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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/188

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donné ce qui ne lui appartient pas : quel diable de présent ! » Cependant Duroc avait été payer le maître du bâtiment ; il en tenait la quittance de vente qu’on remit à l’homme. Dès qu’il commença à comprendre, sa joie fut jusqu’au délire ; il fit des folies. La somme était encore à peu près la même que ci-dessus. « Ainsi, disait l’Empereur, on voit que les désirs des hommes ne sont pas aussi immodérés qu’on le pense, et qu’il est plus facile de les rendre heureux qu’on ne le croit ; car assurément ces deux hommes trouvèrent le bonheur. »

Napoléon répétait souvent des traits de la sorte ; en voici un écrit sous sa dictée, il s’agit du passage du Saint-Bernard, avant la bataille de Marengo.

« Le Consul montait, dans le plus mauvais pas, le mulet d’un habitant de Saint-Pierre, désigné comme étant le mulet le plus sûr de tout le pays. Le guide du Consul était un grand et vigoureux jeune homme de vingt-deux ans, qui s’entretint beaucoup avec lui, en s’abandonnant à cette confiance propre à son âge et à la simplicité des habitants des montagnes. Il confia au Premier Consul toutes ses peines, ainsi que les rêves de bonheur qu’il faisait pour l’avenir. Arrivé au couvent, le Premier Consul, qui jusque-là ne lui avait rien témoigné, écrivit un billet et le donna à ce paysan pour le remettre à son adresse. Ce billet était un ordre qui prescrivait diverses dispositions,