Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/568

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autres sujets ; je les soumettais à la conscription. Ces changements, en partie réalisés, m’ont donné beaucoup de soldats et de fort braves ! Si j’étais resté sur le trône de France, les Juifs en grand nombre fussent venus, flattés d’être relevés, riches, actifs, habiter les États français, chercher la protection de nos belles lois. Je souhaitais établir une liberté de conscience universelle. Mon système était de n’avoir point de religion prédominante, mais de tolérer tous les cultes ; je voulais que chacun pensât à sa manière, et que tous les hommes, protestants, catholiques, mahométans, déistes, etc., fussent égaux ; de sorte que la religion ne pût avoir aucune influence dans la distribution des emplois du gouvernement ; qu’elle ne pût contribuer à les faire accueillir ou repousser par un solliciteur ; et que, pour donner un emploi à un homme, on ne pût faire aucune objection tirée de sa croyance, pourvu que d’ailleurs il fût capable. Je rendis donc tout indépendant de la religion : les tribunaux, les mariages, les cimetières mêmes ne furent plus à la disposition des prêtres, et ils ne pouvaient plus refuser d’enterrer le corps d’une personne d’un culte différent. « Mon intention était de rendre purement civil tout ce qui appartenait à l’État et à la constitution, sans égard pour aucune religion. Je ne voulais accorder aux prêtres aucune influence et aucun pouvoir sur les affaires civiles ; mais les obliger à s’en tenir à leurs affaires spirituelles, sans se mêler d’autre chose. « Je lui demandai si les oncles et les nièces pouvaient se marier en France. Il répondit : « Oui ; mais il faut qu’ils en obtiennent la permission spéciale. » Je lui demandai si cette permission devait être accordée par le pape. « Par le pape ? dit-il ; non. » Puis me pinçant le bout de l’oreille en souriant, il ajouta : « Je vous dis que ni le pape, ni aucun de ses pi êtres, n’ont le pouvoir de rien accorder. Par le souverain. »

Napoléon, dans le même entretien, jugea sévèrement les francs-maçons ; je lui demandais ce qu’il pensait de leur but ; il me répondit : « Ce sont, en général, des oisifs, des gourmands et des imbéciles qui se rassemblent pour manger et faire des orgies. Cependant j’ai connu d’eux de temps en temps des actions honorables. ils ont servi la révolution, et contribué dernièrement à diminuer la puissance du pape et l’influence du clergé. Remarquez ce fait, c’est que quand les sentiments d’un peuple sont contre le gouvernement, toutes les sociétés particulières tendent à lui nuire. » Sur cette question, si les francs-maçons du continent ont quelque affiliation ou ressemblance avec les illuminati : « Non, fut sa réponse. C’est une société tout à fait différente ;