Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/167

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évidemment faux : il ne se fût pas maintenu trois heures ; tout aurait été décidé à huit heures du matin, et les Prussiens ne seraient arrivés que pour être pris à revers. Dans une même journée les deux armées eussent été détruites. S’il comptait qu’une partie de l’armée française aurait, conformément aux règles de la guerre, suivi l’armée prussienne, il devait dès lors lui être évident qu’il n’en aurait aucune assistance, et que les Prussiens, battus à Ligny, ayant perdu vingt-cinq à trente mille hommes sur le champ de bataille, en ayant eu vingt mille d’éparpillés, poursuivis par trente-cinq ou quarante, mille Français victorieux, ne se seraient pas dégarnis, et se seraient crus à peine suffisants pour se maintenir. Dans ce cas, l’armée anglo-hollandaise aurait dû seule soutenir l’effort de soixante-neuf mille Français pendant toute la journée du 18, et il n’est pas d’Anglais qui ne convienne que le résultat de cette lutte n’était pas douteux, et que leur armée n’était pas constituée de manière à supporter le choc de l’armée impériale pendant quatre heures.

« Pendant toute la nuit du 17 au 18, le temps a été horrible, ce qui a rendu les terres impraticables jusqu’à neuf heures du matin. Cette perte de six heures depuis la pointe du jour a été tout à l’avantage de l’ennemi ? mais son général pouvait-il faire dépendre le sort d’une pareille lutte du temps qu’il faisait dans la nuit du 17 au 18 ? Le maréchal Grouchy, avec trente-quatre mille hommes et cent huit pièces de canon, a trouvé le secret, qui paraissait introuvable, de n’être, dans la journée dit 18, ni sur le champ de bataille de Mont-Saint-Jean ni sur Wavres. Mais le général anglais avait-il l’assurance de ce maréchal qu’il se fourvoierait d’une si étrange manière ? La conduite du maréchal Grouchy était aussi imprévoyable que si, sur sa route, son armée eût éprouvé un tremblement de terre qui l’eût engloutie. Récapitulons. Si le maréchal Grouchy eût été sur le champ de bataille de Mont-Saint-Jean, comme l’ont cru le général anglais et le général prussien pendant toute la nuit du 17 au 18, et toute la matinée du 18 ; et que le temps eût permis à l’armée française de se ranger en bataille à quatre heures du matin, avant sept heures l’armée anglo-hollandaise eût été écharpée, éparpillée ; elle eût tout perdu ; et si le temps n’eût permis à l’armée française de prendre son ordre de bataille qu’à dix heures, à une heure après midi l’armée anglo-hollandaise eût fini ses destins ; les débris en eussent été rejetés au-delà de la forêt ou dans la direction de Hall, et l’on eût eu tout le temps dans la soirée d’aller à la rencontre du maréchal Blucher et de lui faire éprouver un pareil sort. Si le maréchal