Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/35

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voyageur ne tarda pas, disait-il, à s’apercevoir du dissentiment des opinions politiques du beau-père et du gendre : le gentilhomme Gassendi était aristocrate comme de raison, et le médecin, chaud patriote. Celui-ci trouva dans le convive étranger un auxiliaire puissant, et en fut si ravi que le lendemain il était au point du jour chez lui en visite de reconnaissance et de sympathie. L’apparition d’un jeune officier d’artillerie d’une bonne logique et d’une langue alerte, disait l’Empereur, était une recrue précieuse et rare pour l’endroit. Il fut aisé au voyageur de s’apercevoir qu’il faisait sensation. C’était un dimanche, on lui tirait le chapeau du bout de la rue. Toutefois ce triomphe ne fut pas sans échec. Il alla souper chez une dame, auprès de laquelle un autre de ses camarades semblait fort bien établi ; or c’était là le repaire de l’aristocratie du canton, bien que la dame ne fût que la femme d’un marchand de vin ; mais elle avait une grande fortune, les meilleures manières, c’était la duchesse de l’endroit, disait l’Empereur. Là se trouvait toute la gentilhommerie des environs. Le jeune officier avait donné dans un vrai guêpier, il lui fallut rompre force lances ; la partie n’était pas égale. Au plus fort de la mêlée, on annonce le maire. « Je crus que c’était un secours que le ciel m’envoyait dans ce moment de crise,