Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

général de gendarmerie. Le 13 vendémiaire, je commandais l’armée de la Convention dans Paris, contre les sections ; je les défis après une action de quelques minutes. J’obtins le commandement de l’armée d’Italie ; c’est là que je fis ma réputation. Rien n’a été plus simple que mon élévation ; elle ne fut le résultat ni de l’intrigue, ni du crime ; je la dus à ce que je m’étais battu successivement, avec succès, contre les ennemis de la France. Ce qu’il y a de plus extraordinaire (et, je crois, sans exemple dans l’histoire), c’est que, de simple particulier, je m’élevai à la hauteur difficile de la puissance suprême, sans avoir, pour y parvenir, commis de crime. »

J’ai demandé à l’Empereur s’il était vrai qu’il dût au crédit de Barras le grade dont il jouissait à Toulon, et s’il avait offert autrefois ses services aux Anglais. « Ce sont des mensonges. Quant à Barras, je n’ai eu de relation avec lui qu’après l’affaire de Toulon ; je ne fus protégé que par Gasparin, député d’Orange, et homme de talent ; il me soutint contre une race d’ignorantacci envoyés par la Convention. Je n’ai jamais offert mes services à l’Angleterre, je n’en ai pas plus eu la pensée que celle d’aller me faire Turc. Je passai en Corse avec Paoli, en l’an… Paoli m’aimait beaucoup, et je lui étais très-attaché ; mais Paoli épousa la cause de la faction anglaise, et moi, celle des Français, et, en conséquence, presque toute ma famille fut chassée de la Corse. Paoli me frappait souvent avec amitié sur la tête, en disant : « Vous êtes un homme de Plutarque. »

L’Empereur a parlé ensuite de l’entreprise de Copenhague. « Cette expédition témoigne une grande énergie chez vos ministres ; mais cette violation du droit des nations (et c’en était une odieuse !) blessa profondément vos intérêts, vous fit des ennemis implacables chez la loyale nation danoise, et vous ferma le Nord pour trois ans. Lorsque j’appris l’incendie de la flotte, je dus en être politiquement fort aise, parce que cet attentat séparait, pour longtemps, l’Angleterre des puissances du Nord. Les Danois ne pouvaient me fournir que soixante bâtiments de guerre, mais cela était peu important ; j’avais des vaisseaux en abondance, je n’avais besoin que de matelots que vous ne prîtes pas, et que j’obtins ensuite par cette entreprise.

« Durant la guerre avec l’Angleterre, je recevais fort régulièrement des nouvelles de votre gouvernement par les contrebandiers. Ce sont des gens intrépides, qui font avec adresse des choses presque impossibles. Une portion de Dunkerque leur était assignée, comme lieu de retraite. Mais comme ils franchirent ces limites, et se livrèrent à