Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/359

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« En mettant le pied en Italie, disait-il, j’ai changé les mœurs, les sentiments, le langage de notre révolution. Je n’ai point fusillé les émigrés, j’ai secouru les prêtres, j’ai abrogé les institutions, les fêtes qui nous déshonoraient. Et en cela je n’étais point guidé par mon caprice, mais bien par la raison et l’équité, ces deux bases premières de la haute politique. Par exemple, m’a-t-il dit, si la fête de la mort du roi se fût toujours continuée, vous n’auriez pas eu l’occasion de pouvoir vous rallier jamais, etc., etc. »

L’Empereur disait avoir été celui qui le premier avait salué la France au nom de la grande nation… « Et certes, remarquait-il, je l’ai montrée telle au monde abattu devant elle. »

Et après un léger intervalle, il a repris : « Et elle le sera encore et le demeurera toujours, si son caractère national redevient en harmonie avec tous ses avantages physiques et ses moyens moraux, etc., etc. »

Dans un autre moment, parlant de l’un de nous qu’il aimait beaucoup, il disait : « C’est le caractère de la vache ; doux et tranquille pour toutes choses, excepté sur l’article de ses enfants ; dès qu’on touche à ceux-ci, aussitôt les cornes en avant : on pourrait le rendre furieux, etc. »

Parlant d’un autre qui avait passé trente ans, et qu’il accusait d’être trop jeune encore, il disait : « À cet âge, pourtant, j’avais fait toutes mes conquêtes, je gouvernais le monde ; j’avais apaisé la tempête, fondu les partis, rallié une nation, créé un gouvernement, un empire ; il ne me manquait que le titre d’empereur. » Et continuant sur ce sujet, il disait : « J’ai été gâté, il faut en convenir, j’ai toujours commandé ; dès mon entrée dans la vie, je me suis trouvé nanti de la puissance, et les circonstances et ma force ont été telles, que dès que j’ai eu le commandement, je n’ai plus reconnu ni maîtres ni lois. »


Résumé de juillet, août, septembre, octobre. — De l’ouvrage de M. O’Méara ; procès qui lui est intenté en ce moment par sir Hudson Lowe. – Quelques mots en défense du Mémorial.


Le résumé habituel ne saurait être long désormais ; trois phrases à la rigueur pourraient suffire :

Tourments au comble. – Réclusion absolue. – Destruction infaillible.

Le reste de la vie de Napoléon ne sera plus qu’une cruelle et longue agonie.

On a vu que l’arrivée du nouveau gouverneur avait été pour nous le signal d’une sinistre existence. Peu de jours avaient suffi pour dérouler ses dispositions malfaisantes. Bientôt les tourments, les outrages dont il se dit l’intermédiaire, ou qu’il créa lui-même, furent au comble : il