels se portent des scélérats suscités par vos ennemis. Sans cela vous ne seriez point les libérateurs des peuples, vous en seriez les fléaux. Vous ne seriez pas l’honneur du peuple français, il vous désavouerait. Vos victoires, votre courage, vos succès, le sang de nos frères morts aux combats, tout serait perdu, même l’honneur et la gloire. Quant à moi et aux généraux qui ont votre confiance, nous rougirions de commander à une armée sans discipline, sans frein, qui ne connaîtrait de loi que la force. Mais investi de l’autorité nationale, fort de la justice et par la loi, je saurai faire respecter à ce petit nombre d’hommes sans courage, sans cœur, les lois de l’humanité et de l’honneur qu’ils foulent aux pieds. Je ne souffrirai pas que des brigands souillent vos lauriers, je ferai exécuter à la rigueur le règlement que j’ai fait mettre à l’ordre. Les pillards seront impitoyablement fusillés ; déjà plusieurs l’ont été. J’ai eu lieu de remarquer avec plaisir