Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/215

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derdale. Le ministère anglais fut maître d’empêcher la campagne de Prusse[1] et de prévenir la bataille d’Iéna. Lorsque, depuis, les alliés présentèrent à Chaumont, en 1814, un ultimatum, lord Castlereagh, en signant cet ultimatum, reconnut de nouveau l’existence de l’empire dans la personne et la famille de Napoléon ; et si celui-ci n’accepta pas les propositions du congrès de Châtillon, c’est qu’il crut n’être pas le maître de céder une partie de l’empire dont il avait juré à son couronnement de maintenir l’intégrité.

Les électeurs de Bavière, de Wurtemberg, de Saxe, furent créés rois par l’Empereur.

Les armées saxonnes, bavaroises, wurtembergeoises, badoises, hessoises, combattirent avec les armées françaises. Les armées russes et françaises combattirent ensemble, dans la guerre de 1809 contre l’Autriche. Depuis, l’empereur d’Autriche conclut à Paris, en 1812, une alliance avec Napoléon, et le prince de Schwartzemberg commanda sous ses ordres le contingent autrichien dans la campagne de Russie, où il acquit le grade de feld-maréchal, sur la demande de la France. Un traité semblable d’alliance fut conclu à Berlin, et l’armée prussienne fit cette même campagne de Russie avec l’armée française.

Les plaies que la révolution a faites, l’Empereur les a cicatrisées : tous les émigrés rentrèrent, et cette liste de proscription fut anéantie. Ce prince eut la gloire la plus douce, celle de rappeler ainsi dans leur patrie et de réorganiser plus de vingt mille familles : leurs biens non vendus leur furent rendus ; et, passant entièrement l’éponge sur le passé, les individus de toutes les classes, quelle qu’eût été leur conduite, furent également appelés à tous les emplois. Les familles qui devaient leur illustration aux services qu’elles avaient rendus aux Bourbons, celles qui leur avaient été les plus dévouées occupèrent des places à la cour, dans l’administration et dans l’armée. On avait oublié toutes les dénominations ; il n’y avait plus d’aristocrates, de jacobins, et l’établis-

  1. Pendant que lord Lauderdale était à Paris et négociait avec les plénipotentiaires de l’Empereur, la Prusse courut aux armes et prit une attitude hostile. Lord Lauderdale paraissait ne point approuver cette conduite et croire la lutte fort inégale. Instruit que l’Empereur se préparait à se mettre à la tête de l’armée, il demanda si l’Empereur consentirait à retarder son départ et à s’arranger avec la Prusse, si l’Angleterre acceptait la base de la négociation, c’est-à-dire l’uti possidetis de part et d’autre, en y comprenant le Hanovre. La discussion était sur le Hanovre, que l’Angleterre voulait recouvrer indépendamment de cette base. Par la réponse du cabinet de Saint-James, lord Lauderdale fut rappelé : l’Empereur partit et la bataille d’Iéna eut lieu ; Fox était mort alors.
        Nous avons été, à cette époque, témoins oculaires des regrets et de la répugnance qu’avait le monarque français pour la guerre de Prusse ; il était disposé à laisser à cette puissance le Hanovre, et à reconnaître une confédération du nord de l’Allemagne. Il sentait que la Prusse n’ayant jamais été ni battue ni humiliée par la France, étant tout entière, n’avait aucun intérêt contraire aux siens, mais qu’une fois vaincue, il faudrait la détruire.