Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/718

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pareilles vilenies ont chargé la France aux yeux de l’Europe. On voit qu’elles ne lui sont pas exclusives ; les intrigants, les ambitieux, les avides, se trouvent partout, sont les mêmes partout, les individus seuls sont coupables ; les nations ne sauraient être responsables, leur seul tort est de se trouver pour le moment en évidence : malheur à celle qui occupe la scène ! »

N. B. Aujourd’hui l’affaire d’Espagne demeure parfaitement connue, grâce aux écrits des principaux acteurs, le chanoine Escoiquiz, le ministre Cevallos et autres, et surtout l’honnête et respectable M. Llorente, qui, sous la signature anagrammatique de Nellerto, a publié les mémoires du temps, appuyés du recueil de toutes les pièces officielles. Les contradictions adverses des deux premiers, leurs disputes entre eux, les réclamations et les dénégations des contemporains, ont réduit leurs écrits à leur juste valeur, tout en les dépouillant de tout ce qu’il y avait d’erroné, de faux ou même de falsifié : il en résulte qu’aux yeux de tout homme impartial et froid, ils concourent tous, même involontairement, à confirmer les assertions justificatives émises plus haut par Napoléon ; non qu’ils ne reproduisent cette différence qu’on doit inévitablement attendre de la diversité de parti et d’intérêts, mais seulement parce qu’il est vrai de dire qu’aucun n’établit avec fondement une occasion positive, qu’il ne présente aucune pièce officielle qui puisse la constater, tandis que toutes celles qui existent attestent et consacrent le contraire.

Ce qu’on peut observer encore dans l’histoire, aujourd’hui bien authentique de ces affaires, c’est que l’Angleterre elle-même s’y est trouvée tout à fait étrangère, du moins dans le principe, ce qui était loin de la pensée de Napoléon, qui accusa dans les temps les Anglais d’être la première cause de toutes les intrigues, et qui les en accusait encore à Sainte-Hélène, tant il était habitué à les trouver au fond de tout ce qui se tramait contre lui.

Au surplus, voici sur cette affaire d’Espagne une lettre de l’Empereur qui y jette plus de jour que ne sauraient le faire des volumes. Elle est admirable ; les évènements qui ont suivi la rendent un chef-d’œuvre. Elle fait voir la rapidité, le coup d’œil d’aigle avec lequel Napoléon jugeait immédiatement les choses et les personnes.

Malheureusement elle montre aussi combien l’exécution des subalternes, la plupart du temps, détruisait ou gâtait les plus belles, les plus hautes conceptions, et, sous ce rapport encore, cette lettre demeure bien précieuse pour l’histoire. Sa date la rend prophétique.