Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/678

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intérêts. Il n’a été, dans le fait, que le commis zélé des souverains. Peut-être a-t-il voulu les convaincre que vous n’êtes pas une nation de marchands, et fait dire aux nations : « Oh ! que l’Angleterre s’est noblement comportée ! » Si Castlereagh eût entendu les intérêts de son pays, s’il eût stipulé des traités de commerce, demandé l’indépendance de plusieurs villes et états maritimes, pour assurer quelques avantages à l’Angleterre, l’indemniser du sang versé et de ses énormes sacrifices, il est vrai qu’alors on eût pu dire : Quel peuple mercenaire ! c’est une vraie nation de marchands : ils ne demandent que des marchés ! Et lord Castlereagh n’eût pas été si bien reçu dans les hauts salons.

« Il peut avoir montré du talent dans quelques circonstances, et une grande opiniâtreté à consommer ma ruine ; mais pour ce qui est de connaître et faire valoir les intérêts de son pays, c’est à quoi il ne s’est pas entendu. Il est probable que de mille ans l’Angleterre ne retrouvera une semblable occasion de s’agrandir. Dans la situation où sont les choses, on n’aurait rien pu vous refuser ; mais après des succès si romanesques, si surprenants ; après avoir été favorisé de Dieu et du hasard, comme vous l’avez été ; après avoir fait l’impossible ; après avoir effectué, je puis le dire, ce que jamais l’imagination la plus ardente n’aurait pu seulement présumer, quel profit en est-il résulté pour l’Angleterre, si ce n’est les cordons des souverains alliés qui décorent lord Castlereagh ? Quand une nation a été aussi favorisée que la vôtre, et qu’il existe de la misère chez cette même nation, l’incapacité des ministres est prouvée. »

4 juin. — La maison de Longwood a reçu aujourd’hui vingt-huit livres de viande.

Outre la garde ordinaire, on a placé un officier à Hut’s-Gate, depuis l’arrivée des vaisseaux venus d’Angleterre, avec ordre de surveiller de très-près les individus qui s’approcheraient de Longwood, et de refuser le passage aux personnes suspectes.

Un buste en marbre du fils de Napoléon a été apporté à Sainte-Hélène sur le Baring. Thomas Reade a conseillé au capitaine de le jeter à la mer et de n’en rien dire.

10. — J’ai parlé à l’Empereur d’une brochure sur Murat qui venait d’être publiée. C’est l’ouvrage d’un ancien aide de camp du roi de Naples, du colonel Macirone. Je lui rapportai qu’entre autres choses •Murat aurait dit au colonel que la bataille de Waterloo avait été perdue parce qu’on y avait fait un mauvais usage de la cavalerie, et que s’il l’eût commandée ce jour-là, les Français auraient battu les An-