Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/843

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ne savait pas faire. Les ministres, disait-il, avaient eu de l’embarras avec l’Empereur, et non de la haine ; ils n’avaient su qu’en faire. En Angleterre, il eût été et il demeurait encore un épouvantail pour le continent ; il eût été une arme trop dangereuse et trop puissante entre les mains de l’opposition, etc., etc. Du reste, il craignait, disait-il, que toutes ces circonstances ne pussent nous retenir longtemps ici, et il assurait que l’intention des ministres était qu’à l’évasion près, on comblât Napoléon à Sainte-Hélène, etc. Tout cela était rendu d’une manière si convenable, que l’Empereur discutait la chose avec lui sans plus de chaleur que si elle lui avait été étrangère.

Un moment, l’Empereur l’a visiblement ému, lorsqu’au sujet des commissaires alliés, il lui a exprimé l’impossibilité de les recevoir. « Enfin Monsieur, lui a-t-il dit, vous et moi nous sommes hommes ; j’en appelle à vous. Se peut-il que l’empereur d’Autriche, dont j’ai épousé la fille, qui a sollicité ce mariage à genoux, auquel j’ai rendu deux fois sa capitale, qui retient ma femme et mon fils, m’envoie son commissaire sans une seule ligne pour moi, sans un petit bout de bulletin de la santé de mon fils ? Puis-je bien le recevoir ? avoir quelque chose à lui dire ? Il en est de même de celui d’Alexandre, qui a mis de la gloire à se dire mon ami, contre lequel je n’ai eu que des guerres politiques et non des querelles personnelles. Ils ont beau être souverains, nous n’en sommes pas moins hommes ; je ne réclame pas d’autre titre en ce moment ! Ne devraient-ils pas tous avoir un cœur ? Croyez, Monsieur, que, quand je répugne au titre de général, il ne peut m’offenser. Je ne le décline que parce que ce serait convenir que je n’ai pas été empereur. Et je défends ici plus l’honneur des autres que le mien ; je défends l’honneur de ceux avec qui j’ai été, à ce titre, en rapport, en traité, en alliance de sang et de politique. Le seul de ces commissaires que je puisse recevoir, peut-être, serait celui de Louis XVIII, qui ne me doit rien. Ce commissaire a été longtemps mon sujet ; il ne fait que marcher avec les circonstances indépendantes de lui : aussi le recevrais-je demain, si je ne craignais les mauvais contes qu’on ferait sans doute, et les sottes couleurs dont on ne manquerait pas de peindre cette circonstance, etc. »


Cour de l’Empereur – Dépenses, économies, chasses, écuries, pages, service d’honneur, etc., etc..


Vendredi 26 au dimanche 28.

Notre vie accoutumée : sur le milieu du jour, le tour en calèche ; le soir, la conversation.