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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/181

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reur répétait souvent qu’au travail du bœuf il joignait le courage du lion.

Le travail semblait l’élément de M. Daru ; il avait toujours rempli tous ses instants ; si bien que, quand il fut devenu ministre secrétaire d’État, quelqu’un le plaignant de l’immensité de travail qui devait l’absorber désormais : « Bien au contraire, répondit-il plaisamment, c’est depuis mes nouvelles fonctions qu’il me semble, n’avoir plus rien à faire. » Il s’y trouva pourtant pris une fois. L’Empereur l’ayant demandé après minuit pour travailler, M. Daru était tellement accablé de fatigue, qu’il savait à peine ce qu’il écrivait, et que, la nature l’emportant, il s’endormit sur son papier. Après un sommeil profond, venant à rouvrir les yeux, quel fut son saisissement d’apercevoir l’Empereur travaillant tranquillement à ses côtés. L’état des bougies l’avertissait assez que son absence devait avoir été longue. Atterré, confondu, ses yeux incertains vinrent rencontrer ceux de l’Empereur, qui lui dit : « Eh bien, oui, Monsieur, vous me voyez faisant votre travail, puisque vous n’avez pas voulu le faire. J’ai pensé que vous aviez bien soupé, passé une bonne soirée ; mais encore faudrait-il que le travail rien souffrît point. – Ah ! Sire, lui dit alors M. Daru, moi avoir passé une bonne soirée ! Voilà plusieurs nuits blanches que je passe au travail, et Votre Majesté vient d’en voir la triste conséquence, qui