Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/145

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« P. S. J’avais signé cette lettre, Monsieur, lorsque j’ai reçu la vôtre du 17 : vous y joignez le compte par aperçu d’une somme annuelle de vingt mille livres sterling que vous jugez indispensable pour subvenir aux dépenses de l’établissement de Longwood, après avoir fait toutes les réductions que vous avez crues possibles. La discussion de cet aperçu ne peut nous regarder en aucune manière ; la table de l’Empereur est à peine le strict nécessaire ; tous les approvisionnements sont de mauvaise qualité et quatre fois plus chers qu’à Paris. Vous demandez à l’Empereur un fonds de douze mille livres sterling, votre gouvernement ne vous allouant que huit mille livres sterling pour toutes ces dépenses. J’ai eu l’honneur de vous dire que l’Empereur n’avait pas de fonds, que depuis un an on n’avait reçu ni écrit aucune lettre, et qu’il ignorait complètement tout ce qui se passe ou a pu se passer en Europe. Transporté violemment sur ce rocher, à deux mille lieues, sans pouvoir recevoir ou écrire aucune lettre, il se trouve aujourd’hui entièrement à la discrétion des agents anglais. L’Empereur a toujours désiré et désire pourvoir lui-même à toutes ses dépenses quelconques, et il le fera aussitôt que vous le lui rendrez possible, en levant l’interdiction faite aux négociants de l’île de servir sa correspondance, et qu’elle ne sera soumise à aucune inquisition de votre part ou d’aucun de vos agents. Dès que l’on connaîtra en Europe les besoins de l’Empereur, les personnes qui s’intéressent à lui enverront les fonds nécessaires pour y pourvoir.

« La lettre de lord Bathurst que vous m’avez communiquée fait naître d’étranges idées ! Vos ministres ignoreraient-ils donc que le spectacle d’un grand homme aux prises avec l’adversité est le spectacle le plus sublime ? Ignoreraient-ils que Napoléon à Sainte-Hélène, au milieu des persécutions de toute espèce, auxquelles il n’oppose que la sérénité, est plus grand, plus sacré, plus vénérable que sur le premier trône du monde, ou si longtemps il fût l’arbitre des rois ? Ceux qui, dans cette position, manquent à Napoléon n’avilissent que leur propre caractère et la nation qu’ils représentent ! »


Général Joubert – Pétersbourg – Moscou ; son incendie – Projet de Napoléon s’il fût revenu vainqueur.


Samedi 24.

J’ai été sur les deux heures joindre l’Empereur dans sa chambre. Il m’avait dès le matin fait demander mon Atlas. Je l’ai trouvé achevant