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Cinquième jour de la réclusion.


Vendredi 3.

L’Empereur n’est pas sorti davantage ; c’était son cinquième jour de réclusion, il continuait à ne voir personne. Nous ignorions au-dehors ce qui se passait dans son intérieur. Il me faisait appeler, pour ainsi dire, à la dérobée. J’y suis entré sur les six heures du soir.

Je lui ai renouvelé notre inquiétude et notre peine de le voir ainsi renfermé. Il m’a dit qu’il supportait fort bien la chose. Mais les journées étaient longues, les nuits encore davantage. Il n’avait rien fait de tout le jour ; il s’était trouvé de mauvaise humeur, disait-il : encore en ce moment il était silencieux, sombre, appesanti. Il s’est mis au bain ; je l’ai suivi, et ne l’ai quitté que pour le laisser essuyer. Il a fini la soirée par des objets ou des récits bien importants… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Sixième jour de réclusion.


Samedi 4.

L’Empereur n’est pas sorti encore. Il avait dit pourtant qu’il monterait à cheval sur les quatre heures ; mais la pluie est venue déranger son intention. Il a reçu le grand maréchal.

Sur les huit heures, il m’a fait appeler pour dîner avec lui. Il a dit que le gouverneur était venu chez le grand maréchal, qu’il y était demeuré plus d’une heure. Il y avait tenu une conversation souvent pénible, même parfois offensante. Il avait parcouru divers objets avec beaucoup d’humeur et très peu d’égards, d’une manière très vague et sans résultats, nous reprochant surtout, à ce qu’il paraissait, de nous plaindre beaucoup et sans raison, disait-il. Il soutenait que nous étions très bien, et devrions être contents ; que nous semblions nous abuser étrangement sur nos personnes et nos situations, etc., etc. ; que, du reste (du moins cela a été compris ainsi), il voulait être assuré chaque jour, par témoignage évident, de l’existence et de la présence de l’Empereur.

Il est certain que ce point était la véritable cause de son humeur et de son agitation. Plusieurs jours venaient de s’écouler sans qu’il eût pu recevoir de rapport de son officier ou de ses espions, l’Empereur n’étant point sorti, et personne n’étant censé avoir été admis chez lui.

Mais comment s’y prendrait-il ? c’est ce qui nous a fort occupés à notre tour. L’Empereur ne se soumettrait jamais, fût-ce au péril de sa vie, à une visite régulière, qui pourrait, au fait, se renouveler capricieusement à toute heure du jour et de la nuit. Le gouverneur em-