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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/393

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tous ; et nos acclamations furent aussi sincères que celles des Français eux-mêmes.

Napoléon et Marie-Louise, revenant de leur voyage de Hollande, arrivèrent à Givet sur la Meuse, où se trouvaient plusieurs centaines de prisonniers anglais. Le temps devint subitement horrible ; il plut en abondance, la rivière déborda, le pont de bateaux se rompit, et le passage devint impraticable. Cependant l’Empereur, très impatient de continuer sa route, et qui avait pris l’habitude de ne trouver rien d’impossible, résolut de traverser la rivière à tout prix. On rassembla à cet effet les mariniers des environs ; mais tous prononcèrent qu’ils n’oseraient jamais le tenter. Pourtant, répliqua Napoléon, je veux être de l’autre côté avant le milieu du jour ; et, se rendant lui-même sur les lieux, il commanda qu’on lui amenât quelques-uns des principaux prisonniers anglais. Y a-t-il beaucoup de marins parmi vous ? leur dit-il ; êtes-vous nombreux ? – Nous sommes cinq cents, et tous marins. – Eh bien ! faites m’en venir un certain nombre, je veux savoir s’ils croient le passage de la rivière possible et s’ils veulent se charger de me transporter à l’autre rive. La chose était vraiment dangereuse, pourtant quelques-uns de nos vieux marins s’engagèrent à en venir à bout. Napoléon se livra à nous avec une confiance qui nous émerveilla tous, et, rendu de l’autre côté, il nous remercia,