Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/169

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nemi ; il n’a rien fait de ce que celui-ci craignait qu’il fît. L’infanterie anglaise a été ferme et solide, la cavalerie pouvait mieux faire ; l’armée anglo-hollandaise a été deux fois sauvée dans la journée par les Prussiens ; la première fois avant trois heures par l’arrivée du général Bulow avec trente mille hommes, et la deuxième fois par l’arrivée du maréchal Blucher avec trente et un mille hommes. Dans cette journée, soixante-neuf mille Français ont battu cent vingt mille hommes ; la victoire leur a été arrachée entre huit et neuf heures, mais par cent cinquante mille hommes.

« Qu’on se figure la contenance du peuple de Londres au moment où il aurait appris la catastrophe de son armée, et que l’on avait prodigue le plus pur de son sang pour soutenir la cause des rois contre celle des peuples, des privilèges contre l’égalité, des oligarques contre les libéraux, des principes de la sainte-alliance contre ceux de la souveraineté du peuple !!! »


Projet de nouvelle défense politique de Napoléon par lui-même.


Mardi 27.

J’ai été joindre l’Empereur sur les quatre heures. Il avait travaillé toute la matinée. Le vent était très fort ; il n’a pas voulu faire le tour en calèche ; il s’est promené longtemps dans la grande allée du bois ; nous y étions tous.

Après dîner, l’Empereur, revenant sur sa protestation récente contre le traité du 2 août, et s’animant sur son contenu, disait, en marchant à grands pas dans le salon, qu’il allait en tracer un autre sur un cadre bien autrement vaste et important, contre le bill même de la législature britannique. Il prouverait, disait-il, que ce bill n’était pas une loi, mais une violation de toutes les lois. Lui, Napoléon, y était proscrit, et n’était point jugé. Le parlement d’Angleterre avait fait ce qu’il croyait juste : il avait imité Thémistocle, sans vouloir écouter Aristide. De là, l’Empereur se mettait en jugement devant tous les peuples de l’Europe, et chacun d’eux l’absolvait successivement. Il a passé en revue tous les actes de son administration, et les a tous justifiés. « Les Français et les Italiens, a-t-il dit, gémissent de mon absence. J’emporte la reconnaissance des Polonais, et jusqu’aux regrets tardifs et amers des Espagnols mêmes, etc.

« L’Europe pleurera bientôt la perte de l’équilibre auquel mon empire français était absolument nécessaire. Elle est dans le plus grand danger ; elle peut être à chaque instant inondée de Cosaques et de Tar-