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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/597

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quand cela n’est pas. De là toute la clef de nos conduites respectives si différentes. Nous ne sommes vraiment pas et nous ne saurions être de même espèce dans la vie.

Lors de la terreur, Joséphine étant en prison, son mari mort sur l’échafaud, Eugène, son fils, avait été mis chez un menuisier, et y fut littéralement en apprentissage et en service. Hortense ne fut guère mieux, elle fut mise, si je ne me trompe, chez une ouvrière en linge. »

Ce fut Fouché qui le premier toucha la corde fatale du divorce ; il alla, sans mission, conseiller à Joséphine de dissoudre son mariage, pour le bien de la France, lui disait-il. Le moment pourtant n’était pas encore arrivé pour Napoléon. Cette démarche causa beaucoup de chagrin et de trouble dans le ménage ; elle irrita fort l’Empereur ; et s’il ne chassa pas alors Fouché, à la vive sollicitation de Joséphine, c’est qu’au fait il avait déjà secrètement arrêté ce divorce en lui-même, et qu’il ne voulut pas, par ce châtiment, donner un contre-coup à l’opinion.

Toutefois il doit à la justice de dire que, dès qu’il le voulut, Joséphine obéit. Ce fut pour elle une peine mortelle ; mais elle se soumit et de bonne foi, sans vouloir mettre à profit des tracasseries inutiles qu’elle eût pu essayer de faire valoir. Et ici c’est peut-être le lieu de dire que je tiens de la bouche du prince primat des détails curieux sur le mariage et le divorce. Madame de Beauharnais fut mariée au général Bonaparte par un prêtre insermenté, mais qui avait négligé, par pur accident, l’autorisation obligée du curé de la paroisse. Ce défaut de formalité, ou tout autre, occupa fort depuis le cardinal Fesch, et, soit scrupule ou autrement, il fit si bien qu’il vint à bout, au moment du couronnement, de persuader aux deux époux de se laisser marier par lui, à huis clos, en tant que de besoin. Lors du divorce, la séparation civile fut prononcée par le Sénat. Quant à la séparation religieuse, on ne voulait pas s’adresser au pape, et on n’en eut pas besoin. Le cardinal Fesch ayant refait le mariage sans témoins, l’officialité de Paris l’annula pour ce défaut, et déclara qu’il n’y avait pas eu de mariage. À ce jugement l’impératrice Joséphine fit appeler le cardinal Fesch à la Malmaison, et lui demanda s’il oserait attester et signer par écrit qu’elle avait été mariée, et bien mariée. « Sans doute, répondit le cardinal Fesch, je le soutiendrai partout, et je vais vous en signer le témoignage : » Ce qu’il fit en effet.

« Mais, disais-je alors au prince primat, quel jugement a donc porté l’officialité de Paris ? – Celui de la vérité, répondit le prince. – Mais que veut dire alors la déclaration du cardinal Fesch ? Serait-elle donc fausse ? – Pas dans son opinion, disait-il, parce qu’il a adopté