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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/642

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n’ai eu que ce dessein, mais je l’ai eu dix ans. Je ne voulais point aller au delà des Alpes ; je me proposais, en incorporant Naples, la Sicile et toute l’Italie en un royaume, ayant Rome pour capitale, de donner cet état à un second fils que j’étais fondé d’espérer. J’aurais retiré Naples à Murat. »

Je lui ai demandé s’il lui aurait donné un autre royaume. « Oh ! a-t-il répondu, tout cela se serait arrangé aisément.

« Si j’étais appelé à conduire les affaires de l’Angleterre, dit Napoléon dans un autre moment, je ferais consacrer les revenus de l’Église, hors un dixième environ, à la liquidation de la dette nationale. J’excepterais les établissements peu rentés ; mais je ne voudrais pas que le plus haut revenu des ecclésiastiques s’élevât au-dessus de mille livres sterling. Quels besoins ont donc les prêtres ? pourquoi veulent-ils ces richesses immenses ? Jésus-Christ leur a recommandé, comme pasteur de la multitude, l’exemple de l’humilité, du désintéressement et de la pauvreté ; il ne leur a prescrit ni ce luxe insolent, ni de passer leurs jours dans une honteuse oisiveté. J’affecterais encore au payement de la dette publique le revenu des sinécures. Je ne laisserais ces charges que comme récompenses des services rendus ; et là, j’eusse demandé aux titulaires des services, du travail dans l’intérêt social. Émancipez les catholiques, ils payeront volontiers d’immenses sommes pour acquitter la dette publique. Qui peut donc empêcher cette mesure dans vos conseils ? Quand toutes les nations sacrifient leurs préjugés, vous conservez les vôtres ; vous défendez de vieilles lois couvertes de rouille qu’anime l’esprit des siècles intolérants ! Lorsque la question de l’émancipation, demandée chez vous, fut gravement agitée, j’eusse donné de grand cœur cinquante millions pour être assuré que vous n’accepteriez pas cette proposition.

« Par cette mesure, vous auriez ruiné mes projets sur l’Irlande, certain que si vous émancipiez les catholiques, ils seraient devenus des sujets aussi loyaux que les protestants. Maître de ces affaires, j’eusse mis une taxe sur les absents, et peut-être que j’eusse réduit l’intérêt de la dette ; ces questions sont graves ; il faut oser les aborder. »

Je lui parlai de quelques actes d’intolérance des catholiques anglais ; il me répondit :

« Affranchissez-les, donnez-leur le rang politique, laissez-les venir au parlement, et ils ne seront plus intolérants. La persécution des opinions produit le fanatisme. Cette intolérance dont vous vous plaignez découle de vos lois oppressives : modifiez-les, et l’esprit d’into-