Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trésor était toujours au-dessous de l’estimation. L’armée coûtait donc moins qu’elle n’eut dû coûter. Quel autre plus heureux résultat pouvait-on demander ? »

L’Empereur citait l’administration de la marine pour avoir été la plus régulière, la plus pure ; elle était devenu un chef-d’œuvre. Là avait été le grand mérite de Decrès, disait-il.

L’Empereur trouvait que la France était trop grande pour un seul ministre de l’administration de la guerre. « C’était au-dessus des forces d’un homme, disait-il. On avait centralisé à Paris les décisions, les marchés, les fournitures, les confections, et subdivisé la correspondance du ministre en autant de personnes qu’il y avait de régimes, et de corps. Il fallait, au contraire, centraliser les correspondances, et subdiviser les ressources en les transportant dans les localités mêmes. Aussi j’avais longtemps médité le projet de former en France vingt ou vingt-cinq arrondissements militaires qui eussent composé autant d’armées. Il n’y eût plus eu que ce nombre de dépôts, de comptabilités, etc. : c’eût été vingt sous-ministres ; il eût fallu trouver vingt honnêtes gens. Le ministre n’eût plus eu que vingt correspondances ; il eût centralisé le tout et fait mouvoir la machine avec rapidité, etc. »

Ce sujet l’a conduit à traiter les bases de l’armée d’une grande nation telle que la nôtre. Il a développé ce qu’il se proposait d’exécuter à la paix générale, s’il eût pu l’obtenir. Ces objets, extrêmement curieux, étaient si confusément exprimés dans mon manuscrit, que je les ai passés tout d’abord, dans la crainte de ne pas les rendre avec exactitude ; mais je les retrouve dictés plus tard par lui-même, tome Ier, publication de Bossange, et je ne puis me refuser aujourd’hui à reproduire quelques-unes de ses principales idées telles que cette publication récente m’a mis à même de les redresser dans mon manuscrit ; elles seront agréables aux gens du métier :

« Napoléon voulait composer son armée de 1.200.000 hommes, savoir : 600.000 pour l’armée de ligne, 200.000 pour l’armée de l’intérieur, et 400.000 pour l’armée de réserve ; et tout cela ne devait soustraire constamment à l’agriculture que 288.000 hommes.

Il devait être de principe, disait-il, que l’infanterie d’une armée étant représentée par 1, la cavalerie serait un quart, qui pourrait se réduire à un cinquième, à cause des pays de montagnes ; l’artillerie un huitième, les troupes du génie un quarantième, les équipages militaires un trentième.