Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/246

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l’impulsion de leurs soldats, si même ils ne se montrèrent hostiles.

« Tout le monde sait bien aujourd’hui, disait-il, que Ney quitta Paris tout au roi, et que, s’il tourna contre lui quelques jours plus tard, c’est qu’il crut ne pouvoir faire autrement.

« J’étais si loin de compter en aucune manière sur Masséna que je me crus obligé, en débarquant, de le sauter à pieds joints ; et le questionnant plus tard à Paris sur ce qu’il aurait fait si je ne me fusse éloigné aussi rapidement de la Provence, il eut la franchise de répondre qu’il serait bien embarrassé de me le dire ; mais que le plus sûr, dans tous les cas, avait été d’agir ainsi que j’avais fait ; que de la sorte le tout avait été pour le mieux.

« Saint-Cyr s’était vu en danger pour avoir voulu contenir les soldats confiés à ses ordres.

« Soult me confessa que le roi lui avait inspiré un véritable goût, tant il se trouvait bien de son régime, et ne voulut reprendre du service qu’après le Champ de mai.

« Macdonald ne reparut point ; le duc de Bellune suivit le roi à Gand. Ainsi, concluait-il, si les Bourbons ont eu à se plaindre de la désertion complète du soldat et du peuple, certes ils n’ont pas le droit de reprocher le manque de dévouement et de fidélité aux principaux de l’armée, à ces élèves ou chefs de la révolution qui, malgré une habitude de vingt-cinq ans, disait-il, n’ont montré dans cette circonstance que de vrais enfants en politique. On ne les a trouvés ni émigrés ni nationaux !… etc., etc. »

Napoléon en avait eu l’instinct, et s’était tenu fidèle à son grand principe de n’agir que sur les masses et par les masses. Au moment de l’entreprise et après son débarquement, on le sollicita plusieurs fois d’essayer de traiter avec quelques-uns des chefs ; mais il fit constamment sa belle réponse : « Si je suis demeuré dans le cœur de la masse, je dois m’importer peu des chefs ; et si je n’avais que ceux-ci, à quoi me serviraient-ils contre le torrent de la masse ? »

Voici qui montrera du moins le peu d’intelligence que Napoléon avait entretenue avec la capitale. Le matin de son entrée à Paris, en arrivant de l’île d’Elbe, 150 officiers à la demi-solde, traînant quatre pièces de canon, quittent spontanément Saint-Denis, où ils avaient été stationnés par les princes, et marchent vers la capitale ; ils sont rencontrés dans leur route par quelques généraux qui se mettent à leur tête, et poursuivent avec cette petite troupe jusqu’au château des Tuileries, où ils convoquent les chefs des administrations, qui tous convien-