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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/224

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succédé jusqu’au traité de Chatillon ; dans celui-là même, fait en France en février 1814, les alliés ne songèrent jamais aux Bourbons.

Les chapitres VII, VIII, IX disent et démontrent que les Bourbons, au retour, eussent dû commencer une cinquième dynastie et ne pas vouloir continuer la troisième. Le premier système eût rendu tout facile, le second a tout compliqué.

Le Xe chapitre enfin termine par une image de quelques lignes qui donne toute la magie du retour du 20 mars. Ces derniers chapitres renferment ce qu’il y a de plus nerveux, de plus serré, mais les applications sont directes, souvent même personnelles, j’ai supprimé les développements ; je n’ai pas voulu qu’on pût m’accuser, en toute raison, de reproduire un plaidoyer hostile.


Mon ménage – Intention de l’Empereur dans ses prodigalités, etc..


Lundi 9, mardi 10.

L’Empereur a passé une mauvaise nuit. Il m’a fait appeler de bonne heure, et m’a dit être assommé, tué. Il n’avait pu reposer et avait eu de la fièvre. Il a continué d’être souffrant ces deux jours. Il a passé presque tout le temps sur son canapé, et les soirées près du feu. Il n’a pu manger, et s’est contenté de boire de la limonade cuite. Je l’ai à peine quitté tout ce temps, l’ayant soigné plusieurs fois de mes propres mains. Il a sommeillé à divers intervalles, et le reste du temps il causait ou me questionnait sur une foule de différents objets. Une fois il s’est arrêté sur les dépenses de nos sociétés de Paris. Il a passé de là à mon ménage, et a voulu en connaître les plus minutieux détails.

Quand il m’a entendu dire que je n’avais que 20 000 fr. annuels, dont 15 à moi et 5 de traitement de son Conseil d’État, il s’est écrié. « Mais vous étiez donc fou ? Comment avez-vous osé approcher des Tuileries avec un aussi mince revenu ? Les dépenses y étaient énormes ; vous me faites frémir ! – Sire, je n’y étais pourtant pas différemment des autres, et je n’ai jamais rien demandé à Votre Majesté. – Je ne dis pas cela, mais vous deviez être ruiné en moins de quatre ou cinq ans. Non, Sire, j’avais passé la plus grande partie de ma vie dans l’émigration ; j’avais constamment vécu de privations, je demeurais encore, à fort peu de choses près, de même. Il est bien vrai qu’en dépit de toute mon économie, je mangeais encore 7 ou 8.000 fr. de mon capital chaque année ; mais, Sire, voici quel avait été mon calcul : il